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3-3-6 – Des individus qui présentent des stratégies élaborées

Les personnes interviewées sont dans l’ensemble dans des stratégies et se saisissent des "contextes d’opportunité" pour progresser dans leurs trajectoires professionnelles. Armand se souvient :

« Mon chef de service actuel a eu des problèmes de santé, il y avait des dossiers à gérer, il fallait

quelqu’un, ils ont fait appel à candidature. J’y suis allé, à la fois pour éviter que ça parte en sucette avec la chef de service, et me donner d’autres horizons, éventuellement m’installer dans ce poste-là et éviter de me retrouver à contractualiser dans le cadre du RSA, à l’époque c’était l’API (Allocation Parent Isolé) ».

Sabine, quand elle postule ailleurs, passe par son réseau professionnel :

« J’ai passé dernièrement un entretien. Je travaille beaucoup avec les psys à l’hôpital. Et donc

je me suis fait remarquer auprès d’eux sur mon approche de l’être humain. Pas que sous l’angle psychanalytique, dans un sens beaucoup plus large. Et en fait, un collègue me dit : « j’ai parlé de toi au directeur de l’IME de Bagnols, il va partir en retraite, tu devrais écrire ». « Je suis en formation, je dois ouvrir la MAS à 45 lits, c’est un peu compliqué pour moi, je vais voir ce que je

69 vais faire. Ce que je vaux sur le marché ». Les réponses qui m’avaient été opposées avant, ce n’était pas facile. Donc, j’ai été contacté par une entreprise qui était chargée de recruter le futur directeur, qui m’a demandé de faire un courrier. Il y a eu un process de recrutement en quatre étapes. Et je suis arrivée jusqu’au bout ! ».

Henri est ouvert à de nouvelles propositions des cadres hiérarchiques de ses anciens postes : « En 1994, mon ancien directeur me dit : « Écoutez je monte une boîte, est-ce que cela vous

intéresserait de devenir chef de service ? Je dis : « oui, écoutez, pourquoi pas ? » Je demande à l’ASE une mise à disposition pour convenances personnelles. Ce qui me donnait 6 ans (maintenant c’est 10). De nouveau, une nouvelle expérience. Je deviens chef de service d’une boîte qui était une réhabilitation d’une petite maison dans la ville du Chesnay et qui avait été refaite pour accueillir des gamins par des notables du coin qui voulaient s’occuper de l’enfance en difficulté, c’était notamment porté par un médecin de la ville. Je suis rentré dans cette maison, il n’y avait rien. Même pas les petites cuillers. Pas les enfants, ni le mobilier. J’étais recruté par le Conseil d’Administration, la secrétaire a été recrutée en même temps que moi. Cela durera jusqu’en 2004 ».

Séverine provoque des rencontres avec des professionnels, en se proposant comme force de projets nouveaux. Ainsi elle relate :

« Je me suis intéressée à un syndicat intercommunal, toujours dans l’Allier, sur le secteur de

Dompierre. Et je suis arrivée auprès de l’agent territorial en lui disant : « eh bien voilà, je passe un BEATEP (Brevet d’État d’Animateur Technicien de l’Éducation Populaire) et je voudrais travailler pour vous ». Il me dit : « oui, mais les animateurs, ils font des colliers de nouilles ». J’ai sorti ma panoplie de ce qu’est l’animation. Il m’a finalement proposé de travailler sur les trois syndicats intercommunaux. Il me dit : « Il y a 26 communes, il y a un projet de mise en place de sentiers de randonnées sur chaque commune, à travailler en intercommunalité, en inter syndicat intercommunal, et de trouver une méthode de mobilisation des acteurs municipaux plus des acteurs locaux. J’ai créé un topoguide. Et ensuite il y avait la mobilisation des acteurs touristiques et celle des acteurs associatifs pour pouvoir mettre en œuvre des animations sur ces lieux-là. Et pouvoir créer un réseau autour des sentiers de grande randonnée avec les acteurs locaux ».

Ces parcours professionnels font ressortir que les intervenants sociaux engagés dans le DEIS et Master sont très ancrés dans la pratique, mais qu’ils veulent se donner les moyens d’une réflexivité permanente sur celle-ci. Ils ont tous construit leurs actions dans la perspective d’une éthique approfondie et la défendent soit en proposant et s’inscrivant dans des projets créatifs et innovants, soit en maintenant des positionnements forts dans les institutions qui les emploient. C’est autant vrai quand les personnes sont en position d’encadrement et qu’il faut soutenir une voie dans l’intérêt des usagers que quand les professionnels sont en situation d’accompagnement direct. Nous verrons par la suite que l’un des axes forts de la reprise d’études des narrateurs est une volonté d’approfondissement de la dimension éthique et de l’affinement de la compréhension des enjeux politiques.

Les parcours professionnels font donc ressortir que les "déisien-ne-s" sont des "créateurs" et qu’ils s’inscrivent très souvent dans des perspectives innovantes, voulant donner un sens à l’intervention sociale face aux nouvelles politiques gestionnaires.

Nous allons à présent analyser comment le réseau social des narrateurs a joué un rôle central dans leurs démarches de reprise d’études universitaires.

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3-4 – LE RÉSEAU SOCIAL DES NARRATEURS

Nous avons vu qu’une conscience de soi aiguisée se construit progressivement à travers l’interaction sociale et qu’ « elle se développe chez un individu donné comme résultat des relations que ce dernier soutient avec la totalité des processus sociaux et avec les individus qui y sont engagés »168. Un des enjeux fondamentaux de cette interaction apparaît dans une identification respective (de soi par autrui et d’autrui par soi) et elle « comporte toujours le risque de ne pas se voir confirmer l’identité que l’on revendique »169.

Le retour en formation est fortement encouragé par le regard des autres. Toute raison à se former combine des exigences externes liées à une situation vécue et des aspirations internes, résultantes d’une trajectoire, d’incitations objectives de l’environnement, du regard des autres, et d’aspects plus subjectifs de la personnalité170. Les "autruis" que côtoie un individu sont nombreux et comprennent les membres de la famille, les amis, les collègues de travail, les supérieurs hiérarchiques ou les professionnels qui constituent l’équipe qu’il est amené à encadrer ou dans laquelle il est amené à coopérer. Ces "autruis significatifs" ont un impact sur les choix et orientations professionnelles que l’individu entreprend et ce en partie malgré lui. L’un des premiers demeure être le conjoint.

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