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Pour comprendre la compétence sociale : l’interactionnisme

CHAPITRE 1 Les compétences sociales : de quoi parle-t-on ?

I. L A NOTION DE COMPETENCE

II.2. Pour comprendre la compétence sociale : l’interactionnisme

Le but de ce travail n’est pas d’exposer les théories en Psychologie du développement et en

Psychologie sociale. Il paraît néanmoins intéressant d’invoquer le courant interactionniste qui

place les interactions sociales au centre du développement des individus, et cela pour deux

raisons : cette approche participe d’une part à l’explication et à la justification théorique de la

notion de compétence et de l’approche par compétences. D’autre part, elle est la preuve que

l’étude des compétences sociales (qui, comme leur nom l’indique, intègrent l’individu dans un

environnement social) demande une certaine réflexion sur les mécanismes de socialisation en

jeu dans le développement des compétences.

Les théories sous-jacentes au développement et donc à la définition de la compétence sociale

relèvent en partie des théories de la socialisation. Afin de comprendre la compétence sociale

et de dresser un cadre théorique au sein duquel nous pourrons exposer ses caractéristiques, il

est intéressant, voire nécessaire, de revenir en quelques mots sur les théories interactionnistes.

Tous deux relevant du courant interactionniste, le constructivisme de Piaget d’une part et le

socioconstructivisme de Vygostky d’autre part, vont participer à définir notre approche.

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II.2.1. Les approches constructiviste et socioconstructiviste

Dans l’approche constructiviste piagétienne, l’individu est acteur de sa construction dans le

processus de socialisation qui le fait passer d’un état « centré sur soi », c’est-à-dire

égocentrique, à celui d’être social. C’est par l’intériorisation des valeurs et des normes de son

environnement social, de la société, que l’individu s’approprie, réajuste ces normes et valeurs

(les processus dits d’assimilation et d’accommodation, constituent d’ailleurs le processus de

socialisation de l’enfant). On parle alors de perception interactionniste « bipolaire », car chez

Piaget la relation concerne le sujet et un objet extérieur (la société), à laquelle on peut apposer

la perception « tripolaire » qui intègre autrui à la relation. Cette conception tripolaire de la

socialisation reprise notamment par Wallon et Vygotsky, insiste sur la dimension sociale de la

construction de l’individu par sa rencontre et sa confrontation à autrui. Le point de vue de

l’individu est privilégié, quel que soit le domaine de vie dans lequel il évolue. Dans cette

théorie dite socioconstructiviste, l’accent est mis sur l’importance des relations sociales de

l’individu pour sa construction, en passant par les interactions et la communication avec

autrui (Mead, 1963

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), avec une forme de « primauté de l’autre sur le développement de la

conscience de soi » chez certains théoriciens du soi (Bressoux, 2013, p.177). On retrouve

également l’idée d’une fonction structurante des relations pour la société : « C’est par la

médiation des relations interpersonnelles dans le groupe que le sujet construit, dans une

dialectique d’identification et d’individuation délibérée, les structures de sa personnalité et la

conscience de soi sans lesquelles il n’y a pas de socialisation de type humain, et donc pas

d’institution, pas de milieu social » (Malrieu et Malrieu, 1973

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, p. 26).

L’un des points fondamentaux qui distingue Piaget et Vygotsky concerne le lien entre le

développement personnel de l’enfant et les apprentissages : dans l’approche constructiviste de

Piaget, le niveau de développement atteint par l’enfant va déterminer les capacités

d’apprentissage tandis qu’avec l’approche socioconstructiviste de Vygotsky, l’apprentissage

via « l’autrui expert » engendre le développement selon un système d’intériorisation de

nouvelles capacités. Ce qui distingue la conception constructiviste de la conception

socioconstructiviste est ainsi la place du social et l’importance d’autrui dans le développement

13 Cité par Hernandez (2012), p. 11.

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des apprentissages car si chez Piaget l’interaction tient un rôle fondamental pour le

développement, elle a lieu entre l’individu et le monde physique (approche bipolaire),

l'interaction dans l’approche de Vygotsky émanant surtout des interactions sociales (approche

tripolaire).

II.2.2. L’apport des théories interactionnistes

Cette conception épigénétique de la socialisation fait de l’individu un être social avant tout,

qui, pour la construction de son identité et de sa personnalité, se doit d’être confronté aux

autres individus des différents milieux dans lesquels il évolue, afin de développer ses propres

valeurs. Suivant ce schéma théorique, c’est la famille qui tient la première place socialisante

pour l’enfant. Toutefois, le rôle de l’environnement, des pairs et plus spécifiquement de

l’école, est également nécessaire pour son développement psychologique et cognitif et donc

pour le développement des apprentissages scolaires.

En guise de conclusion, les théories socioconstructivistes dont Vygotsky est le précurseur,

déterminent l’importance de l’intériorisation des normes et valeurs sociales pour la

construction de l’individu, ce qui démontre le poids fondamental du social pour le

développement de l’individu. Par ailleurs, c’est le volet concernant les apprentissages qui doit

être souligné : pour apprendre, l’individu se doit d’être confronté à autrui. Ces différents

éléments montrent ainsi l’importance du social pour la construction individuelle et pour les

apprentissages. Si l’on replace ces éléments dans le cadre de la trilogie des compétences et

dans le prolongement notamment des théories du conflit sociocognitif et de l’apprentissage

social

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, le postulat est fort : le volet social est primordial pour le développement des

apprentissages et des compétences et les compétences sociales permettent à l’enfant d’entrer

en apprentissage et à l’individu de réussir. Cet énoncé rejoint en un sens ce qui a été dit en

première partie de ce chapitre, sur la complémentarité (voire la réciprocité) des compétences

et sur le lien étroit entre le cognitif et le comportemental.

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Les théories interactionnistes montrent donc l’importance de considérer la dimension sociale

de l’individu dans son développement et sa réussite dans les divers domaines dans lesquels il

évolue : sous l’angle des compétences, ces théories participent à la définition des compétences

sociales qui par nature se construisent dans « l’inter-action » (Epinoux et Lafont, 2014) et

dont l’importance dans la vie des individus est ici confirmée.

De plus, le lien entre ces théories et l’approche par compétences

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est étroit car, même si les

partisans de cette approche ne se revendiquent pas systématiquement de ces courants, l’impact

du socioconstructivisme se retrouve dans les pédagogies mises en œuvre ou en tout cas

prônées par l’approche par compétences.

L’analyse de ces différentes théories issues de la Psychologie démontre toute l’importance de

la dimension sociale dans le développement individuel et donc du travail de définition des

compétences sociales. Il convient désormais d’analyser les définitions existantes de la

compétence sociale avant d’en souligner les caractéristiques et d’analyser certaines typologies

existantes.