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Les risques spécifiques aux projets d’énergies renouvelables en Afrique du Nord

renouvelables : avantages et opportunités

Section 2. Les risques d’investissements dans les projets d’énergies renouvelables d’énergies renouvelables

3. Les risques spécifiques aux projets d’énergies renouvelables en Afrique du Nord

La production de l'électricité à grande échelle à partir des centrales solaires, en Afrique du Nord, et sa transmission ultérieure vers l'Europe exigent ce qui est appelé des « méga-projets » qui sont très coûteux (plus d’un milliard de dollars). Ces méga-projets attirent l'attention du public en raison de leur impact important sur les communautés, les budgets et l'environnement (Flyvbjerg, Bruzelius et Rothengatter, 2003).

Ces projets de grande envergure sont particulièrement menacés par les risques de dépassement des coûts prévus. En effet, les projets de grande taille sont caractérisés par des coûts irrécupérables très élevés (ce sont des coûts fixes qui ont déjà été engagés et ne peuvent pas être récupérés) et par des coûts de transaction importants à cause des situations contractuelles complexes. En plus, les méga-projets dans l'infrastructure et l’énergie souffrent souvent d'autres facteurs qui augmentent leurs coûts. Le facteur le plus important est l’influence de la politique sur les prix, ce qui rend les investisseurs très dépendants des gouvernements ou des règlementations qui peuvent renier les engagements initiaux, une fois les investissements ont commencé.

Tous les grands projets d'énergie impliquent des risques techniques et de marché, mais l'investissement dans les pays d'Afrique du Nord peut soulever des préoccupations supplémentaires, à savoir la question des risques politiques. Al Khattab, Anchor et Davies (2007) ont interrogé les parties prenantes actives dans des Investissements Directs à l’Etranger (IDE) dans les PED. Les résultats montrent que les risques politiques, y compris la réglementation et la stabilité politique, ont été identifiés plus fréquemment comme une principale cause de préoccupation (76% de tous les répondants) et dépassent les risques financiers (63%).

La Fondation Bleyzer (2002) a mis l’accent sur trois types de risques qui sont les plus importants pour les acteurs d’IDE : les risques liés aux effets de monopole de l'État, l'absence d'un cadre juridique stable et la mauvaise gouvernance publique et des entreprises, y compris la corruption et les procédures bureaucratiques. En plus des risques

114 précités, l’investissement dans les pays de l’Afrique du Nord se caractérise par des risques de type géopolitique et de sécurité, notamment le terrorisme.

Komendantova et al. (2012) ont interrogé des parties prenantes dans des projets d’ER en Afrique du Nord. Ils ont mené deux séries d’interviews afin d’identifier les risques qui occupent le plus les investisseurs dans le domaine des ER. Tout d’abord, ils ont effectué des interviews non structurés avec 23 parties prenantes qui sont toutes actives dans des projets CSP au nord de l’Afrique. Ils ont demandé aux experts de mentionner les barrières et les risques liés à l’investissement dans des projets d’ER. Plus que la moitié des répondants ont mentionné la complexité des procédures bureaucratiques et la corruption comme étant des risques d’une grande importance. D’autres risques ont été considérés par les experts comme étant des risques d’une grande importance, ces risques sont : l’instabilité des réglementations nationales, l’absence de garanties provenant des gouvernements et de la communauté internationale, le niveau faible de stabilité politique et le manque du soutien du gouvernement.

Figure 9. Les barrières à l’investissement (n=23)

Source : Komendantova et al. (2012, p.106)

La deuxième série d’interviews était sous la forme d’entretiens téléphoniques semi- structurés. Les auteurs ont interrogé 18 experts et ils ont demandé de classer les risques en fonction de la gravité et de la probabilité. La liste des risques donnée aux experts pour faire le classement contient 9 classes de risques : technique, de construction, opérationnel, de revenu, financier, force majeure, réglementaire, environnemental et politique. Les résultats des entretiens montrent que seulement trois classes de risques (réglementaire, politique et

% des experts Niveau faible de stabilité politique Manque du soutien du gouvernement Instabilité des réglementations nationales Complexité des procédures bureaucratiques et corruption Absence de garanties

115 force majeure) ont été mentionnées, par au moins un des répondants, comme étant un risque de niveau de gravité élevé. Les autres 6 classes ont été considérées par les experts comme étant des risques de niveau de gravité moyen ou faible. L’évaluation de la gravité des risques ainsi que la probabilité d’occurrence montrent que les procédures bureaucratiques et la corruption sont des risques de gravité élevée et aussi les plus probables d’avoir lieu pour la région de l’Afrique du Nord.

Il est certain que des risques excessifs, dans certains pays ou régions, auront des effets négatifs sur les intentions des investisseurs qui peuvent tarder leurs projets ou même les déplacer vers des pays moins risqués. Ceci peut avoir lieu même si les gouvernements offrent des avantages fiscaux et des subventions pour attirer les capitaux étrangers. Mais, ces stratégies s’avèrent souvent inefficaces, en fait une fois les investisseurs quittent un pays, il sera très difficile de les convaincre d’investir de nouveau.

