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Justification du choix de l’approche du management des risques et de la méthode AGR

renouvelables : avantages et opportunités

Section 2. Le management du risque pour les projets d’énergies renouvelables

3. Justification du choix de l’approche du management des risques et de la méthode AGR

Nous avons bien expliqué, dans le chapitre 2, le fait que la transition vers les ER a été traitée selon des points de vue différents et selon des approches différentes. Chacune des approches étudiées (l’approche basée sur la courbe d’expérience, l’approche de diffusion de l’innovation, l’approche de l’économie de l’environnement, l’approche de l’économie institutionnelle et l’approche psychosociale) a traité un aspect bien particulier du processus de diffusion des ER. Il s’agit des aspects de type technique, économique, institutionnel et psychosocial.

Le choix de l’approche méthodologique basée sur le management du risque émane des deux constatations suivantes :

- La diffusion des ER est un processus complexe et qui fait intervenir plusieurs aspects et plusieurs acteurs qui sont en interconnexion ce qui nécessite une approche multidisciplinaire.

- La multiplicité des risques d’investissement dans ce secteur, sous l’effet de « verrouillage au carbone » et de « la dépendance au sentier », nécessite le recours à une approche basée sur le management du risque. Cette approche est capable d’intégrer et de traiter, en même temps, tous les aspects déjà cités du processus de la transition vers les ER et surtout de tenir compte du caractère polymorphe et complexe du risque.

En effet, les approches existantes bien que très intéressantes ont des limites qu’il est nécessaire de les dépasser. L’approche de la courbe d’expérience, par exemple, présente plusieurs limites. En effet, dans la plupart des cas étudiés, cette approche analyse d’une manière agrégée les réductions des coûts sans expliquer une à une toutes les forces motrices de cette réduction. En plus, la courbe d'expérience est un outil d'analyse de tendance et ne convient pas pour prévoir l’évolution des coûts à long terme. Cela signifie que l'utilisation des courbes d'expérience et des outils d'analyse des tendances similaires n’est possible que dans des conditions de faible incertitude. En outre, la plupart des études existantes intègrent seulement la R&D publique et la prise en compte de la R&D privée reste un important défi à relever. Enfin, cette approche ne prend pas en compte l’impact du changement de politique de soutien adoptée par le gouvernement pour accélérer la diffusion des ER sur les activités d’apprentissage.

142 En ce qui concerne l’approche de diffusion de l’innovation, la plupart des études faites ont négligé la nature concurrentielle entre les différents types d’ER ainsi que la prise en compte de l’impact de la politique du gouvernement et des différents instruments utilisés sur le processus de diffusion des ER.

Ce dernier aspect est au cœur même de l’approche basée sur l’économie de l’environnement qui, malgré ses avantages, présente aussi plusieurs limites. Dans le cadre de cette approche, le soutien du gouvernement aux ER est justifié par l’internalisation des externalités négatives découlant de l'utilisation des combustibles fossiles et par la stimulation du progrès technique. Mais, il est à noter que la plupart des instruments et des mécanismes de promotion des ER sont conçus par les pays développés et sont généralement trop coûteux pour les finances publiques des PED et incompatibles avec les spécificités économiques et institutionnelles de ces pays. La plupart des recherches faites essaient d’étudier l’impact d’un ou de plusieurs instruments sur la diffusion des ER. Néanmoins, il faut plutôt suivre un chemin différent puisque c’est à partir de la réalité de ce secteur dans chaque pays qu’il faut proposer les instruments les plus adéquats.

En ce qui concerne l’approche de l’économie institutionnelle, les études faites restent limitées par rapport aux autres approches en raison de la difficulté de la prise en compte de l’aspect institutionnel. La plupart des études existantes ont fait recours à des analyses, à des études de cas et à des avis des experts pour dégager le meilleur cadre institutionnel à mettre en œuvre.

La dernière approche traite le modèle psychosocial qui se base sur la théorie du comportement planifié. Cette approche s’intéresse aux aspects sociologique et psychologique de la transition énergétique, en analysant les raisons comportementales, psychologiques et culturelles entrainant la modification d’un régime énergétique existant basée sur les combustibles fossiles vers un autre plus sobre en carbone. Le nombre des travaux scientifiques sur l'acceptation des ER est considérable et les travaux sont très diversifiés et concernent plusieurs pays. Mais, les études qui concernant l’acceptation par certains groupes ou parties prenantes, notamment les investisseurs potentiels, les décideurs politiques, les bailleurs de fonds, les banques sont très limitées voire inexistantes. La plupart des études faites traitent l’acceptation sociale d’une manière générale.

