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CHAPITRE 3 Les compétences sociales et la réussite des élèves

I. L ES COMPETENCES ET L ’ ECOLE

II.2. Image de soi et sentiment de compétence : quels effets sur le développement des

II.2.2. Le sentiment d’efficacité personnelle

Bandura (1997) indique en effet que ce que l’on imagine pour une situation influence les

comportements adoptés face à cette situation. Utilisé par les chercheurs en Psychologie de

l’Éducation, le sentiment d’efficacité personnelle peut être défini comme « le jugement que

porte une personne sur sa capacité d’organiser et d’utiliser les différentes activités inhérentes

à la réalisation d’une tâche à exécuter » (Bouffard-Bouchard et Pinard, 1988, p. 411

87

). Cela

renvoie en définitive au sentiment d’auto-efficacité qui « se traduit dans les faits par ce

qu’une personne se sent capable de faire » (Joët et al., 2007, p. 26). Lorsque ce concept est

appliqué au contexte de la formation, cette conception renvoie finalement aux croyances que

l’apprenant se construit sur sa propre capacité à réussir et ce processus exerce un effet non

négligeable sur l’engagement et la performance (Galand et Vanlede, 2004).

La perception des capacités personnelles associée à la réussite ou à l’échec entraîne différents

sentiments comme l’enthousiasme ou le découragement. Ces émotions influent sur la

motivation de l’individu face à une situation. Le sentiment d’efficacité est en effet

conditionné par le besoin de compétence qui intervient dans le processus d’autodétermination.

La motivation est ainsi déterminée par la perception des compétences : « ce que l’on croit être

capable de faire est aussi important que ce que l’on est capable de faire » (Martinot, 2001, p.

486). Fortement corrélé à l’estime de soi, ce processus psychologique est appelé le

« sentiment de compétence personnelle » et est nécessaire au bien-être et à l’efficacité dans

l’action (Bouffard et al., 2006)

88

.

87 Cités par Galand et Vanlade (2004).

88 Même si les concepts de sentiment de compétence, de sentiment d’efficacité personnelle ou encore d’efficacité personnelle perçue proviennent d’approches différentes, l’« idée centrale commune à ces notions est que la confiance d’un individu en sa capacité dans une tâche donnée détermine en partie la façon dont il va faire face à cette tâche et le niveau de performance qu’il va effectivement atteindre » (Galand et Vanlede, 2004).

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Ceci donne ainsi le sentiment à l’individu d’agir sur son environnement, d’être responsable de

ses actions. Chez les jeunes enfants, il existe un « biais positif » de ce sentiment, car ils ont

tendance à avoir une vision très optimiste de leurs compétences personnelles. Pour certains

enfants qui se développent intellectuellement plus lentement que les autres, cette perception

optimiste des compétences peut leur permettre de se motiver face aux échecs rencontrés.

Or, d’autres présentent un « biais négatif » nommé par Philipps (1984

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) « l’illusion

d’incompétence ». En milieu scolaire, cette illusion se traduit par un décalage entre la

perception des compétences et les compétences effectives de l’élève qui se considère inférieur

scolairement à ses camarades. L’illusion d’incompétence implique plusieurs comportements

chez l’élève n’encourageant pas la réussite et l’on peut ainsi dire que les élèves présentant ce

biais négatif ne développent pas les compétences sociales nécessaires à leur réussite. Par

exemple, ils présentent peu de persévérance et d’autonomie (Philipps, 1987), ils sont moins

curieux et plus facilement ennuyés face aux apprentissages scolaires (Harter, 1985 ; Philipps

et Zimmerman, 1990) ou ils présentent un locus de contrôle externe, c’est-à-dire qu’ils

attribuent leur réussite à la chance ou à des facteurs externes plutôt qu’à leurs capacités

personnelles (Bouffard et al., 2006), phénomène lié aux formes extrinsèques de

l’autodétermination. Dans leur recherche de 2006, Bouffard et al. montrent que l’estime de soi

est plus faible chez les élèves avec une illusion d’incompétence, la perception de soi scolaire

étant la plus importante à cet âge car l’école est au centre de la vie des enfants.

