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4-4 – LES PERSPECTIVES D’AUTRES RECHERCHES

Une recherche supplémentaire pourrait nous permettre de vérifier si les hommes se destinent davantage à l’encadrement, s’ils privilégient la volonté de réaliser une carrière « ascendante ». Et si les femmes se projettent davantage dans la transmission et dans l’expertise des pratiques sociales. Comme notre phase exploratoire et notre phase consolidée tendraient à le laisser apparaître même si elles confirment aussi que les ressorts de la reprise d’études de ce public mettent en avant la singularité des parcours. Y aurait-il des éléments qui déterminent des cheminements en fonction du sexe des personnes ? En quoi une injonction sociétale provoquerait une assignation particulière et aurait une influence sur le parcours de ce type de public en reprise d’études créative, toujours en fonction du sexe des personnes ? Une recherche au moyen du paradigme du genre serait pertinente.

Une autre recherche à notre avis très intéressante serait d’étendre celle-ci à l’ensemble des centres de formation et/ou universités qui dispensent le DEIS et qui l’associent à des masters différents proposant ainsi un double cursus différent (sociologie, AES, sciences de l’éducation, sciences politiques, psychologie et même philosophie). Ce qui engendre d’autres enjeux, d’autres problématiques, d’autres approches complexes.

Encore une autre recherche potentielle nous est apparue en filigrane à la fin de notre analyse de contenu et qui pourrait s’avérer complémentaire de la première. Celle-ci pourrait consister en s’intéresser de près à l’aspect identitaire. En effet des enjeux identitaires nous ont été dévoilés au cours de notre recherche. Les processus identitaires sont complexes et se construisent autour d’une dynamique s’inspirant elle-même des représentations que l’individu a vis-à-vis de lui- même, d’autrui mais aussi vis-à-vis de l’environnement social. De quel ordre sont ces processus identitaires et quelle place prennent-ils sur un plan sociologique dans une telle démarche de reprises d’études ? Quelle part prend une forme de reconnaissance sociale dans cette dernière ? Enfin une autre piste de recherche se révèlerait pertinente du côté des Directions de Ressources Humaines : comment perçoivent-ils une volonté de reprise d’études supérieures de la part de certains travailleurs sociaux qui soit du côté de l’expertise et non de la direction ? Ont-ils repérés des besoins qui correspondent à des profils d’ingénieur en intervention sociale ?

Sans doute d’autres recherches peuvent s’étendre encore, notamment une possible en comparaison avec l’autre diplôme de niveau 1 plus repéré concernant l’intervention sociale, le CAFDES ou bien en interrogeant des personnes reprenant des études dans d’autres secteurs. À ce stade de notre recherche il convient de conclure en nous efforçant de revenir sur la progression de notre travail, ses résultats et les perspectives qu’il ouvre.

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Nous sommes parvenus au terme de notre recherche à distinguer ce qui conduit les intervenants sociaux à s’engager dans une reprise d’études par le moyen de la formation professionnelle continue. À avoir choisi celle du DEIS assemblé avec un Master.

Nous étions conscients que notre triple position, celle d’un étudiant dans le même cycle d’études, celle du chercheur en apprentissage et celle de responsable de formation pouvait constituer un obstacle épistémologique certain.

Nous avons donc le plus possible travaillé la rupture en nous imposant une recherche documentaire et bibliographique conséquente. Celle-ci nous a donné l’occasion de (re)visiter le contexte socio-historique du travail social, le passage du travail social à l’intervention sociale, l’évolution de la formation professionnelle continue, de la formation tout au long de la vie. Puis nous nous sommes intéressés à l’émergence du DEIS, issu du DSTS et de son couplage avec un Master universitaire. Il nous est ensuite paru pertinent d’approfondir la connaissance de l’adulte en formation, de la croisée actuelle de sa position entre certification, discernement de ses propres compétences et professionnalisation.

À ce travail de prospection documentaire est venu s’ajouter la phase exploratoire de notre recherche consistant en une observation participative lors d’un atelier d’élaboration professionnelle de dernière année et une proposition de grille d’entretien à l’ensemble des "déisien-ne-s" qui nous ont précédés depuis 2006 à Toulouse et aux étudiants en dernière année de Montpellier.

À la fin de cette étape notre question centrale de recherche s’est imposée :

Quelles logiques d’action président à des choix, dans le parcours des intervenants sociaux reprenant des études telles que le Diplôme d’État d’Ingénierie Sociale couplé avec un Master universitaire ?

Notre travail de construction de l’objet de recherche a pu s’entreprendre et nous avons pu dégager notre hypothèse générale et nos hypothèses opérationnelles.

Nous avons négocié une immersion d’une semaine à Montpellier auprès d’une promotion d’étudiants en DEIS et Master AES qui se trouvait être en milieu de cursus (en deuxième année). Nous avions trois objectifs principaux en nous fondant dans ce groupe : effectuer des entretiens, vivre le quotidien et les réalités d’une autre promotion d’étudiants-salariés et suivre les interventions dispensées par les professeurs et responsables de formation.

