CHAPITRE 1 Les compétences sociales : de quoi parle-t-on ?
I. L A NOTION DE COMPETENCE
II.3. Quelle(s) définition(s) de la compétence sociale ?
De façon à définir la notion de compétence sociale, intéressons-nous aux points de
convergence des différentes définitions.
II.3.1. Les points de convergence des différentes définitions
D’après les travaux de Nangle et al. (2010) qui ont effectué une recension des définitions des
social skills, on peut en effet commencer par analyser les points communs des définitions. Les
auteurs évoquent en premier lieu la notion d’efficacité qui est attribuée à la compétence
sociale, c’est-à-dire que les compétences sociales sont envisagées de façon positive, comme
des comportements efficaces et appropriés en vue de la résolution d’une tâche ou d’une
situation sociale. Le second point de convergence entre les définitions concerne le fait
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qu’elles traduisent la compétence sociale en termes de comportements de l’individu. Lorsque
l’on rapproche les notions d’efficacité et de comportement, on comprend qu’il est question de
la qualité du comportement en vue d’une performance, but de la compétence. De plus,
l’efficacité du comportement se joue dans un contexte donné, ce qui constitue le troisième
point commun entre les définitions recensées par Nangle et al. (2010). Enfin, il s’agit d’un
comportement approprié. Ce qui revient, pour résumer les points communs entre les
définitions, à désigner la compétence sociale comme un comportement approprié et efficace
en situation donnée (premiers éléments constitutifs de la définition qui ne sont pas sans
rappeler les caractéristiques de la compétence).
Ces différents éléments composant la compétence sociale se retrouvent dans la définition
donnée par Guillain et Pry (2007) : « La compétence sociale peut être définie
comme “ l’aptitude à se comporter de manière socialement appropriée dans différents
contextes ” (Schneider, 1993, p. 13). Elle peut être décrite en termes de comportement
(Edmonson, 1974). Ce serait alors l’ensemble des comportements qui permettent “ la
réalisation d’objectifs socialement pertinents dans des contextes sociaux spécifiques ” (Ford,
1982) ». Ces comportements adaptatifs sont appris et ils se modifient avec l’âge. Leur
pertinence sociale est relative aux normes, aux valeurs et aux attentes culturelles des milieux
et des groupes auxquels appartient l’individu concerné » (p. 59). Les deux derniers points
soulevés par ces auteurs viennent compléter les caractéristiques citées précédemment. Tout
d’abord, la compétence sociale s’apprend et se modifie, elle se développe et elle est évolutive,
comme cela fut précisé en première partie de ce chapitre. D’autre part, Guillain et Pry
(2007) indiquent que la compétence sociale s’inscrit dans les normes et valeurs du milieu dans
lequel l’individu évolue.
Cette dernière caractéristique ne fait cependant pas l’unanimité dans les définitions recensées
par Nangle et al. (2010) dont on peut évoquer maintenant certains points de divergence
17.
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II.3.2. Les points de divergence entre les différentes définitions
L’un des premiers points de divergence évoqué par Nangle et al. (2010) concerne la
considération des comportements à court terme ou à long terme : certains auteurs envisagent
les compétences sociales dans une perspective de long terme, c’est-à-dire selon un plan
évolutif tout au long du développement des individus, tandis que d’autres auteurs
n’envisagent la compétence sociale qu’à court terme, s’intéressant uniquement à l’efficacité
immédiate face à un problème. Dit autrement, les premiers s’intéressent aux processus et les
seconds aux résultats tandis que d’autres auteurs intègrent les deux dimensions à leur
définition (Nangle et al., 2010).
Ce phénomène est également constaté au sujet de l’aspect positif ou négatif de la compétence
sociale (Nangle et al., 2010). Si certains auteurs les conçoivent uniquement sous la forme de
déficit (aspect négatif), d’autres ne les considèrent que comme des comportements efficaces
(aspect positif) et d’autres encore envisagent les deux aspects.
