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renouvelables : avantages et opportunités

Section 1. Approches basées sur l’analyse de diffusion des nouvelles technologies

1.3. Les limites de l’approche de la courbe d’expérience

Tout d’abord, nous allons mettre l’accent sur les principales limites et critiques adressées à cette approche pour passer, ensuite, aux manières de les dépasser. Selon certains experts, l'analyse basée sur les courbes d'expérience aura plus de sens si chaque source de réduction des coûts est identifiée et analysée séparément (Hall et Howell, 1985 ; Nemet, 2006). En effet, dans la plupart des cas, les forces motrices de réduction des coûts ne sont pas identifiées clairement et l'utilisation du concept de la courbe d'expérience est basée sur une approche agrégée de l'analyse des réductions de coûts.

57 Une autre critique a été adressée par Neij (2008) qui considère que les courbes d'expérience sont utilisées, souvent, pour prévoir l’évolution des coûts à long terme, par exemple 50 ans. Toutefois, cela n’est pas approprié puisque la courbe d'expérience est un outil d'analyse de tendance et ne convient que pour l'analyse des technologies existantes et des prévisions à moyen terme. Cela signifie que l'utilisation des courbes d'expérience et des outils d'analyse des tendances similaires n’est possible que dans des conditions de faible incertitude et pour des séries d’innovations progressives.

Söderholm et Sundqvist (2007) ont procédé à une critique concernant le choix de la modélisation et des estimations dans les analyses de courbes d’apprentissage. Ainsi, ils identifient et analysent un certain nombre de problèmes théoriques et économétriques liés aux estimations des courbes d’apprentissage. Afin d’illustrer l’importance des problèmes cités, les auteurs comparent les résultats de différentes spécifications de modèles en utilisant le même ensemble de données de panel concernant les coûts d’investissement dans l’énergie éolienne, dans 4 pays européens durant la période 1986-2000. Les résultats de cette comparaison montrent que les estimations des taux d’apprentissage varient largement selon les spécifications des modèles et les approches économétriques utilisées.

Dans ce qui suit, nous allons mettre l’accent sur les critiques adressées par Söderholm et Sundqvist (2007) aux études existantes qui estiment les courbes d’apprentissage en utilisant des techniques économétriques. Ces critiques sont les suivantes :

- Les auteurs choisissent, en général, la capacité cumulée comme un indicateur de l’apprentissage par la pratique, mais ce choix pose des problèmes. En effet, cette variable se caractérise par une forte tendance à la hausse au fil du temps. A ce stade une question se pose : est ce que la capacité cumulée reflète l’impact spécifique des activités d’apprentissage par la pratique ou reflète-elle plutôt un progrès technique général exogène ? La même remarque est faite aussi pour les variables utilisées comme indicateurs de l’apprentissage par la recherche. Söderholm et Sundqvist (2007) proposent comme solution à cette ambiguïté l’inclusion d’une tendance temporelle dans le modèle.

- Concernant l’apprentissage par la recherche et vu l’indisponibilité des données, les études existantes intègrent seulement la R&D publique. La prise en compte de la R&D privée est un important défi à relever dans des études futures, surtout que dans le domaine des ER les activités de R&D faites par les entreprises privées sont énormes.

58 Cependant, la prise en compte de la R&D publique et privée peut aboutir à un problème de double comptage (double counting), vu que dans plusieurs pays un soutien public à la R&D est utilisé pour promouvoir des entreprises privées et faire des projets de démonstration.

- L’importance du recours à des analyses de sensibilité en considérant, par exemple l’impact de la suppression de certaines observations de l’échantillon ou bien l’essai de différentes définitions des variables.

- En général, les modèles de courbe d’apprentissage n’intègrent pas le changement de la politique du gouvernement durant la période considérée. Cependant, le changement de la politique de soutien adoptée par le gouvernement pour accélérer la diffusion des ER peut aussi affecter les activités d’apprentissage. Ceci est en harmonie avec les critiques de Lucas (1976). En effet, il critique le fait d’utiliser un modèle économétrique approprié pour une période de temps afin de prédire ce qui va se passer dans le futur en dépit de l’existence de politiques différentes.

