CHAPITRE 3 Les compétences sociales et la réussite des élèves
III.2. Les compétences sociales et les dispositifs d’accompagnement scolaire
III.2.1. L’accompagnement scolaire en France : quels effets ?
La plupart du temps, les évaluations se centrent sur les effets en termes de résultats scolaires
et de compétences sociales, nous proposons de rappeler certaines de ces recherches françaises
dans cette partie.
Des effets sur les résultats scolaires des élèves ?
Dans la plupart des cas, les évaluations reposent sur le recueil de l’opinion des acteurs ou des
enfants participant aux dispositifs. Par exemple, une recherche conséquente a été menée sur
les AEPS (Glasman, 2001) : les jugements des enseignants sur les progrès des élèves attestent
d’une progression en fonction du niveau initial de l’élève. Cette évolution semble plus
importante chez les bons élèves et reste cependant assez faible pour les élèves les plus en
difficulté. Les progressions estimées par les enseignants et les intervenants sont de 55% pour
l’écrit, de 76% pour les devoirs, de 43% sur l’apprentissage des leçons et de 10% sur la
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lecture (Glasman 2001). Ces avancées et améliorations « scolaires » sont constatées par les
enseignants et les intervenants, qui manquent cependant certainement de recul et d’objectivité.
En effet, dans la plupart des évaluations de dispositifs d’accompagnement scolaire, même si
des résultats positifs sont effectivement démontrés, les résultats scolaires ne semblent pourtant
pas s’améliorer de façon significative.
C’est le cas avec l’aide aux devoirs par exemple, dont différentes recherches attestent qu’il
n’existe pas d’effet positif sur les résultats voire un effet nul ou négatif dans certains cas
(exemple du dispositif mis en place à Brest et évalué par Thomas, 1996
94). Les effets positifs
d’un tel dispositif sont plus ciblés : ils peuvent être observés chez les enfants d’ouvriers (effet
positif ou nul) ou chez les enfants d’inactifs ou des classes moyennes, sauf si le retard initial
est trop important. L’aide individualisée mise en place en classe de seconde en 1999 apporte
une satisfaction des acteurs mais pas d’amélioration des résultats scolaires (Danner et al.,
2001). Peu nombreuses sont les évaluations qui attestent de réels progrès en termes de
performances scolaires, les résultats des évaluations relèvent plus d’une satisfaction des
acteurs et d’une amélioration des comportements des élèves.
Des effets sur les compétences sociales, la socialisation et l’image de soi des élèves
Pour les programmes PREMIS (Plan pour la Réussite à l’École et une Meilleure Insertion
Sociale) mis en place dans les années 1990, les effets sur la progression des résultats ne sont
visibles que pour un petit nombre d’élèves (rapport APRIEF, 1996 et 1997) et les résultats
portent davantage sur le comportement des élèves (Danner, Le Bastard-Landrier et Morlaix,
2005). Un tel effet est aussi mesuré pour le dispositif « Coup de Pouce » au CP, lorsque l’on
interroge les enseignants (Piquée et Suchaut, 2002) : 87% d’entre eux voient un effet « très
bénéfique » ou « plutôt bénéfique » du dispositif et les effets sur les comportements de
motivation, confiance en soi, intérêt pour l’écrit et rapport à l’école sont observés
respectivement à 80%, 85%, 76% et 79%. Cette étude souligne l’importance de la motivation,
de la confiance en soi et du rapport à l’écrit dans l’évaluation globale positive faite par les
enseignants. En testant de façon plus objective les effets du dispositif à l’aide de tests à
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destination des élèves, un lien fort est démontré entre l’opinion des enseignants et les résultats
des acquisitions des élèves – résultat à nuancer lorsque la mesure se fait à partir des
caractéristiques scolaires des élèves car l’opinion favorable sur les élèves se porte en réalité
sur les élèves signalés « bons » par les tests, sans mesure de progression.