Conclusion

Il existe une littérature abondante qui s’est intéressée aux concepts de « verrouillage technologique » et de « verrouillage au carbone », comme étant les barrières principales qui entravent la transition vers un système énergétique basé sur les ER. L’idée principale sur laquelle se base cet effet est le fait qu’il y a une interaction entre le développement des technologies et le cadre social, économique et culturel dans lequel ces technologies sont développées (Rip et Kemp, 1998 ; Kemp, 2000). Ceci amène à constater que l’utilisation d’une nouvelle technologie et sa diffusion dépendent du chemin de son développement nommé « dépendance au sentier » (David, 1985), qui intègre les caractéristiques des marchés initiaux, les facteurs réglementaires et institutionnels et les expectations des consommateurs.

Dans la première section, nous avons expliqué cet effet et la façon avec laquelle il est formé. La première explication du « verrouillage technologique » est le « paradigme technologique » qui se base sur l'idée que la nature et le sens du progrès technologique sont fortement influencés par le cadre cognitif des acteurs. Nelson et Winter (1977) ont utilisé le terme de « régime technologique » pour décrire ces cadres alors que Dosi (1982) a utilisé le terme de « paradigme technologique ». La seconde explication donnée à l'existence de l’effet de « verrouillage technologique », et qui est fortement liée à la première, est l’existence de rendements croissants d'adoption. Ce sont des mécanismes de

116 rétroaction positive qui fonctionnent pour accroître l'attractivité de l'adoption d'une technologie particulière, au fur et à mesure qu’elle est adoptée.

Ensuite, nous avons mis l’accent sur l’effet de « verrouillage au carbone » qui a suscité un intérêt grandissant, à partir des années 1990, dans le domaine des problèmes environnementaux et du changement climatique. En effet, il est considéré comme un obstacle à une transition vers des technologies propres (Ayres, 1991 ; Kemp, 1994 ; Freeman et Soete, 1997 ; Unruh, 2000). En effet, c’est « la dépendance au chemin parcouru » qui a conduit à des situations de « verrouillage au carbone » et plusieurs études ont suggéré que le monde est actuellement verrouillé en une économie à émission intense de carbone, ce qui est difficile à transcender.

Dans la seconde section, nous avons analysé les impacts du « verrouillage au carbone » sur l’investissement dans le secteur des ER. En effet, à cause de cet effet, l’investissement dans des projets d’ER fait face à plusieurs barrières d’investissements de différents types. Nous avons choisi de classer ces risques en 10 catégories : les risques de marché, les risques économiques et financiers, les risques politiques, les risques institutionnels, les risques réglementaires, les risques techniques, les risques de type social et culturel, les risques de dommage à l’environnement, les risques opérationnels et les risques liés aux sources.

Enfin, nous avons mis l’accent sur les risques spécifiques aux projets d’ER, en Afrique du Nord, qui sont surtout les risques de type politique et réglementaire. En effet, la complexité des procédures bureaucratiques, la corruption et le niveau faible de stabilité politique sont les principales préoccupations des investisseurs potentiels.

Notre analyse des différents risques dans le secteur des ER nous amène à la conclusion suivante : la transition vers les ER est un processus lent, compliqué et qui se

heurte à plusieurs barrières et risques de différents types (économique, financier, institutionnel, politique, etc.) sous l’effet de « verrouillage technologique » et de « la dépendance au sentier parcouru ». Cette constatation confirme la nécessité du recours à

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Chapitre 4. Vers une approche du management des

risques pour l’analyse de la transition vers les énergies

renouvelables

Introduction

Notre époque est caractérisée par une concentration urbaine, un développement rapide du progrès technologique et une multiplication des parties prenantes aux risques (les associations, les consommateurs, les médias, etc.). Par conséquent, les sociétés modernes sont entrées dans une nouvelle ère où il est primordial d’avoir une culture des risques pour pouvoir faire face à des risques complexes et polymorphes. Le sociologue allemand Ulrich Beck (2001) décrit la société moderne comme étant « une société du risque ».

Le domaine de l’environnement et des ER est particulièrement concerné par l’analyse des risques. L’objectif de ce chapitre est d’expliquer l’approche du management des risques et son application dans le domaine des ER. Pour y arriver, nous avons organisé ce chapitre sous la forme de deux sections.

La première section sera consacrée aux concepts de risque et d’incertitude et à l’approche du management des risques, en traitant l’historique de son évolution ainsi que le processus et la démarche à suivre. En effet, le management des risques permet de trouver les réponses aux questions suivantes : quels sont les risques de l’activité ? Comment diminuer ces risques pour les rendre tolérables ou acceptables ? Et comment gérer les risques résiduels pour garantir leur acceptabilité dans le temps ?

La seconde section va être consacrée à l’application de l’approche du management des risques dans l’étude de la transition vers les ER. Nous allons analyser les limites des autres approches et des différentes méthodes d’analyse des risques pour expliquer l’intérêt du recours à l’approche du management des risques et les avantages de la méthode AGR qui va être appliquée. En effet, en plus de l’incertitude et de l’existence d’une information imparfaite, il y a des risques de tout type qui entravent le processus de diffusion des ER, ce qui justifie l’approche du management des risques.

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Section 1. Le management du risque : nouvelle approche et

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