Plusieurs études récentes ont essayé de prendre en considération la plupart des critiques avancées dans les travaux de Nemet (2006), Söderholm et Sundqvist (2007) et Nordhaus (2009). On peut citer, dans ce cadre, l’étude faite par Neij (2008) qui propose d’utiliser la courbe d’expérience avec d’autres méthodes. En effet, la seule façon d'améliorer l'utilisation des courbes d'expérience serait de les combiner avec des méthodes de prévision des coûts. Cet article présente un cadre analytique pour l'analyse du développement des coûts futurs des nouvelles technologies d’énergie pour la production de l'électricité. Le cadre d'analyse est basé sur une évaluation des courbes d'expérience disponibles, complétée par une analyse bottom-up des sources de réductions des coûts et, pour certaines technologies, des évaluations d'experts concernant les voies de développement à long terme.

Une autre étude plus récente est faite par Lindman et Söderholm (2012). Cette étude a deux principaux objectifs. Le premier consiste à fournir une revue des spécifications des modèles de courbes d’apprentissage. Le second objectif est d’effectuer une méta-analyse des taux d'apprentissage d'énergie éolienne. Cela permet de faire une évaluation d'un certain nombre de spécifications et de données importantes qui pourraient avoir une influence sur ces taux d'apprentissage. L'analyse économétrique repose sur 113 estimations du taux d'apprentissage par la pratique présentées dans 35 études. La méta-analyse indique que le choix du domaine géographique de l'apprentissage, et donc la présence supposée de

59 retombées d'apprentissage, est un déterminant important des taux d'apprentissage d'énergie éolienne. Lindman et Söderholm (2012) ont constaté également que l'utilisation des extensions de modèles de la courbe d'apprentissage, par exemple l'intégration des effets de R&D publique, semble conduire à des taux d'apprentissage plus faibles que ceux générés par les modèles de courbe d’apprentissage à facteur unique. Globalement, les résultats empiriques suggèrent que les études futures devraient accorder une attention accrue à la question des retombées de l'apprentissage et de la connaissance dans le domaine des ER ainsi qu’à l'interaction entre l'apprentissage de la technologie et les efforts de R&D.

Bolinger et Wiser (2012) ont étudié l’évolution des prix des turbines aux États-Unis entre 1997 et 2010. Les auteurs partent du constat suivant : le prix moyen des turbines a passé d’à peu près 1600 dollars par KW en 1997 à un prix moyen aux alentours de 750 dollars par KW, durant la période 2000-2002. Mais à partir de 2002, les prix moyens des turbines ont commencé à croître jusqu’à atteindre un pic de 1500 dollars par KW en 2008 qui est la date à partir de laquelle les prix ont commencé de nouveau leur déclin.

En utilisant une analyse bottom-up, les auteurs ont analysé 7 inducteurs des prix (price drivers) des turbines aux États-Unis, afin d’essayer d’estimer le degré avec lequel chaque inducteur a contribué au doublement des prix des turbines de 2002 jusqu’à 2008 ainsi que le déclin jusqu’à 2010. Les 4 premiers inducteurs de prix étudiés sont considérés comme des facteurs avec une influence endogène puisqu’ils sont en grande partie sous le contrôle de l’industrie éolienne. Ces inducteurs de prix incluent les changements dans les coûts du travail, les clauses de garantie, les marges de profit des fabricants des turbines et la taille des turbines. Les trois autres inducteurs de prix peuvent être considérés comme étant des facteurs exogènes puisqu’ils ne sont pas sous le contrôle de l’industrie éolienne. Ces inducteurs sont les suivants : les prix des matières premières, le prix de l’énergie et le taux de change.

En terme agrégé, les facteurs cités ci-dessus ont expliqué presque 600 dollars par KW de l’augmentation totale d’à peu près 750 dollars par KW dans les prix moyens des turbines, durant 2002-2008, et presque 90 dollars par KW de la décroissance d’à peu près 195 dollars par KW en 2009 et 2010. Selon cette analyse il n’y a pas un seul facteur dominant qui a conduit aux changements dans les prix. Par ailleurs, il y a des facteurs qui ont des influences plus importantes que les autres tels que la taille des turbines et les variations des taux de change. Les prix des matériaux et le coût du travail ont aussi un impact assez important.

