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Entretiens et recueil de scénarios participatifs

Chapitre 4 Description du cadre de modélisation

4. L’analyse Entrées-Sorties

4.2. Principales limites de l’analyse entrées-sorties

L’élégance mathématique de la méthode se négocie toutefois au prix de quelques compromis. Tout d’abord, ceux-ci ont trait à la difficulté pratique de définir des branches homogènes – c’est-à-dire ne produisant qu’un seul type de produits – compte-tenu des divers processus économiques donnant lieu à des coproductions : des productions jointes ou combinées.

Une deuxième difficulté – qui n’est pas tout à fait indépendante de la première - réside dans l’établissement du tableau des entrées-sorties (TES)195 utilisé pour évaluer la matrice des coefficients techniques : la nécessité

d’agréger les productions individuelles de chaque branche à l’aide d’une unité de compte commune, sous

193 L’utilisation de l’analyse entrées-sorties à des fins de simulations prospectives suppose donc implicitement un équilibre offre-demande. Les déséquilibres relevant surtout d’une dynamique conjoncturelle de court terme, et ce qui nous intéresse ici étant d’abord les évolutions structurelles de long terme, nous acceptons cette hypothèse forte.

194 Les conditions de Hawkins-Simon pour une économie productive sont les suivantes: �1 − 𝑛11> 0 ; 𝑑𝑛𝑡 �1 − 𝑛−𝑛2111 1 − 𝑛−𝑛1222� > 0 ; … ; 𝑑𝑛𝑡 �

1 − 𝑛11 … −𝑛1𝑃

⋮ ⋱ ⋮

−𝑛𝑃1 … 1 − 𝑛𝑃𝑃 � > 0 �

Le non-respect de ces conditions signifierait une économie improductive, c’est-à-dire qu’au moins une branche serait susceptible d’utiliser plus d’une unité d’input provenant d’une autre branche pour la production d’une seule unité d’output. Pour certaines valeurs de demande, ceci pourrait alors se traduire par des valeurs de production négatives, ce qui n’aurait pas de sens du point de vue économique.

195 Le tableau entrées-sorties (TES) est un tableau synthétisant les échanges entre les différentes branches de l’économie au cours d’une période donnée, en général l’année, dans lequel chaque ligne décrit, pour une branche donnée, la répartition de ses produits entre les différentes branches et la consommation finale, tandis que chaque colonne correspond aux différents inputs d’une branche donnée. Le passage du TES à la matrice des coefficients techniques s’opère, pour l’essentiel, en divisant les valeurs de chaque colonne du TES par la production de la branche correspondante.

Chapitre 4 - Description du cadre de modélisation

4 L’analyse Entrées-Sorties

119 peine de devoir gérer une quantité phénoménale de données196, conduit généralement à estimer et exprimer

le tableau entrées-sorties en unité de valeur monétaire197. Chaque valeur du TES reflète alors un produit ‘’prix

× quantité’’, qui conjugue et condense en une seule valeur à la fois une réalité physique (les quantités) et une réalité économique (les prix). Les coefficients techniques 𝑛𝑗𝑃, calculées à partir du TES ne sont donc pas à

proprement parler « purement techniques » ; ils dépendent des niveaux relatifs des prix, et par conséquent l’utilisation d’une matrice de coefficients techniques donnée se prête à des raisonnements à prix constants. Plus fondamentalement, ceci nous amène à l’hypothèse critique – et critiquée –, de fixité des coefficients

techniques. Car outre les prix, les quantités physiques d’inputs utilisées par une branche et leurs proportions

respectives sont aussi susceptibles d’évoluer au cours du temps. De tels changements peuvent résulter d’effets d’échelle198 (économies ou déséconomies d’échelle), d’effets de substitution entre différents inputs ou entre

divers procédés permettant d’obtenir un même output (substitution motivée par la (l’in-)disponibilité des facteurs primaires, par une évolution des prix relatifs des inputs, ou prescrite par la règlementation – et donc sujette à l’action politique– , etc.), ou encore provenir d’une évolution de la nature des procédés de fabrication (ou de l’output) permise par le « progrès technique ». Dans le cadre d’une économie ouverte, se rajoute également l’effet d’une évolution de la part des imports dans les consommations intermédiaires, le calcul des coefficients techniques utilisés ne prenant en compte que les inputs domestiques (c’est-à-dire non importés) lorsque l’on s’intéresse à la production domestique. Autant d’éléments que le caractère cristallisé d’une fonction de production linéaire, faisant appel à des coefficients techniques fixes, ne permet pas de prendre en compte.

La question qui se pose alors est celle de l’ampleur des « erreurs » susceptibles de découler de tels compromis199 - et à travers celle-ci, la question de l’horizon temporel de pertinence de la méthode à des fins

d’analyse prospective. Un bref examen rétrospectif peut ici nous fournir quelques éléments de cadrage et de réflexion, même si rien ne permet d’affirmer que les évolutions futures seront comparables en ampleur à celles observées dans le passé.

196 Sous la forme par exemple d’un tableau entrées-sorties de taille considérable, ou d’une superposition de plusieurs matrices de coefficients techniques, chacune relatives à un type de produit ou de commodité. Encore faut-il que les données correspondantes soient disponibles en pratique… Le développement de bases de données de plus en plus riches, et les possibilités de calcul offertes par l’informatique moderne, semblent toutefois rendre ce type d’approches envisageables désormais. Celles-ci pourraient par exemple se révéler intéressantes pour l’analyse des flux de matériaux dans l’économie, et pour développer des approches de type « analyse de cycles de vie » à l’échelle des branches (voir par exemple : Hawkins et al., 2007).

197 Notons qu’il serait tout aussi envisageable d’exprimer le TES en unité de temps de travail, ce qui serait loin d’être inintéressant.

198 Il existe notamment des cas particuliers « extrêmes » dans lesquels aucune production ne peut avoir lieu sans l’installation préalable d’une importante infrastructure (par exemple pour un réseau téléphonique, un réseau ferré, un barrage hydro-électrique…), ce qui ne rentre pas en compte dans une fonction de production par proportion fixes (Christ, 1955).

199 Les éléments mentionnés ici constituent les principaux axes des critiques adressées à l’analyse entrées-sorties. Le lecteur intéressé pourra trouver dans Christ (1955) une exploration des questions relatives à la sensibilité des résultats aux erreurs sur les données initiales (ici comme pour tout autre modèle, s’applique la logique « Garbage In - Garbage Out » (GIGO dans le jargon de la modélisation) – ce qui est une autre forme de relation entrées-sorties…).

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4.3. Analyse rétrospective de sensibilité à l’évolution de la matrice des

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