Nous avons expérimenté une pratique spécifique « conduisant le sociologue à s’immerger, sur (auto)sollicitation, dans une micro-situation afin de proposer une lecture dont les effets (de contenus ou de processus) pourraient participer d’une transformation de la dite situation »236. Dans cet esprit, le chercheur se place parmi les acteurs (il "vient entre").

236 Gilles HERREROS, Sociologie d’intervention : pour une radicalisation de quelques principes, dans

Olgierd KUTY et Didier VRANCKEN (et al.), La sociologie et l’intervention. Enjeux et perspectives, Éditions De Boeck Université, Bruxelles, 2001, page 273.

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À Toulouse, nous avons provoqué une rencontre inter promotion, après avoir présenté notre recherche dans un premier temps à la promotion d’étudiants qui nous succède. Cette rencontre avait plusieurs objectifs : deux concernaient directement notre recherche, repérer les volontaires éventuels pour des entretiens et se saisir des interrogations que des étudiants en DEIS et Master de sociologie pouvaient se poser en début de cursus.

Un autre objectif concernant lui notre propre formation et consistant à faciliter des échanges fructueux sur ce double diplôme en élaborant sur où nous pouvions en être de notre parcours de professionnel-étudiant.

La phase exploratoire nous avait conforté dans l’idée de nos choix théoriques et méthodologiques : l’analyse par récits de vie dans une perspective ethnosociologique. Cette dernière « ne s’applique qu’à des objets sociaux relativement bien circonscrits que le recours aux récits de vie permet d’appréhender de l’intérieur et dans leurs dimensions temporelles »237. Ces récits de vie nous ont ouvert sur des narrations biographiques. Une narration biographique « est sollicitée et analysée comme une expérience de vie singulière inscrite dans un univers de rapports sociaux qui permettent de la décrire à travers des processus de fonctionnement social, caractéristiques de l’appartenance à une classe sociale, des habitus qu’elle crée, des origines culturelles et familiales, des rapports de pouvoir et des systèmes d’influence dans un milieu donné »238.

Après avoir effectué des entretiens à Toulouse et avoir retranscrit mot à mot l’ensemble des entretiens effectués, nous avons commencé notre analyse de contenus en proposant des thématiques liées à nos hypothèses de recherche.

Nous nous sommes doté d’une opportunité d’analyse complémentaire à notre analyse centrale (au moyen du logiciel ALCESTE) afin de renforcer des récurrences déjà repérées par l’analyse thématique des récits de vie recueillis et ainsi nous donner une occasion supplémentaire de corroborer nos hypothèses.

Nous avons pu vérifier, malgré les limites à notre recherche que nous avons tenté de discerner précédemment, que les intervenants sociaux qui ont choisi la formation DEIS couplé avec un Master universitaire l’ont bien inscrite dans une continuité de leur parcours et dans une volonté à la fois de changer de position sociale et d’élargir leurs champs d’action et d’investissement. La logique diachronique des entretiens biographiques nous a permis de percevoir les raisons profondes de leurs reprises d’études. Plus singulièrement, à travers une confrontation à la complexité, ces intervenants sociaux viennent (re)faire des études pour des raisons intimes et variées.

237 Daniel BERTAUX, op.cit., 2001, page 16.

238 Pierre DOMINICÉ, Alex LAINÉ et Roselyne ORIOFIAMMA, (sous la direction de), Les histoires de

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Nous avons observé toutefois que l’université (le couplage avec un Master) représente une valeur très importante pour des adultes en recherche de "régulation biographique" : « L’institution universitaire représente l’autorité sur laquelle repose un statut cognitif et normatif supérieur. La reprise d’études autorise un déplacement social pour le sujet»239.

Mais tous viennent également réactiver la question du sens de leurs actions en voulant acquérir plus de connaissances. Ils souhaitent proposer en quelque sorte une reconfiguration de l’intervention sociale qui pourrait déboucher sur un -nouveau- profil d’intervenant social et de nouvelles formes d’intervention. Quelqu’un très au fait à la fois de l’encadrement et de l’intervention sociale de proximité, et quelqu’un qui viendrait mieux les articuler.

Ils viennent chercher cette articulation et se situent dans l’un des idéo-types développés par Jean- Christophe Barbant, qui n’est pas de l’expertise ou de l’ingénierie pure, mais qui est celui de la "transformation sociale".

Ces praticiens essayent d’intégrer tous les savoirs disponibles, scientifiques, d’expériences, d’usage, profanes. Et à travers cette démarche ils veulent tenter de construire dans les modes d’organisation de nouvelles formes d’expertise.

C’est un « travail patient où on ne va pas chercher à conflictualiser la question sociale, mais au contraire on va essayer de la pacifier, de l’imprimer dans les organisations afin qu’elles deviennent apprenantes et puissent se transformer de l’intérieur »240.

Une éthique profondément structurée en découlerait, celle de la réflexivité. Contribuer à ce que ne soit pas uniquement ce praticien d’expertise-là qui soit réflexif, mais que tous les acteurs puissent l’être afin que l’organisation puisse "muter" par elle-même et non pas lui imposer une mutation de l’extérieur.

239 Laurence FOND-HARMANT, Des adultes à l’université, Éditions L’Harmattan, Paris, 1996, page

144.

240 Jean-Christophe BARBANT, Éthiques et expertises de l’intervention sociale, Conférence du vendredi

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