Pour poursuivre au sujet des effets sur la socialisation, on note un effet positif (subjectif) avec
une amélioration globale du comportement et des bénéfices psychologiques (Cavet, 2006).
Les enseignants et les animateurs ne jugent pourtant pas de la même façon les effets sur la vie
de l’élève au sein du groupe : les premiers notent une amélioration de la confiance en soi alors
que les intervenants insistent plus sur le plaisir de venir au dispositif ainsi que le changement
de comportement à l’égard du travail scolaire. Il existe un effet sur les élèves les plus
perturbateurs au sein-même du dispositif, mais qui ne peut pas toujours être transposé dans un
autre cadre que celui de l’école. Ces résultats sont davantage des opinions, des sentiments ou
des impressions d’amélioration du comportement qu’une mesure objective ; dans le discours
des acteurs ou des personnels externes aux dispositifs qui notent une amélioration des
comportements, il arrive parfois que leurs propos soient le produit d’une commodité sociale.
Une étude menée auprès des CLAS (Contrats Locaux d’Accompagnement à la Scolarité) de
Bourgogne interroge les 87 responsables sur l’efficacité et l’effectivité de leur dispositif
(Bonnaire, 2012). Parmi les 53 items du questionnaire, il est demandé aux enquêtés quels
sont, selon eux, les bénéfices du dispositif pour les élèves. Les résultats sont édifiants car,
parmi les 12 modalités (5 réponses possibles), l’item « améliorer l’estime de soi et la
confiance en soi » représente 71,3% des réponses, le développement de l’autonomie étant cité
par 60,9% des répondants, l’amélioration des résultats scolaires et des comportements par
51,7%. Ces résultats montrent donc que pour les responsables de dispositifs
d’accompagnement à la scolarité de la région Bourgogne, l’aspect psychologique de l’estime
de soi et de la confiance en soi semblent être une priorité et l’amélioration des conceptions de
soi des élèves est largement constatée.
Des effets négatifs ?
Enfin, même s’il n’y a pas beaucoup de preuves d’effets négatifs dans les rapports, il n’est pas
possible d’affirmer qu’il n’en existe pas. On peut cependant parler des limites et
dysfonctionnements des dispositifs que sont les « phénomènes d’usure » des acteurs
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(Glasman, 2001) ou des « risques de dérive » (Danner, Le Bastard-Landrier et Morlaix, 2005,
qui signalent une ambiguïté dans les relations enfants/adultes pouvant nuire au
fonctionnement du dispositif). Il peut donc y avoir aussi un effet négatif dans le temps pour
les dispositifs où les règles ne sont pas posées pour réguler les relations animateurs/élèves.
Glasman (2001) déclare que même si certains dispositifs présentent des limites et/ou
nécessitent un encadrement plus fort, l’existence-même d’un dispositif ne doit cependant pas
être remise en cause.
Pour l’interprétation des résultats de recherche portant sur l’efficacité des dispositifs et
présentés jusqu’à présent, il est nécessaire de prendre en compte certaines remarques
présentées dans l’encadré suivant.
Encadré 4
Remarques sur l’interprétation des résultats des évaluations de dispositifs
d’accompagnement scolaire (sources : Glasman, 2001 ; Glasman et Besson, 2004)
Tout d’abord, il est important de rappeler que chaque dispositif recouvre plusieurs sites,
c’est-à-dire que l’organisation locale et le public vont varier d’un dispositif à l’autre. Cela entraîne
le risque d’une différence d’effets entre les dispositifs (organisés pourtant à partir d’un même
programme national) et donc une difficulté de globalisation des résultats. Une seconde
remarque concerne les moyens et les méthodes d’enquête utilisés dans de nombreuses
évaluations : les analyses des résultats sont faites à partir du ressenti des acteurs et non à partir
d’une mesure objective des compétences. Ces remarques générales sur les évaluations des
dispositifs ne viennent pas mettre en doute la fiabilité des recherches mais mettent en garde
sur la généralisation des résultats.
