CHAPITRE 4 Méthodologie et description des données
I. P R E SENTATION DU DISPOSITIF EMPIRIQUE
I.1. Le questionnaire à destination des élèves de l’échantillon
I.1.2. Les compétences sociales des élèves
Sur les cent-six questions que comporte le questionnaire, quatre-vingt-neuf sont relatives à
l’évaluation des compétences sociales et comportements des élèves. Le questionnaire repose
sur le principe de l’auto-évaluation.
Encadré 5
L’auto-évaluation
Le questionnaire d’auto-évaluation permet de recueillir l’appréciation des individus sur leur
façon d’appréhender les situations sociales dans lesquelles ils évoluent. Cette
auto-appréciation permet d’évaluer les compétences sociales et non uniquement les problèmes de
comportements ou les difficultés scolaires ou émotionnels, comme c’est le cas de nombreux
questionnaires d’auto-évaluation des comportements (Spence, 2003).
Les questionnaires d’auto-évaluation présentent l’avantage d’être économiques, rapides,
fiables et la plupart du temps très prédictifs des résultats futurs de la vie des individus
(Duckworth et Yeager, 2015). Cette méthode est ainsi largement utilisée en Psychologie
notamment car elle reste le meilleur moyen d’évaluer les comportements psychologiques des
individus.
Parmi les avantages de ce type d’outil, on peut citer également qu’un questionnaire
d’auto-évaluation peut être administré à des échantillons de taille conséquente. Il permet aussi
d’obtenir des réponses précises et exploitables statistiquement. Cette technique permet
d’organiser des passations standardisées et d’anticiper le déroulement des passations. Le
questionnaire est aussi un moyen de mesurer des fréquences, de faire des comparaisons,
d’observer des relations entre variables ainsi que d’expliquer les déterminants d’une conduite
ou de repérer le poids des acteurs sociaux. L’auto-évaluation présente aussi l’avantage de
pouvoir appréhender les ressentis de l’individu, ses émotions, ses aptitudes, ses motivations et
ses croyances. Le questionnaire d’auto-évaluation reste également le moyen le plus utilisé
pour mesurer les compétences des individus.
Il existe néanmoins certaines limites car les données recueillies se fondent sur les perceptions
des répondants, ce qui peut manquer d’une certaine objectivité et peut entraîner des biais de
182
désirabilité sociale ou des biais liés aux conditions de passation. Il existe également des biais
liés au niveau de lecture, à la compréhension différenciée entre élèves ainsi qu’au biais de
référence (Duckworth et Yeager, 2015).
Pour éviter le biais lié à la subjectivité des répondants, il est possible de mettre en place un
protocole à 360 degrés, c’est-à-dire de faire passer un questionnaire à tous les acteurs qui
encadrent l’individu dans son environnement social. Le meilleur protocole à mettre en place
d’après Duckworth et Yeager (2015), serait d’allier même questionnaire standardisé et
observation du comportement en situation. Ce type de protocole reste cependant très lourd à
mettre en place.
Chaque compétence ou comportement est évalué avec un minimum de trois items. Cette
procédure permet d’une part de limiter les problèmes de compréhension et d’interprétation
des questions
115.
Compte-tenu de l’âge des enquêtés, toutes les questions sont construites à la première
personne du singulier, de façon à permettre une identification rapide de la part des élèves.
Enfin, nous avons proposé aux élèves une mise en situation de la compétence ou du
comportement évalué (notamment afin de respecter l’une des caractéristiques premières de la
compétence, c’est-à-dire que la compétence n’existe qu’en situation, dans un contexte donné).
Nous avons choisi de mesurer vingt-neuf compétences sociales et comportements, qui se
retrouvent principalement dans la classification des Big Five
116, dont s’inspirent de
115
Deux élèves peuvent en effet comprendre différemment une question, leur réponse ne renvoyant alors plus au même phénomène. Le fait de poser plusieurs questions pour mesurer la même dimension permet de réduire ce risque en confirmant la réponse donnée. D’autre part, la procédure de multiplication des items permet de limiter le risque des réponses au hasard car la probabilité qu’un élève réponde au hasard sur plusieurs items mesurant le même phénomène est plus restreint que pour un seul item. Les items qui mesurent la même dimension sont répartis et mélangés dans tout le questionnaire afin que les élèves ne repèrent pas le lien entre eux.
116 Pour rappel, la classification des Big Five (utilisée notamment par Heckman et Kautz, 2012), recense les principales dimensions de la personnalité, qui sont au nombre de cinq. Ce sont l’application, l’ouverture à l’expérience, l’extraversion, l’agréabilité et le névrosisme.
183
nombreuses recherches (Heckman et Kautz, 2012, 2013 ; OCDE, 2015). Une liste, assurément
non exhaustive, a été construite à partir de la revue de la littérature scientifique étudiée dans
les premiers chapitres de ce travail.
Les compétences sociales interindividuelles
Notre liste compte quatorze compétences sociales et comportements interindividuels : le
choix a été guidé par les résultats de la littérature, dont les références (sur les parcours
scolaires et professionnels) sont rappelées dans le tableau suivant.
