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CHAPITRE 3 Les compétences sociales et la réussite des élèves

I. L ES COMPETENCES ET L ’ ECOLE

II.2. Image de soi et sentiment de compétence : quels effets sur le développement des

II.2.1. Le concept de soi et l’estime de soi

Les travaux théoriques et empiriques traitant de la théorie du « soi » participent à la

construction du champ théorique de ce travail. Le soi que l’on peut définir comme étant

l’ensemble des connaissances qu’un individu porte sur soi, se construit en effet en interaction

permanente avec autrui, alors indispensable à la constitution de soi (Bressoux, 2013). C’est

par un « processus d’intériorisation du regard d’autrui » que l’individu conçoit sa propre

image de soi en interprétant ce qu’autrui pense de lui (Bressoux, 2013, p. 176). Cette forme de

connaissance sur soi, d’image de soi, se forge également dans l’expérience sociale que

l’individu acquiert au sein de tous les environnements sociaux dans lequel il évolue (Joët et

al., 2007). Composé de dimensions comportementale, cognitive et évaluative, le soi renvoie

ainsi à une évaluation globale du soi ou à un sentiment de valeur de soi, que l’on peut

assimiler à l’estime de soi (Bressoux, 2013).

Résultante d’un besoin de reconnaissance, la notion d’estime de soi est donc souvent

mobilisée par les chercheurs qui travaillent sur le concept de soi

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(Joët et al., 2007). L’estime

de soi est définie par Jendoubi (2002) comme étant « l’évaluation globale de la valeur de soi

en tant que personne, c’est-à-dire le degré de satisfaction de soi-même » (p. 5), la dimension

évaluative étant importante (Martinot, 2001). Elle influence positivement ou négativement la

considération de soi par le retour que l’individu se fait de lui-même. La construction de

l’estime de soi est le fruit d’un processus qui prend racine très tôt dans la vie de l’individu ;

elle se développe tout au long du développement de l’enfant, via la confrontation à

l’environnement social notamment. L’individu émet des jugements sur ses capacités et ses

85 La notion de confiance en soi qui est une autre forme de besoin de reconnaissance fortement liée au concept de soi est également mobilisée par les chercheurs. Il arrive parfois que certains l’assimilent à tort à l’estime de soi alors que la confiance en soi exprime un sentiment de sécurité affective (Bressoux, 2013).

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compétences et ce dans différents domaines ; l’on considère en effet l’estime de soi comme un

phénomène multidimensionnel avec des domaines spécifiques et généraux (Harter, 1989 ;

Famose et Guérin, 2002 ; Jendoubi, 2002 ; Rambaud, 2009). Au vu des travaux scientifiques

en Psychologie que Rambaud (2009) a recensés, nous choisissons dans ce travail de conserver

un modèle en quatre dimensions hiérarchisées de l’estime de soi des élèves : scolaire,

physique, sociale et générale.

Selon Jendoubi (2002), l’introduction de la notion de compétences sociales dans le système

éducatif dénote une certaine reconnaissance de leur impact sur les compétences scolaires ainsi

que de l’estime de soi. L’auteure précise en effet qu’un déficit en compétences sociales et une

faible estime de soi engendrent les mêmes résultats négatifs en termes d’abandon scolaire et

de problèmes internalisés comme l’anxiété et la dépression. Le soi paraît en effet fortement

influencer les performances scolaires des élèves.

Si la corrélation entre estime de soi et réussite scolaire fait aujourd’hui consensus

(méta-analyse de Hansford et Hattie, 1982

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), c’est plutôt sur le sens de la relation que l’on peut se

questionner. Les recherches montrent un effet de l’école (contexte scolaire, enseignant,

évaluation et notes) sur l’estime de soi qui va influencer en retour la réussite des élèves en

jouant sur les situations d’apprentissage, d’évaluation et sur le développement des

compétences. Prêteur et Vial (1998) soulignent la complexité du sens de la relation entre

l’estime de soi et les performances scolaires des élèves et insistent sur le développement

conjoint de l’estime de soi avec les attentes du métier d’élève. L’impact des processus et

produits de l’estime de soi dans la vie des individus paraît multiple et se manifeste dans la

plupart des domaines de vie (personnel, scolaire ou professionnel).