60 Qiu et Anadon (2012) ont utilisé le modèle de la courbe d'apprentissage afin d’estimer l'apprentissage dû à la fois à l'apprentissage par la pratique et à l'apprentissage par la recherche. Il s’agit de la première étude qui décrit l'évolution du prix de l'énergie éolienne, en Chine, et qui fournit des estimations sur l’influence de plusieurs facteurs sur le prix de l'énergie éolienne. Les facteurs étudiés sont les suivants : l'adoption de la technologie, l'expérience dans la construction des projets éoliens, la localisation de la fabrication des turbines et les économies d'échelle des parcs éoliens. Le modèle de la courbe d'apprentissage présenté comprend plusieurs variables importantes de contrôle, à savoir les indicateurs des ressources éoliennes et le prix de l'acier. Les résultats indiquent que l'apprentissage dû à l'adoption de la technologie et l'apprentissage par la pratique grâce à une capacité installée cumulée, la localisation de la fabrication des turbines et les économies d'échelle des parcs éoliens comprennent les trois facteurs les plus importants associés à une réduction du prix de l'énergie éolienne, en Chine, au cours de la période considérée. Les deux types d'apprentissage étudiés sont associés à 4,1% et 4,3% de réduction de prix suite à chaque doublement de la capacité installée. Ce modèle indique également que la grande part de l’apprentissage sur l'installation et l'exploitation des parcs éoliens est commune à l'ensemble de l'industrie (par exemple, ils ont trouvé peu de preuves pour l'apprentissage intra-entreprise).

Partridge (2013) a estimé le taux du déclin des coûts de production des ER dû à l’effet d’apprentissage. Son étude concerne l’énergie éolienne et les petites centrales hydroélectriques en Inde. Le modèle utilisé est la courbe d’expérience à facteur unique (Single Factor Experience Curve : SFEC) dans lequel le coût est relié seulement à la capacité installée cumulée. Les résultats trouvés montrent que le coût de production de l'énergie éolienne a diminué de 17,7% pour chaque doublement de la capacité installée cumulée de production d'énergie éolienne. Concernant les petites centrales hydrauliques, il n'y a pas d'effet significatif d’apprentissage. Ensuite, les estimations ont été utilisées afin de faire des projections des coûts de production des ER, en Inde à l’horizon 2020. Ainsi, pour l’énergie éolienne, en se basant sur l’objectif fixé d’atteinte de 30 000 MW en 2020, la diminution prévue du coût de production entre 2012 et 2020 sera de 15,4%. Partridge (2013) a pris en considération les faiblesses de cette approche telles que citées dans les travaux de Söderholm et Sundqvist (2007) ainsi que Nordhaus (2009) afin d’améliorer les projections des coûts. Pour ces raisons il a ajouté une tendance temporelle dans le modèle.

61 MacGillivray et al. (2014) ont utilisé la courbe d’apprentissage améliorée par une analyse de sensibilité. Cette étude met en évidence la sensibilité de l'énergie marine à trois paramètres clés : le coût en capital des premiers dispositifs, le niveau de déploiement avant que la réduction soutenue des coûts émerge et le taux moyen de la réduction des coûts dû au déploiement (taux d'apprentissage). En considérant les coûts actuels et prévus de l'éolien offshore comme une référence, les auteurs essaient de montrer les défis de la commercialisation de l'énergie marine tels que l’apprentissage par l’investissement, les incertitudes et les sensibilités mises en jeu et les priorités de la stratégie d'innovation de l'énergie marine.

Bien que les études récentes aient pris en considération la plupart des critiques adressées à l’approche de la courbe d’expérience, ils restent encore plusieurs défis à relever dans l’utilisation de cette approche tels que la prise en compte de la R&D privée et les changements de politique de soutien des ER adoptée par le gouvernement.

Malgré tous les défis et les ambiguïtés qui accompagnent l’utilisation des courbes d’expériences dans le domaine de la transition vers les ER, elles nous permettent, néanmoins, de dégager les constatations suivantes :

Les courbes d'expérience illustrent clairement la nécessité d'un marché initial afin de réduire les coûts. Ce marché fournit des occasions d'apprentissage (par la pratique, par la R&D, par l’amélioration des interactions de réseau, par la standardisation de la technologie, etc.) qui permettent la réduction des coûts. Ces marchés pourraient être développés par les adoptants précoces “early adopters”, les marchés de niche ou les mesures de politiques gouvernementales qui appuient l'expansion du marché. Au fil du temps, les technologies d’ER avec un coût initial élevé peuvent être compétitives avec les technologies d’énergies fossiles déjà établies. Ainsi, les effets d’apprentissage et d’expérience diminuent les coûts et accélèrent le processus de diffusion des ER.

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