184
Compétences sociales et
comportements interindividuels Références
Sociabilité
Bowles, Gintis et Osborne (2001a) ; Borghans, Ter Weel et Weinberg (2005) ; Heckman et Kautz (2012) ; OCDE
(2015)
Altruisme
Robles (2012)Leadership
Kuhn et Weinberger (2005) ; Abdullah-al-Mamun (2012)Écoute
Robles (2012)Politesse
Filisetti (2009) ; Robles (2012)Empathie
Benson (2006) ; Gendron (2007) ; Robles (2012)Communication
OCDE (2001, 2015) ; Andrews et Higson (2008) ; Robles (2012)Capacité de résolution de conflit
Bowles, Gintis et Osborne (2001b) ; Osborne-Groves (2005) ; Abdullah-al-Mamun (2012)Coopération
Suleman (2003) ; Paul et Suleman (2005) ; Lleras (2008) ; Goodman et Gregg (2010)Participation
Alexander, Entwisle et Dauber (1993) ; Finn et Rock (1997) ; Ladd, Birch et Buhs (1999) ; Guimard,
Cosnefroy et Florin(2007)
Adaptation
Bowles, Gintis et Osborne (2001b) ; Robles (2012)Timidité (-
117)
Heckman et Kautz (2012)Confiance et respect envers les
enseignants
OCDE (2015)Plaisir d’aller à l’école
Perrenoud (2000) ; OCDE (2013a)Tableau 7 – Les compétences sociales et comportements interindividuels évalués dans le
questionnaire et leurs justifications théoriques
117
Ce comportement est marqué d’un signe négatif car il ne peut pas être réellement considéré comme une compétence sociale en tant que telle qui, rappelons-le, est un comportement efficace et approprié. La timidité (tout comme l’anxiété et la tristesse) est une des composantes du névrosismedes Big Five, qui s’oppose à la stabilité émotionnelle. Bien que la définition générale du névrosisme (« niveau d’instabilité émotionnel chronique et une tendance à la détresse psychologique », d’après Heckman et Kautz, 2012, p. 455) semble renvoyer à une dimension intra-individuelle, la timidité concerne tout de même la représentation et la relation de l’individu avec son environnement et renvoie alors à un phénomène interindividuel. De plus, la timidité fait partie des comportements reliés à l’extraversion des individus, troisième famille des Big Five. Définie à partir des « intérêts personnels et [de] l’énergie tournés vers le monde extérieur plutôt que vers soi et son monde intérieur » (Heckman et Kautz, 2012, p. 455), l’extraversion concerne des comportements interindividuels. La timidité, telle qu’elle est définie dans notre travail (annexe n°5), a donc été classée avec les compétences sociales et les comportements interindividuels.
185
Un tableau détaillant la définition et l’évaluation de chacune de ces compétences sociales et
de ces comportements interindividuels est fourni en annexe n°5.
Les compétences sociales intra-individuelles
Quant aux compétences sociales et comportements intra-individuels, le choix s’est porté sur
quinze d’entre eux, recensés dans le tableau suivant.
186
Compétences sociales et
comportements intra-individuels Références
Application
Lleras (2008) ; Almlund et al. (2011) ; Heckman et Kautz (2012)Persévérance
OCDE (2001, 2015) ; Andersson et Bergman (2011) ; Heckman et Kautz (2012)Autodiscipline
OCDE (2001, 2015) ; Heckman et Rubinstein (2001) ; Robles (2012)Attention
Guimard, Cosnefroy et Florin (2007) ; Filisetti (2009) ; Knapp et al. (2011) ; Andersson et Bergman (2011)Autonomie
Philipps (1987) ; Cock et Halvari (1999) ; Guimard, Cosnefroy et Florin (2007)Curiosité
Philipps et Zimmerman (1990) ; Borghans, Meijers et Ter Weel (2006) ; Heckman et Kautz (2012)Dynamisme
Heckman et Kautz (2012)Gratification différée
Bowles, Gintis et Osborne (2001b) ; Heckman et Kautz (2012)Intérêt
Heckman et Kautz (2012)Motivation
118OCDE (2001) ; Bouffard et al. (2006) ; Heckma, Stixrud et Urzua (2006) ; Lleras (2008) ; Robles (2012) ;
Abdullah-al-Mamun (2012)
Estime de soi
Goldsmith, Veum et Darity (1997) ; Murnane et al ; (2001), Jendoubi, (2002) ; Rambaud (2009) ; Heckman et Kautz
(2012) ; OCDE (2015)
Confiance en soi
Tudge (1989) ; Suleman (2003) ; Paul et Suleman (2005) ; Borghans, Meijers et Ter Weel (2006) ; Andrews et Higson
(2008) ; OCDE (2015)
Locus de contrôle
Bandura (1997) ; Osborne-Groves (2005) ; Coleman et Deleire (2005) ; Borghans, Meijers et Ter Weel (2006) ;
Heckman et Kautz (2012)
Tristesse (-)
Heckman et Kautz (2012)Anxiété (-)
Cawley, Heckman et Vytlacil (2001) ; Knapp et al. (2011) ; Heckman et Kautz (2012)Tableau 8 – Les compétences sociales et comportements intra-individuels évalués dans le
questionnaire et leurs justifications théoriques
118
Notre mesure de la motivation reste restrictive car nous avons considéré uniquement les dimensions intrinsèque et extrinsèque de la motivation sans prendre en compte les différents degrés de la théorie de l’autodétermination (Leroy et al., 2013). L’objet de ce travail n’étant pas d’évaluer uniquement la motivation des élèves, nous avons tout de même opté pour une mesure, certes imparfaite, car d’après la littérature, la motivation paraît importante pour traiter des compétences sociales. Son statut restera également à discuter, tout comme celle des dimensions de l’image de soi ou du névrosisme, ici considérées comme « comportements » et non comme « compétences ».