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(M€) Sensibilité de l'analyse Entrées-Sorties à l'évolution des coefficients techniques

Entretiens et recueil de scénarios participatifs

(M€) Sensibilité de l'analyse Entrées-Sorties à l'évolution des coefficients techniques

Evaluations de la production correspondant à une même demande (2013) à partir de différentes matrices 'historiques' de coefficients techniques (1978-2013)

2013 2008 2003 1998 1993 1988 1983 1978

Exemple de lecture : Si l’analyse entrée-sortie de la demande de l’année 2013 était effectuée sur la base de la matrice des coefficients techniques de l’année 1978, celle-ci déboucherait sur une valeur de production surestimée de 87% pour la branche « agriculture sylviculture pêche ».

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4.4. L’absence de prise en compte endogène des effets-prix

Soulignons dans cette approche l’absence de mécanisme endogène de prise en compte des effets d’une variation des prix relatifs (par exemple : l’élasticité de la demande de chaque branche en inputs, ou les effets de substitution). C’est notamment l’une des raisons théoriques qui a motivé dans les années 1970 le développement des modèles d’équilibre général calculable (EGC), lesquels cherchent souvent à rendre compte de tels effets via des hypothèses d’élasticité (élasticités-prix simples et élasticités prix croisés203). Toutefois, à

supposer que l’on puisse estimer proprement des valeurs d’élasticités en pratique ─ ce qui implique d’être en mesure d’isoler dans les données l’effet prix de l’ensemble des autres éléments susceptibles de jouer sur les prix ou la demande204─, ces estimations resteraient ponctuelles et seraient susceptibles de perdre leur validité dès que l’on s’écarte trop de leur point d’estimation205. Elles peuvent par exemple devenir obsolètes pour des niveaux de prix sans précédent, pour des variations particulièrement lentes ou rapides de ceux-ci, ou encore dans le cas de transformations du contexte socio-économique global, et plus particulièrement des logiques comportementales. Car l’utilisation d’hypothèses d’élasticités figées équivaut implicitement à adopter l’hypothèse conservatrice d’immuabilité des arbitrages et des comportements (d’optimisation) économique dont elles découlent. On ne saurait donc qualifier de robustes de telles tentatives de prise en compte des effets induits par les variations des prix relatifs.

On peut par ailleurs se poser la question de l’intérêt de telles tentatives, au regard de l’imprévisibilité notoire des causes, à savoir l’évolution des prix eux-mêmes – y compris à court terme. L’exemple du prix du pétrole, dont le poids économique a été souligné à plusieurs occasions dans l’histoire (1973-74 ; 1979-80), et dont les effets structurels sur l’économie font, depuis, l’objet d’une attention soutenue (par exemple : Kergueris and Saunier, 2005), est à ce titre assez éloquent. La figure 15 propose par exemple une synthèse rétrospective de différentes projections de prix du baril émises pour l’essentiel par l’Agence Internationale de l’Energie (AIE)206

depuis 1990, en comparaison des cours réels observés. On y constate à la fois une volatilité insaisissable des prix à court terme, et l’aveu d’une incertitude patente et considérable sur leur évolution à moyen et long terme. Ce qui ne surprend guère compte tenu de la multiplicité de facteurs contingents qui participent à la formation des prix207 (figure 16), et qui vouent à l’échec toute entreprise de modélisation prédictive de leur évolution.

203 L’élasticité-prix correspond au rapport entre la variation relative de la demande d’un produit et la variation relative du prix de ce produit. Elle est généralement négative, sauf dans certains cas particuliers, par exemple : effet de snobisme et de démonstration (« biens de Veblen »), ou de réorientation de budget par substitution aux autres consommations, dans le cas de biens de première nécessité (« biens de Giffen »).

L’élasticité-prix croisés correspond quant à elle au rapport entre la variation relative de la demande d’un produit A et celle du prix d’un produit B. Une valeur positive traduit en général une substituabilité entre les deux produits A et B, une valeur négative reflète une complémentarité, tandis qu’une valeur nulle signifie que les demandes des deux produits sont indépendantes.