Le point commun de toutes ces approches c’est le fait qu’elles tirent leurs fondements théoriques dans les pays développés ce qui fait que les changements

143 technologiques, institutionnels et économiques proposés sont basés sur des systèmes énergétiques dotés de certaines caractéristiques qui n’existent pas, nécessairement, dans les PED. La plupart des analyses et des études empiriques faites sur les instruments favorisant la transition énergétique concernent les pays développés et peu d’études s’intéressent aux PED.

Bien que ces approches aient plusieurs limites, elles nous ont permis de dégager les constatations et les recommandations suivantes qui vont être utiles dans la suite de cette recherche :

- Les effets d’apprentissage et d’expérience diminuent les coûts et accélèrent le

processus de diffusion des ER.

- Le taux de croissance des technologies d’ER dépend de plusieurs facteurs de

diffusion tels que le total des adoptants potentiels, l’effet d’imitation ainsi que la communication et la sensibilisation.

- La nécessité de la mise en place d’un cadre incitatif favorisant le développement à

grande échelle des ER : la transition vers les ER nécessite la mise en place de mesures réglementaires et d’instruments économiques.

- L’importance de la mise en œuvre d’une structure institutionnelle performante et

fiable pour la bonne conduite des politiques de promotion des ER : la transition vers les ER nécessite des mécanismes institutionnels adéquats

- La participation du public facilite le processus de diffusion des ER.

En plus de toutes les limites déjà citées, les approches existantes ont négligé un aspect important qui est l’étude des risques qui entravent et ralentissent le processus de diffusion des ER. En effet, nous avons bien expliqué, dans le chapitre 3, que sous l’effet du « verrouillage technologique » et du « verrouillage au carbone », la transition vers les ER se heurte à plusieurs barrières et les investisseurs dans ce secteur font face à des risques multiples.

Il est à noter que plusieurs études ont traité cet aspect, surtout ces dernières années. Cependant, l’apport de ces études reste limité puisqu’elles énumèrent ou bien d’une manière générale tous les risques et les barrières, ou bien elles traitent des études de cas et analysent les risques pour une certaine technologie d’ER ou un certain pays. Les études les plus intéressantes ont fait recours à des questionnaires pour se rendre compte des avis des experts sur la gravité des différents risques.

144 De ce fait, il y a de très rares études qui ont fait recours à l’approche du management des risques pour traiter les barrières à la transition vers les ER. Cependant, ces études présentent plusieurs limites. Elles sont, dans la plupart des cas, des études purement théoriques et générales qui expliquent le processus de management du risque à mettre en place dans le cas des projets d’ER. Les études empiriques sont très rares et récentes et elles sont faites par des ingénieurs et traitent surtout l’aspect technique. Les rares études faites par des économistes traitent le risque financier et utilisent la méthode de simulation de Monte Carlo. Nous remarquons que les études faites par les ingénieurs ont étudié les risques techniques alors que les économistes et les financiers ont traité les risques économiques et financiers, en utilisant surtout la VAN comme indicateur de risque. Cette étude est la première qui englobe tous les risques.

L’approche du management des risques est une approche multidisciplinaire qui répond parfaitement à la complexité des systèmes modernes qui a fait naître des risques complexes, qui sont en perpétuel changement et de ce fait sont difficiles à gérer. En effet, la diffusion des ER doit prendre en compte plusieurs éléments inter liés qui sont de natures différentes (économique, sociale, culturelle, technologique, scientifique, géographique, environnementale, etc.) ainsi que plusieurs acteurs ayant des priorités différentes et parfois même contradictoires. Cette approche permet donc une meilleure compréhension et une meilleure adaptation aux exigences des différentes parties prenantes.

Notre étude est la première qui utilise une méthode de management du risque, tout en étudiant tous les types des risques aussi bien techniques que financiers et économiques. Il s’agit de la première étude qui utilise la méthode AGR (une extension de la méthode APR) dans le cadre d’un projet d’ER.

Ainsi, notre choix de l’approche du management des risques et de la méthode AGR vient combler un vide dans la littérature économique. En effet, cette méthode permet d’appliquer toutes les étapes du processus de management du risque, de l’identification des risques initiaux jusqu’à le contrôle des risques résiduels. C’est une méthode qui répond parfaitement à la nature complexe du processus de transition vers les ER. Cette méthode permet d’identifier tous les risques inhérents à un système, tout en ayant la capacité d’analyser les activités présentant à la fois des risques nouveaux et des risques connus dans des systèmes complexes. Elle est donc plus complète que toutes les autres méthodes de gestion des risques.

