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Ce qui est souvent évoqué par les étudiants DEIS selon le responsable du Master à Montpellier,

« C’est le rapport à la dimension politique. Par exemple une meilleure compréhension des

agendas politiques, un autre rapport aux élus. Cela débouche sur des « postes à profils », chargés de mission, en proximité avec les sphères politiques, les cabinets présidentiels et autres. Ce type de formation, selon lui, permet d’être à l’aise avec les politiques, avec ce niveau-là d’intervention. Qui était peu présent dans les diplômes initiaux. Et puis quand on est à un niveau

180 Marlène SAPIN, Dario SPINI et Éric WIDMER, op. cit., page 106.

181 Mejed HAMZAOUI, La formation des adultes entre promotion sociale et logique d’adaptation,

pendant le XXIIème colloque du Réseau Européen de Formation Universitaire en Travail Social (REFUTS) à l’Université de Charleroi en Belgique : Les enjeux de la formation tout au long de la vie

pour l’intervention sociale : promotion sociale et citoyenne ou gestion de l’employabilité ?, jeudi 30 juin

2011.

182 Mario CORREIA et François POTTIER, La formation tout au long de la vie. Progression

professionnelle ou adaptation aux contraintes, Formation-Emploi, n°71, Paris, 2000, pages 65 à 81.

84 d’exécution dans une structure, c’est un niveau où l’on n’accède pas directement, ou en tout cas on y accède souvent par le mauvais côté, on est souvent doublé par l’intervention de l’élu. Cela permet d’être mieux armé, dans cette strate-là de politiques publiques, qu’elles soient locales, nationales » (Extrait de notre immersion).

3-5-3-1 – Les enjeux politiques

Adil est en position de chef de service. Il est pris dans les enjeux politiques et que cela demande de bien se positionner dans les réunions. Son association est gérée par des politiques, le bureau n’est composé que de politiques. La neutralité est très difficile à respecter :

« Je passe mon temps en réunions : de réseau, d’organisation avec des techniciens, des comités

de pilotage, des comités techniques. L’avantage, c’est qu’on peut impulser des choses avec sa vision des besoins du territoire, avec notre créativité, nos envies. Dans ce genre de poste, c’est ce qui est intéressant. Et en même temps, l’inconvénient c’est qu’on est pris par des enjeux politiques ; bien se positionner à telle réunion, ne pas trop dire des choses ; c’est compliqué. On est plus éducateur de rue, on est chef de service. Du coup on représente l’association, et à des moments on ne peut pas se permettre de dire certaines choses sinon…C’est un conflit qui va aller jusqu’à la présidente où je ne sais qui…Notre association a été créée par des politiques en 2007, on est une cinquantaine d’employés, notre conseil d’administration, le bureau ne sont composés que de représentants politiques, notre présidente, c’est une ancienne députée de l’Hérault, prof à la Sorbonne à Paris, en droit. Et là actuellement, elle est chargée par le gouvernement d’une commission des droits de l’homme, en lien direct avec le premier ministre. C’est une réflexion politique, notre bureau. Et Montpellier, il y a de la politique de partout. Et c’est très compliqué. La moindre petite association est très politisée. Or, d’un côté c’est un avantage d’avoir un bureau politisé pour faire avancer des dossiers, mais cela peut être un frein. C’est très difficile de travailler comme cela, parce qu’au moindre écart, il y a toujours des enjeux politiques. Tout le monde essaye de tirer de son côté. Et la neutralité, on la tient, mais elle est difficile ».

Ce qu’écrivaient Vincent De Gauléjac, Michel Bonetti et Jean Fraisse en 1989 semble toujours d’actualité : « Les élus perçoivent souvent les agents de développement social comme des concurrents dangereux s’interposant entre eux et la population et contestant leur pratique et leur hégémonie. Le déclin des mouvements sociaux et la destruction du tissu social qui en résulte sont en partie dus à la suspicion des responsables politiques et institutionnels à l’égard des formes d’organisation collective qu’ils combattent quand ils ne sont pas sûrs de pouvoir les contrôler. Or l’ingénierie sociale vise à reconstituer les réseaux de solidarité, à soutenir l’organisation collective des habitants, à promouvoir de nouveaux leaders représentant les exclus, autant d’actions qui se heurtent fréquemment à l’emprise des responsables politiques. Quand ceux-ci désertent les quartiers en crise, ils n’admettent pas pour autant que d’autres acteurs se substituent à eux »184.