La plupart des résultats présentés n’atteste pas de progressions mesurables en termes de
performances scolaires et les conclusions sont trop générales, ce qui appelle une précision des
propos en distinguant les dispositifs. De plus, le manque de clarté dans la lecture des résultats
des différents rapports (Glasman, 2001) est le plus souvent dû à la nature des évaluations et à
leur disparité. On peut alors faire plusieurs remarques face à cela :
- Il existe certes un effet positif sur le « métier d’élève » car les devoirs sont faits mais le
sont-ils dans l’optique d’une progression ou juste faits pour être faits, sans éveiller l’activité
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intellectuelle des élèves ? Les enfants se sentent en accord avec l’école (« contrat rempli »)
sans pour autant que leurs capacités cognitives ou leurs compétences ne soient réellement
mises à l’épreuve.
- Les résultats des évaluations semblent trop instables : il est difficile d’identifier sur quel
aspect la progression se fait car les études sont réalisées sur de trop courtes durées et les effets
sont variables selon les élèves, d’où l’importance des caractéristiques initiales du public visé.
- Il est enfin compliqué d’isoler les effets nets, imputables au seul dispositif
d’accompagnement scolaire : même s’il y a comparaison avec un groupe-témoin pour
certaines études, il est difficile d’identifier si les effets sont liés à l’accompagnement scolaire
ou s’ils sont la conséquence d’une autre influence, familiale ou scolaire par exemple.
Ces remarques sont donc à prendre en compte dans la lecture des différents résultats exposés
dans cette partie.
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Un résumé des effets des dispositifs (Glasman et Besson, 2004)
En guise de conclusion de cette partie sur l’évaluation des dispositifs d’accompagnement
scolaire en France, nous proposons le tableau récapitulatif suivant, élaboré à partir du rapport
de Glasman et Besson (2004) pour le Haut Conseil de l’Évaluation de l’École.
Les effets de l’accompagnement scolaire en France (Glasman et Besson, 2004)
Effets sur les résultats
scolaires
- Pas de progrès mesurables en termes de performances scolaires
car effets trop disparates d’un dispositif à l’autre et d’un enfant à
l’autre
- Difficultés de mesure : manque de recul, difficulté d’isoler l’effet
net du dispositif
Jugements des acteurs
- « Coup de Pouce » vu efficace par les parents et les enseignants
- Discours des animateurs plus optimiste que celui des enseignants
- Évaluation peu fiable lorsque l’on se fonde uniquement sur le
discours des acteurs sur leur propre action
Effets sur les
« comportements » et
sur le « rapport à
l’école »
- Effet positif sur la socialisation des élèves et en termes
psychologiques avec une amélioration du comportement prosocial
- Dans une évaluation qualitative des comportements des élèves vus
par les intervenants, les enseignants et les animateurs ne se réfèrent
pas à la même chose lorsqu’ils parlent de « comportement » :
Enseignants Animateurs
Plaisir d’aller dans le
dispositif, meilleur rapport à
l’école et au travail scolaire
Amélioration de la
confiance en soi et du
langage oral des élèves
« Apprendre l’école »
- Adoption d’un comportement conforme à l’école souvent
observée (évaluations subjectives) mais non transférable au cadre
scolaire
- Changement de comportement constaté vient aussi de l’évolution
du regard des adultes
Des effets négatifs ? - Effets négatifs très rarement soulignés dans les rapports mais
existence de dysfonctionnements et de limites
Pour conclure
- Accompagnement scolaire apporte à certains élèves le cadre
propice pour exercer leur métier d’élève
- Question de la mission de l’institution se posant lorsque l’on ne
constate pas d’amélioration des performances scolaires
- Pas d’efficacité prouvée pour les élèves en difficulté mais plus
pour ceux déjà en accord avec l’école
- Risque de stigmatisation
Tableau 4 – Les effets de l’accompagnement scolaire en France (source : Glasman et Besson,
2004)
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Dans le document
Les compétences sociales et la réussite scolaire des élèves de cycle III : l'effet de l'accompagnement scolaire
(Page 154-160)