145 Au cours de ces dernières années, on a assisté à une mutation des risques. On voit bien l’apparition de nouveaux risques dont les conséquences sont très difficiles à estimer et aussi l’apparition de nouveaux acteurs de risques qui présentent des interactions complexes et compliquées. Ce changement nécessite une évolution des procédures de management du risque et pourquoi pas le passage vers une gouvernance du risque. En effet, les risques ne sont plus la préoccupation des entreprises seulement, mais ils concernent de plus en plus d’autres organisations telles que les collectivités locales, les associations, les institutions publiques, etc. De ce fait, l’entreprise doit coordonner et créer des nouveaux partenariats dans le but de maîtriser les risques. Ainsi, l’entreprise est censée abandonner sa stratégie de management du risque au profit d’une démarche plus globale de gouvernance du risque. Figure 11. Approche méthodologique

Source : Auteur

-Les rendements croissants d’adoption

-Les paradigmes technologiques

Verrouillage technologique et verrouillage au carbone

Risques et barrières

Approche pluridisciplinaire

Approche de gestion du risque

La méthode AGR

Rendement Risque

Gouvernance du risque

Investissement dans le secteur des ER

Transition vers les ER

Développement

durable Relance verte

Les approches de la transition vers les ER

-Les effets d’apprentissage -Les mesures réglementaires -Les instruments économiques -Les mécanismes institutionnels -La participation du public

Politique énergétique -Mécanismes financiers innovants

-Partenariat public privé -Approche participative -Investissement citoyen

Dépendance au chemin parcouru

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Conclusion

Dans ce chapitre, nous avons traité la définition du risque qui est un concept polymorphe. Nous avons fait la différence entre le risque et l’incertitude, tout en mettant l’accent sur la décision en présence d’incertitude dans les sciences économiques. La typologie des risques a été expliquée, en faisant la différence entre les risques purs et les risques spéculatifs ainsi que les risques fonctionnels et les risques intrinsèques. Nous avons aussi étudié les concepts de perception et d’attitude du public, des investisseurs et des collectivités locales comme étant des composantes essentielles de toute décision en présence de risque. En effet, le comportement de tout individu face au risque est déterminé sous l’influence de plusieurs facteurs, notamment les besoins, les motivations, la perception et l’attitude. Ensuite, nous avons étudié le traitement des choix sous incertitude par les différentes théories, à partir des travaux de Bernouilli en 1700, jusqu’à l’apport de la théorie « des mécanismes d’incitations ».

Ensuite, nous avons expliqué l’approche du management des risques, en mettant l’accent sur son historique et son processus. En effet, à partir de la deuxième guerre mondiale, l’apparition de nouveaux systèmes techniques complexes et à haut risque, notamment dans les domaines de l’aéronautique, l’armement et le nucléaire ainsi que l’apparition de nouveaux risques peu connus et donc difficiles à gérer ont rendu nécessaire le développement des méthodes de management des risques.

L’objectif du management des risques n’est pas d’éviter toute prise de risque, mais plutôt de déterminer quels sont les risques qu’on doit prendre. La fonction management des risques a changé beaucoup, depuis la vision de Fayol (1916) jusqu’à nos jours, vu le changement dans les organisations, la multiplicité des parties prenantes et surtout le changement de la nature des risques connus et l’apparition de nouveaux risques.

De nos jours, le management du risque est une approche connue et qui fait même l’objet d’une norme qui est la norme ISO 31000. En effet, cette norme présente d’une manière détaillée trois points essentiels qui sont : les principes du management du risque, son cadre organisationnel et le processus du management du risque.

Dans la seconde section, nous avons traité les possibilités et les avantages du recours à l’approche du management des risques pour traiter et analyser les risques qui ralentissent le processus de passage vers une économie sobre en carbone. Nous avons détaillé les

147 principales méthodes d’analyses des risques, notamment les plus utilisées qui sont : l’arbre des causes, l’arbre des défaillances, l’AMDEC, l’HACCP, l’HAZOP et l’APR.

Nous avons présenté les limites de ces méthodes afin d’expliquer le choix de la méthode AGR qui est une extension de la méthode APR. En effet, nous remarquons que les études faites par les ingénieurs ont étudié les risques industriels alors que les économistes ont traité les risques économiques et financiers, en utilisant surtout la VAN comme indicateur de risque. Cette étude est la première qui englobe tous les risques ainsi que tous les aspects de la transition vers les ER, notamment les aspects de type institutionnel, politique, social, etc.

Dans la suite de ce travail, nous allons étudier tous les aspects et les barrières à la transition vers les ER en Tunisie, en étudiant le cas d’un projet CSP et en appliquant l’approche du management des risques et la méthode AGR.

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PARTIE 2. LA TRANSITION VERS LES

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