204 Il faudrait encore, pour bien faire, envisager des élasticités non-linéaires, prendre en compte d’éventuels effets de seuils, distinguer dans certains cas les élasticités-prix à court et à long terme, à la hausse et à la baisse, prendre en compte d’éventuels effets d’hystérésis, d’inertie, voire d’irréversibilité (liés par exemple à des « dépendances au sentier » technologiques), etc. Autant d’éléments généralement délaissés au profit de l’utilisation d’un coefficient d’élasticité unique, tant le travail requis pour leur estimation serait disproportionné au regard de leur fragilité, et tant leur implémentation complexifierait les modèles – ainsi que leur résolution numérique (optimisation non-linéaire).

205 Elles se rapportent inévitablement à un contexte socio-économique (et réglementaire) donné, à une fourchette de prix restreinte (celle correspondant à la période d’estimation), à certains rythmes d’évolution des prix (ceux observés sur la période d’estimation), etc.

206 Les projections sont pour la plupart issues des différentes éditions annuelles du World Energy Outlook, qui fait office de publication de référence dans le domaine de l’énergie [http://www.worldenergyoutlook.org/].

207 On mentionnera par exemple, pour le court terme, les troubles géopolitiques et politiques (guerres, grèves, etc.), les événements climatiques extrêmes, les accidents, les stratégies de cartel et autres effets oligopolistiques, ou encore les interactions de plus en plus nombreuses et complexes entre les différents marchés (spot, gré-à-gré, à terme, etc.) ; à plus long terme : la mise ou non en exploitation de réserves non-conventionnelles, des politiques énergétiques de maitrise de la demande, l’évolution de l’activité économique mondiale, …

Chapitre 4 - Description du cadre de modélisation

4 L’analyse Entrées-Sorties

125 Résumons donc : incertitude profonde sur les évolutions des prix d’une part; et d’autre part, fragilité des méthodes de modélisation macroéconomique de leurs effets à long terme. Aussi, nous faisons le choix, conformément à l’approche prospective poursuivie ici, de ne pas complexifier inutilement notre modèle afin de préserver l’intelligibilité des résultats, et n’y incluons donc pas de mécanisme endogène de formation des prix ni de répercussion de leurs effets sur la structure productive de l’économie. Il ne faut pas voir ici l’intention de nier l’existence des effets prix, ni d’en minimiser l’importance par simplisme, mais bien au contraire de leur reconnaître une complexité qui rend fragile, sinon illusoire, toute tentative de représentation endogène à moyen terme. Le danger potentiel, de notre point de vue, résiderait précisément dans l’illusion d’avoir restreint l’incertitude relative à ces effets, au risque de se dispenser d’une réflexion plus approfondie, sous prétexte d’en avoir proposé une modélisation mathématique. Risque d’autant plus problématique que la complexification du modèle qui en résulterait est susceptible de compromettre son appropriation par les « non-experts ». Nous préférons à la place laisser l’utilisateur du modèle libre de renseigner toute hypothèse relative à l’évolution temporelle des coefficients techniques de la matrice [𝐴] ─ que ce soit sous l’effet des prix, du progrès technique ou de la règlementation ─ de manière exogène. L’élaboration de ces hypothèses pourrait par exemple à l’avenir faire l’objet d’approches sectorielles, à travers des discussions entre « experts » de différentes branches de l’économie, voire entre simples usagers du bon sens208.

208 Dont Descartes (1637) disait qu’il était « la chose du monde la mieux partagée : car chacun pense en être si bien pourvu, que ceux même qui sont les plus difficiles à contenter en toute autre chose, n'ont point coutume d'en désirer plus qu'ils en ont »…

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Figure 15 : Regard rétrospectif sur des hypothèses d'évolution du prix du baril de pétrole

Figure 16 : Evolution du prix du baril de brut de 1970 à 2009 et facteurs contingents (source : WTRG Economics, 2011) 0 20 40 60 80 100 120 140 1990 2000 2010 2020 2030 $2005

Regard rétrospectif sur des hypothèses d'évolution

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