Nous pouvons ajouter à ces divergences que certaines définitions envisagent la compétence
sociale dans un sens très large, c’est-à-dire comme étant le synonyme de la sociabilité ou de
l’« être performant socialement ». Cela sous-tend alors que « la » compétence sociale serait
unidimensionnelle, c’est-à-dire renvoyant à un seul comportement global, tandis que pour
d’autres chercheurs, les compétences sociales sont multidimensionnelles
18. Enfin, Nangle et
al. (2010) soulignent qu’il existe une différence au niveau des objectifs et des résultats alors
envisagés comme personnels ou comme sociaux. De nombreuses définitions ne considèrent
que le versant interindividuel de la compétence sociale et donc uniquement les
comportements de l’individu vis-à-vis d’autrui.
D’ailleurs, on retrouve chez Lenzen, Dénervaud et Poussin (2012) le fait que la compétence
sociale est un comportement positif et approprié mais dont il ne faut pas négliger la part
personnelle. Ces auteurs désignent les compétences sociales par l’expression « compétences
personnelles et sociales » ou life skills
19et les caractérisent selon la définition de
l’Organisation Mondiale de la Santé qui emploie les termes de « compétences
18 Les exemples de typologies cités plus tard en témoigneront.
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psychosociales »
20, déterminants de la santé, du bien-être et du développement de l’enfant
(Lamboy et Guillemont, 2014). L’approche de Lenzen, Dénervaud et Poussin (2012) s’inscrit
dans la continuité des travaux de Jourdan (2010), dans le champ de l’éducation à la santé et la
citoyenneté pour un socle commun de compétences avec « le développement d’aptitudes »,
« l’apprentissage des capacités » et « l’apprentissage des connaissances ». Ces compétences
personnelles et sociales sont la « capacité à adopter un comportement positif et adaptatif qui
permet aux individus d’affronter efficacement les exigences et les challenges de la vie
quotidienne »
21. Ces auteurs insistent sur la complémentarité des personal skills et des
interpersonal skills, qui ne peuvent être traitées séparément dès lors qu’on tente de définir la
compétence sociale.
Ceci rejoint les travaux de Filisetti (2009) qui indique qu’il est possible d’envisager la
compétence sociale selon les quatre approches suivantes : le répertoire comportemental,
l’auto-efficacité perçue, le fait d’être compétent socialement, et l’atteinte des buts. Selon elle,
l’approche de l’atteinte des buts issue de la théorie de Ford, est la plus pertinente car on y
trouve les deux dimensions intra-personnelle et interpersonnelle, à la fois la compétence
sociale personnelle et la compétence sociale relationnelle ou interpersonnelle. En effet, pour
qu’un comportement soit jugé efficace selon cette approche, il faut deux conditions : une
approbation sociale d’une part, c’est-à-dire que le comportement soit plus ou moins pertinent
et approprié pour autrui (pertinence qui est souvent différente d’un groupe social à l’autre) et
d’autre part l’approbation personnelle, ce qui signifie que l’individu doit aussi juger que son
20 La définition donnée par l’OMS (1993) des compétences psychosociales renvoie à « la capacité d'une
personne à répondre avec efficacité aux exigences et aux épreuves de la vie quotidienne. C'est l'aptitude d'une personne à maintenir un état de bien-être mental, en adoptant un comportement approprié et positif à l'occasion des relations entretenues avec les autres, sa propre culture et son environnement. Les compétences psychosociales ont un rôle important à jouer dans la promotion de la santé dans son sens large ; en terme de bien-être physique, mental et social. Plus particulièrement, quand les problèmes de santé sont liés à un comportement, et quand le comportement est lié à une incapacité à répondre efficacement au stress et aux pressions de la vie, l’amélioration de la compétence psychosociale pourrait être un élément important dans la promotion de la santé et du bien-être, puisque les comportements sont de plus en plus impliqués dans l'origine des problèmes de santé. »