CHAPITRE 3 Les compétences sociales et la réussite des élèves
IV. D ES VARIABLES EXPLICATIVES DE LA REUSSITE DES ELEVES
IV.1. Les déterminants classiques de la réussite scolaire
IV.2.3. L’effet des compétences sociales face aux compétences cognitives
Selon les résultats d’enquêtes longitudinales et d’autres références de la littérature, les
compétences sociales et émotionnelles ainsi que les compétences cognitives, jouent un rôle
important pour que les enfants réussissent dans leur vie future (OCDE, 2015).
Comparativement, les compétences sociales et émotionnelles sont particulièrement efficaces
pour l’amélioration des « résultats sociaux » (par exemple le bien-être, la criminalité ou la
santé avec des indicateurs comme l’obésité ou la dépression), tandis que les compétences
cognitives sont spécialement importantes pour la réussite dans l’enseignement supérieur et sur
le marché du travail (OCDE, 2015).
162
D’après des enquêtes longitudinales menées dans neuf pays de l’OCDE
104
, les auteurs du
rapport peuvent résumer des tendances en termes d’effet des compétences mesurées au
moment de l’école, sur des résultats à long-terme comme l’éducation (notamment l’accès et la
réussite à l’enseignement supérieur), le marché du travail (avec l’accès à l’emploi et les
salaires) et le social (avec le bien-être, la santé ou encore la criminalité).
Effet des compétences
Éducation Marché du travail Social
Compétences cognitives Fort Fort Moyen
Compétences sociales et
émotionnelles Faible / moyen Moyen Fort
Tableau 6 – Les compétences cognitives, sociales et émotionnelles qui contribuent au succès
futur des enfants (source : OCDE, 2015)
Mêmes si certaines différences en termes de données et d’indicateurs collectés existent entre
les différents pays enquêtés, des tendances nettes, résumées dans le tableau précédent, se
dégagent. Les auteurs du rapport constatent par exemple que si les compétences cognitives
des élèves exercent un fort effet sur l’éducation future (accès à l’enseignement supérieur) ou
le marché du travail, les compétences sociales et émotionnelles jouent fortement sur les
résultats « sociaux » tels que le bien-être ou la santé et, dans une moindre mesure, sur
l’éducation et le marché de travail.
104
Les enquêtes longitudinales utilisées de neuf pays différents dans ce rapport sont : la Mannheim Study of
Youth (MARS) pour l’Allemagne, la Longitudinal Survey of Australian Children (LSAC) et le Australian
Temperament Project (ATP) pour l’Australie, la Longitudinal Research in Scondary Education (LOSO) pour la
Belgique, la Youth in Transition Study (YITS) pour le Canada, les Korean Youth Panel Studies (KYPS) pour la
Corée du Sud, la Early Childhood Longitudinal Study – Kindergarten (ECLS-K) ainsi que la NLSY pour les
Etats-Unis, la Young in Norway (YiN) pour la Norvège, le Competent Children (CC) pour la Nouvelle-Zélande, ,
la British Cohort Study (BCS) pour le Royaume-Uni, le Evaluation Through Follow-up (ETF) pour la Suède et
la Transition from Education to Employment (TREE) pour la Suisse.
163
L’impact des compétences cognitives et des compétences socio-émotionnelles peut cependant
varier d’un pays à l’autre. Par exemple, les résultats montrent que le niveau de compétences
cognitives des enfants peut d’un côté aider à réduire des problèmes de comportement à
l’adolescence comme c’est le cas avec les données du Royaume-Uni, tandis que, d’un autre
côté, il augmente les problèmes de comportement en Suisse. Les auteurs du rapport
interprètent ces différences par le fait que certaines compétences pourraient être
particulièrement efficaces dans une culture et non dans l’autre. Cette interprétation rejoint ce
que nous avons développé au sujet des compétences sociales qui se définissent en référence à
des normes et des valeurs familiales et culturelles.