Fanny a l’impression qu’en France, il faut faire de la recherche pour être entendu, dans l’action sociale, pour donner son avis, pour peser dans les décisions. C’est aussi pour cela qu’elle a choisi la voie du DEIS. Dans le contexte où elle travaille, et encore, heureusement qu’elle fait partie d’une petite équipe où les gens s’entendent bien et travaillent en complémentarité, le rapport aux politiques publiques est très difficile. Alors elle souligne qu’on « ménage la chèvre et le chou

afin de préserver les gens accompagnés ». Des coopérations sont cependant possibles. Mais avec

certains représentants politiques seulement. Elle se sent encore autonome dans son travail, mais

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petit à petit, elle sent les injonctions, les évaluations qui arrivent et qui prennent de plus en plus de place, qui ne laissent plus du tout de marges de manœuvre :

« Dans le contexte communal sur lequel je travaille, les rapports aux politiques publiques sont

infernaux, parce que eux ont le même objectif de mettre les gens au centre, avec les lois 2002, 2005, 2007 mais enfin, à part pour leurs façades politiques, parfois on se demande. Il faut rester calme, avaler des couleuvres, faire avec le partenariat pour pas que cela ait des répercussions sur la vie des gens. Et en même temps, malgré ce qui nous épuise parfois, il y’a quand même des espoirs de coopération, vraiment importante, avec certaines personnes. Mais ce sont plus des personnalités qui nous rejoignent dans cette envie de faire des projets, de réellement faire vivre les quartiers, une réelle envie de mettre pour de vrai les gens au centre. Et là, il y a vraiment de très bonnes coopérations, créatives, qui se mettent en place ».

3-5-3-2 – Le rapport au politique

Depuis 2008, la compétence a changé pour le centre de loisir que dirige Yves, elle est devenue intercommunale. L’avenir du centre est soumis aux élections et aux changements qu’elles peuvent susciter :

« Une bonne coopération avec les élus facilite aussi les choses. La proximité et les relations

privilégiées jouent beaucoup pour tendre vers une harmonie de travail. À chaque élection, les choses peuvent changer, les enjeux et les choix étant avant tout politiques. Ils peuvent très bien faire un appel d’offres dans trois ans, ou prendre des gens directement, en régie directe. C’est d’ailleurs en pourparlers actuellement. Cela s’était déjà produit pour les multi accueils petite enfance. Tout cela se développe à l’heure actuelle. Le fait que le rythme scolaire change et passe à 4 jours et demi risque de modifier certains éléments. On va être dans l’obligation de développer sur ce territoire comme dans d’autres, des antennes d’animation pour les enfants. Cela pose de nouvelles questions en termes d’organisation, en termes structurels. Il est possible que la collectivité reprenne en régie directe, tout ce qui concerne les 3-14 ans ».

Joffre Dumazedier écrit que « l’individu traditionnel, soumis aux pouvoirs discrétionnaires des institutions, est devenu un sujet social participant actif, négociateur du pouvoir institutionnel »185.

Il se doit de saisir la dimension politique du domaine où il travaille. Il apparaît que c’est particulièrement vrai pour les intervenants sociaux qui reprennent des études en DEIS et Master. Pascal Nicolas-Le Strat nous a indiqué pendant notre immersion à Montpellier que la politique publique n’intègre pas la dimension du conflit, du rapport de forces. En particulier la politique publique de l’insertion, de l’emploi ne pose pas ou très rarement la dimension collective. À partir de là on peut avoir deux attitudes en tant qu’intervenant social : une attitude professionnelle qui est de rester dans le périmètre de la politique publique et de considérer tout ce qui relève du mouvement social, du conflit, de l’action collective d’une certaine manière est au-delà de ce périmètre et ne va pas concerner immédiatement et directement la pratique professionnelle. Et puis il peut y avoir un autre modèle professionnel qui à un moment donné a tout à fait conscience qu’agir professionnellement dans le champ social c’est effectivement être nécessairement confronté à ce type de dynamiques, de dimension. Le professionnel n’a pas toujours prise, mais est obligé de contextualiser. Et quand il contextualise, il est obligé de tenir compte de ses

185 Joffre DUMAZEDIER, Émergence du sujet social et pratiques d’autoformation permanente, colloque

international Éducations, temps, sociétés, Caen, 1993 cité dans L’autoformation, une auberge espagnole, Évelyne Jardin, Sciences Humaines, Hors-Série n°40, mars/avril/mai 2003, page 17.

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contradictions, de ses mouvements sociaux qui traversent la société186. C’est aussi une des raisons qui engendrent la reprise d’études en DEIS des intervenants sociaux.

Une autre est apparue lors de notre recherche, c’est celle de s’extraire des blocages rencontrés dans l’activité professionnelle, de prendre du recul et d’analyser les situations en prenant de la hauteur par rapports aux événements souvent complexes et difficiles.

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