En ce sens, Hue et al. (2009) insistent sur l’importance du social et de l’environnement de

l’enfant pour le développement du concept de soi au travers du processus de l’auto-évaluation

des capacités personnelles. Ils se placent dans la continuité des travaux d’Harter (1989, 1999),

en opérationnalisant le concept de soi multidimensionnel à travers un outil empirique dans

lequel le soi est constitué de quatre entités : le soi cognitif, le soi social, le soi physique et

l’estime de soi. Dans leur recherche, à partir d’une enquête auprès de 1 338 enfants du CP au

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CM2, les auteurs indiquent que les garçons ont tendance à s’évaluer plus positivement que les

filles avec une différence en fonction de la dimension du soi et qui diminue avec l’âge. Hue et

al. (2009) montrent ainsi une diminution de l’autoévaluation positive qui a lieu plus tôt chez

les filles que chez les garçons, avec un palier au CM1 pour les garçons. Dans leur échantillon,

les garçons sont plus nombreux à avoir une image de soi positive (36% contre 22%), les filles

ayant davantage une image négative (30% contre 18%). Enfin, ils indiquent que plus l’enfant

est jeune et plus il a tendance à s’évaluer positivement et inversement, résultat qui confirme

les travaux d’Harter. Les filles ont donc tendance à perdre leur image de soi positive plus vite

que les garçons en grandissant.

Dans ce travail de thèse, nous faisons alors le choix théorique et méthodologique de

considérer l’estime de soi non pas comme une compétence sociale en tant que telle mais

comme un socle nécessaire au développement des compétences et nous ferons alors

l’hypothèse que l’estime de soi des élèves va influencer fortement la maîtrise des

compétences sociales, même si elle peut également jouer directement sur la réussite des

élèves. D’après la dynamique des compétences définie dans le premier chapitre, nous pouvons

considérer que l’estime de soi est à la base de la « structure pyramidale des compétences »

sociales et que la maîtrise de certaines compétences sociales dépend de l’image de soi des

élèves (critère d’interdépendance hiérarchique des compétences).

L’auto-évaluation de soi influence donc de façon non négligeable les performances des élèves

et les facteurs et dimensions qui constituent cette auto-évaluation sont multiples et complexes.

L’estime de soi semble jouer un rôle crucial car en fonction de son sens, de sa tonalité

positive ou négative, elle va permettre à l’individu d’entrer en situation d’apprentissage ou au

contraire le freiner : « une évaluation correcte ou faussée de soi conditionnera la mobilisation

maximale ou non de son potentiel en capital humain » (Gendron, 2007, p. 4).

Par sa dimension évaluative, le soi influence la réussite des élèves car à performances égales,

le sentiment que l’élève a sur sa capacité de réussir va exercer un effet sur sa progression

effective. Bien que ce travail de thèse ne puisse pas faire l’objet d’une étude approfondie des

mécanismes en jeu dans la construction du concept de soi ou encore des liens entre l’estime

de soi et le sentiment d’auto-efficacité, il convient tout de même de revenir sur ce concept de

sentiment d’efficacité personnelle. Bandura (1997) indique en effet que le locus de contrôle

(dimension de l’image de soi), par son caractère auto-évaluatif, engendre une bonne ou une

faible estime de soi et qu’il peut influer sur le sentiment d’efficacité personnelle des élèves.

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Dans cette théorie, il est ainsi question « d’une forme de confiance en soi face à une tâche

spécifique » (Bressoux, 2013, p. 181), qu’il convient de distinguer de l’estime de soi, forme

de jugement de valeur sur soi et non de jugement de capacité (Joët et al., 2007).