De plus, d’après les auteurs du rapport, le poids important des compétences sociales et
émotionnelles provient en partie, de leur capacité à façonner le comportement et les styles de
vie des individus, en bénéficiant notamment aux étudiants de l’enseignement supérieur et en
permettant de mieux utiliser leurs capacités cognitives. Parmi les diverses compétences
sociales et émotionnelles qui ont été mesurées et testées, ce sont la conscience, la sociabilité
et la stabilité émotionnelle qui sont les dimensions les plus importantes pour les vies futures
des enfants (OCDE, 2015).
Les mesures de compétences cognitives utilisées pour les enquêtes longitudinales repertoriées
par l’OCDE, traduisent les compétences qui servent généralement de références pour la
réussite scolaire des élèves, des écoles ou du système éducatif (tests de réussite, notes et tests
de littéracie). Ces compétences sont en effet importantes pour la réussite des enfants dans
leurs parcours scolaire et professionnel. Une autre dimension des compétences, la dimension
socio-émotionnelle, joue toutefois aussi un rôle important : les analyses présentées dans le
rapport de l’OCDE (2015) montrent ainsi que même une seule dimension des compétences
sociales et émotionnelles peut prédire diverses mesures du succès futur des enfants.
En outre, dans le prolongement de la théorie de la dynamique des compétences énoncée au
chapitre 1, les auteurs du rapport de l’OCDE insistent également sur la complémentarité des
compétences cognitives et socio-émotionnelles et ils indiquent qu’elles interagissent et
s’alimentent mutuellement, en favorisant la possibilité pour les enfants qui les maîtrisent de
réussir dans leur vie future.
Avec les données coréennes, il est démontré que le stock initial de compétences à l’enfance
(école primaire) influence le développement des futures compétences (que ce soit les
164
compétences sociales, émotionnelles ou cognitives). Le niveau actuel des élèves en
compétences sociales et émotionnelles est plus important que le niveau de compétences
cognitives pour le développement des futures compétences cognitives. Les enfants qui ont
confiance en eux et qui croient en leurs capacités à jouer sur le futur (locus de contrôle
interne) ont plus tendance à atteindre des niveaux académiques élevés que ceux qui sont déjà
« intelligents » au départ (c’est-à-dire qui possèdent déjà de fortes compétences cognitives).
Les recherches sur des données américaines analysées dans le rapport (OCDE, 2015) vont
dans le même sens : il existe un fort impact du niveau de compétences cognitives, sociales et
émotionnelles pendant l’enfance sur le développement des futures compétences (Cunha et
Heckman, 2008 ; Cunha, Heckman et Schennach, 2012). De plus, les analyses montrent que
le niveau passé de compétences sociales et émotionnelles joue un rôle important sur le
développement des compétences cognitives, alors que le niveau passé de compétences
cognitives a un impact limité sur le développement des compétences sociales et
émotionnelles. Un enfant avec un niveau élevé de compétences sociales et émotionnelles (par
exemple : calme, respectueux et stable émotionnellement, dans le cas des résultats présentés),
a davantage tendance à réussir les tests cognitifs. Les auteurs du rapport indiquent que les
résultats de PISA 2012 sont d’ailleurs cohérents avec leurs propres interprétations : le rapport
à l’école des enfants, la croyance en leur réussite future et leurs capacité et volonté de faire ce
qu’il faut pour atteindre leurs objectifs, jouent un rôle central sur la maîtrise de sujets
académiques et augmentent leurs capacités cognitives (OCDE, 2013a
105).
Cette perspective adoptée par l’OCDE – celle de démontrer la complémentarité entre les
compétences cognitives et les compétences sociales pour montrer leur impact médiateur sur la
réussite des individus, s’inscrit dans la démarche adoptée dans ce travail de thèse. En effet, les
compétences sociales semblent jouer directement et indirectement sur la réussite des élèves et
nous allons désormais présenter quelques travaux démontrant leur effet sur les performances
scolaires des élèves.
165