Pour résumer ces propos, nous pouvons rappeler les théories principales que l’on retrouve

dans les travaux de Bandura et Bouffard (Bouffard et al., 2006). Tout d’abord, les théories de

l’effet du sentiment de compétence et de la motivation intrinsèque des élèves sur leur réussite

à l’école ont été largement démontrées en Psychologie Cognitive et en Psychologie de

l’Éducation. En effet, en fonction de la perception positive ou négative de leurs capacités, les

élèves vont porter un intérêt ou non à ce qu’ils apprennent et donc produire des efforts ou

rester passifs. Face à une difficulté, les enfants qui ont une vision positive ont tendance à se

montrer persévérants et à réussir tandis que ceux qui se considèrent négativement, incapables,

auront plus tendance à abandonner ou à échouer. Dans leur recherche, Bouffard et al. (2006)

étudient le sentiment de capacité en lecture et en mathématiques d’élèves âgés de 7 ans en

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moyenne à partir d’un outil adapté des travaux d’Harter ; les différences de sentiment de

compétence et de motivation intrinsèque analysées en fonction de l’âge sont étudiées selon les

domaines académiques (lecture et mathématiques) et selon le genre. Au sujet de la motivation

intrinsèque, les auteurs ne démontrent pas d’effet significatif sur la réussite scolaire et ce à

chaque niveau de la scolarité étudié et dans chacune des deux disciplines, tandis que le

sentiment de compétence est quant à lui significativement lié à la réussite, à tous les niveaux

et tant en lecture qu’en mathématiques. Les différences observées entre les garçons et les

filles ne sont pas liées directement à une discipline et ne peuvent donc pas aller dans le sens

des stéréotypes de genre. Les filles semblent cependant être plus précoces dans la

différenciation de leur sentiment de compétence et de leur motivation intrinsèque en fonction

du domaine scolaire. Elles ont de plus tendance à traiter et intégrer l’expérience de leurs

performances passées dans une discipline scolaire afin de juger de leur compétence actuelle

dans ce même domaine.

L’estime de soi et le sentiment d’efficacité personnelle influencent donc les performances

scolaires des élèves, notamment par le processus intermédiaire de la motivation. Rappelons

que les notions d’estime de soi et de sentiment d’auto-efficacité restent à distinguer, la

première envoyant à la perception des capacités cognitives et la seconde allant jusqu’aux

aspects affectifs (Joët et al., 2007). Ces différents éléments peuvent être utiles à la

compréhension des différences de réussite et de rapport à l’école que l’on observe

classiquement dans les recherches travaillant sur les performances scolaires des élèves.

Comprendre l’effet des compétences sociales sur la réussite des élèves passe en effet par

l’étude des mécanismes et des processus en jeu dans la socialisation des individus. Nous

avons pu constater que les espaces de socialisation participant au développement des

compétences des enfants étaient multiples : la famille avec les parents et la fratrie, l’école

avec les enseignants et les pairs. L’entrée à l’école des enfants participe d’ailleurs à la

multiplication des espaces de socialisation et deux mondes, le scolaire et l’extra-scolaire, se

côtoient. Nous faisons le choix, dans ce travail, de traiter d’un espace de socialisation qui se

situe dans cet « entre-deux » (Barrère, 2013) : l’accompagnement scolaire. Les élèves

concernés par les dispositifs d’accompagnement scolaire sont en effet de plus en plus

nombreux. Envisager le développement de l’enfant et de ses compétences au travers des

multiples environnements sociaux qui l’entourent implique alors de considérer cet espace qui

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se situe entre la famille et l’école. Les dispositifs d’accompagnement scolaire sont-ils des

espaces de socialisation qui contribuent au développement des compétences sociales ? Nous

allons tenter de répondre à cette question dans la partie suivante.