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3.2 Devis de la recherche

3.2.1 Les observations directes

Notre ambition est d’observer les phénomènes de rencontre en train de se faire. L’observation directe constitue la méthode la mieux appropriée pour capter les dynamiques interactionnelles au moment de leur production. Elle est basée sur l’observation visuelle (Quivy & Campenhoudt, 2006, p. 177), où l’enquêteur procède au recueil des données sans l’intermédiaire d’un récit pour obtenir l’information recherchée. Elle relève de l’observation in situ qui, selon Chapoulie (1984, p. 592) :

                                                                                                               

9 Selon Quivy et Campenhoudt (2006, 177), l’observation permet d’atteindre le sens profond de l’empirie, c’est-à-dire se mettre systématiquement et délibérément en position d’être surpris. Elle doit pouvoir contraindre le chercheur à explorer des aspects du phénomène étudié qui ne cadrent pas forcément avec les intuitions de départ ; à voir ce qu’il ne pensait pas voir, à ratisser en des lieux qui rendent la surprise plus que plausible, probable.

«Désigne les activités d'un chercheur qui observe personnellement et de manière prolongée une partie des situations et des comportements auxquels il s'intéresse. Cette technique est en affinité avec une sociologie qui met au centre de son programme l'étude, non des faits constitués à la manière de Durkheim, mais des actions collectives et des processus sociaux qui peuvent être appréhendés à travers les interactions directes et dont le sens vécu par les agents n'est ni donné d'avance, ni susceptible d'être négligé»

Elle peut se faire de manière flottante10, impliquée11 ou focalisée. Cette dernière dimension nous

intéresse, car elle se fait sur des lieux, groupes et individus avec qui progressivement va se dessiner un espace de négociation, puis de confiance mutuelle (Roulleau-Berger, 2004, p. 265). Elle se rapproche de l’observation analytique et se différencie de l'observation diffuse, car elle cible les catégories d'interprétation propres aux terrains étudiés et non pas des phénomènes généraux, réguliers et habituels (Chapoulie, 2000, pp. 6–7). Cette méthode nous intéresse, car elle correspond à un travail de repérage focalisé sur un ou des aspects particuliers des phénomènes étudiés en un temps et lieu déterminés. Cette focalisation permettant de définir les catégories d'observation spécifiquement destinées à la recherche et, de saisir certains aspects de la réalité sociale ignorés par l'ensemble des processus par lesquels les individus construisent leurs actions. L’observation a permis de nous inscrire en phase d’immersion sur le terrain (Giuliani & Laforgue, 2010, p. 197). Étant immergé, nous nous sommes obligé de considérer les phénomènes de la rencontre tels qu’ils se déroulent, et tels que les enquêtés qui en sont impliqués la définissent et l’interprètent. L’immersion a permis de se tenir au plus près des événements en train de se faire ou, pour reprendre un concept de Strauss (1992), des événements in «proccess» ; de saisir la manière dont les acteurs se rencontrent, se reconnaissent ou se méconnaissent dans l’espace de soins, afin d’appréhender les formes de rencontres et de reconnaissances qui en émergent. Nos unités d’observations étaient constituées des Maisons et de la Fondation. Nous y avons ciblé les espaces de soins qui traitent des enjeux de la santé relatifs aux questions de la maternité, grossesse et naissance. Ce choix se justifie par le fait que la santé de reproduction est un domaine où interfèrent des connaissances religieuses, traditionnelles et biomédicales (Bonnet & Jaffré, 2003; Olivier de Sardan, 2003). L’observation a permis de décrire les différents types de contacts [effectifs], directs et/ou indirects, selon la distinction proposée par Laugrand (2002, pp. 105, 175).                                                                                                                

10 L’observation flottante demande une grande disponibilité et réceptivité, où le sociologue laisse flotter son attention pour s’imprégner de ce qui se vit autour de lui jusqu’à ce que des points de repère apparaissent

Ils correspondent, respectivement, à ce que Lévi-Strauss (1971, p. 539) a qualifié de «champs d’interactions fortes» et de «champs d’interactions faibles». Dans les contacts directs, la rencontre se fait par la présence des acteurs dans l’espace de sociabilité thérapeutique. L’observation a aussi permis de répondre à la série de questions suivantes : quel type de thérapeute rencontre quel autre type ? Quel est leur domaine de spécialisation : ritualistes [devin, prophètes, prêtres], guérisseurs, biomédecins, ou autres ? Appartiennent-ils à un groupe de praticiens travaillant en équipe ? Leur identité socioprofessionnelle : qui est qui et qui fait quoi dans le groupe ? Les contacts indirects supposent une série de médiations. De quelles natures sont-elles ? Quels en sont les agents vecteurs ? D’un côté, l’observation a permis de décrire avec précision les différents champs d’identification auxquels se réfère le thérapeute ; à identifier les objets thérapeutiques [rituels de guérison, plantes médecines, médicaments] auxquels les acteurs font recours. De l’autre, elle a amené à identifier les objets de la rencontre en termes de pratiques et d’objets thérapeutiques mobilisés ; le lieu où ces derniers convergent, se séparent ; les différents espaces sociaux où s’opère la rencontre ; à reconnaître les objets thérapeutiques relevant des emprunts ; à reconnaître à quels moment ils font irruption dans le cours des pratiques de soins. Par ailleurs, une part importante de l’observation a été consacrée à la place qu’occupent les aspects économiques dans les prestations de services que reçoivent les mères d’enfants autant des guérisseurs que des biomédecins. De quelles manières les mères paient les différents services reçus ? En fonction de quels critères les tarifs sont exigés des patients ? Les observations ont été enregistrées sur des supports audiovisuels, car selon Copans (2008), les images permettent de conserver vivante l’observation. Nous avons réalisé 20 observations en situation de consultations, dont 10 en Maisons de soins [chez les guérisseurs]; et 10 à la Fondation [Centre Mère et Enfant]. Alignée sur le temps de consultation, la durée moyenne des observations était, respectivement, de 60 mn environ en Maisons ; et de 16 mn à la Fondation. Les observations ont été suivies des entretiens.

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