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renouvelables : avantages et opportunités

Section 2. Approches basées sur les analyses économiques et sociales

2. Approche basée sur l’économie institutionnelle

La nouvelle économie institutionnelle (NEI) a connu un essor important, depuis les années 1970. Parmi ses pionniers, on peut citer Coase, Langlois, North, Williamson, etc. Ce courant des sciences économiques a un caractère interdisciplinaire puisqu’il intègre des apports d’autres théories, notamment celles de type culturel et politique. Selon la NEI, les institutions économiques, politiques, sociales ou légales sont responsables de la prospérité

81 ou du déclin d’une économie. En effet, la nature des institutions dans une économie influence les coûts des transactions et le développement économique du pays.

Les travaux de North (1990 ; 1994) montrent clairement le rôle primordial des institutions dans le développement économique et social des nations. Ainsi, la réussite de toute trajectoire économique nécessite une analyse institutionnelle approfondie. Selon la Banque Mondiale (World Bank, 2008b), les institutions peuvent créer des incitations à l’investissement et à l’adoption de nouvelles technologies ce qui stimulera la croissance économique. Cependant, elles peuvent aussi décourager de telles activités ce qui amènera à la stagnation de l’économie. Les institutions peuvent donc être source de croissance ou de stagnation. North (1990, p.3) donne la définition suivante pour les institutions : “Institutions are the rules of the game in a society or, more formally, are the humanly

devised constraints that shape human interaction. In consequence, they structure incentives in human exchange, whether political, social, or economic”18.

Les analyses de la NEI se focalisent surtout sur la nature des institutions et sur la structure des règles qui influencent le comportement des agents économiques. En effet, tout pays doit concentrer ses efforts sur la construction d’un système judiciaire et des droits de propriétés efficaces, tout en appliquant les mécanismes nécessaires pour les mettre en œuvre. Ceci va motiver les agents économiques et créer une atmosphère propice à l’investissement et à l’innovation. En effet, il ne suffit pas qu’une nouvelle technologie apparaisse sur le marché pour avoir un surplus de croissance. Il faut qu’il ait des agents économiques suffisamment motivés qui vont transformer ce fait en une opportunité. La motivation des agents économiques dépend de la nature des institutions et de la structure des règles appliquées dans l’économie.

Il est évident que la croissance économique est le résultat de la productivité dans l’économie, mais pour que les agents économiques soient productifs, il faut absolument avoir des droits de propriété bien définis. Il faut aussi avoir un système politique et un système juridique capables de faire respecter l’exécution des contrats à faible coût. En effet, la NEI ne s’intéresse pas seulement aux marchés économiques, mais aussi à la structure politique puisque c’est elle qui assure la mise en œuvre des règles des jeux au niveau économique. Par conséquent, être productif ne suffit pas, il faut aussi avoir un cadre

18 « Les institutions sont les règles du jeu dans une société ou, plus formellement, elles sont les contraintes

humainement conçues qui façonnent l'interaction humaine. En conséquence, elles structurent les incitations dans l’échange humain, qu'il soit politique, sociale ou économique » (trad.Auteur).

82 institutionnel qui favorise et qui permet de profiter de cette productivité. De ce fait, pour réaliser la performance économique, il faut savoir quels types d’institutions il faut mettre en place.

North (1990) a étudié en profondeur la nature et la façon d’évolution des institutions ainsi que leur impact sur la performance de l’économie. Selon North (1990 ; 1991), les institutions sont susceptibles d’introduire de l’ordre et de réduire l’incertitude et elles sont composées de règles formelles, de contraintes informelles et la manière de les faire appliquer. Les règles formelles sont composées de constitution, de réglementations, de lois et de droits de propriété qui sont mis en œuvre par le gouvernement. Les contraintes informelles sont composées de normes de comportement, de conventions et de codes de conduite issus de la tradition et de la culture.

Les institutions dans une société représentent un ensemble complexe qui peut être décomposé en trois principales structures : la structure politique dans laquelle s’effectue la prise de décision, la structure des droits de propriété qui fixe les incitations et la structure sociale qui comprend les normes et les conventions (North, 2005). De ce fait, les choix des agents économiques sont affectés par les institutions qui définissent les structures d’incitations et d’opportunités des différents acteurs économiques (North, 1991).

En plus du concept des institutions, ce courant de pensée met l’accent sur le concept de « la dépendance au sentier » ou « la dépendance du chemin parcouru » (path

dependency) qui est considéré comme très important par North (1990). En effet, la

dépendance au sentier représente l’héritage culturel du passé. Ainsi, il faut tenir compte de la dépendance du chemin parcouru, si on veut faire une réforme institutionnelle. Par conséquent, il faut comprendre, tout d’abord, la culture, la croyance et les institutions déjà existantes. Ceci va permettre d’évaluer la marge de manœuvre et les institutions qu’il faut améliorer ce qui facilite le changement des règles du jeu du système déjà existant.

2.1. L’application de l’approche de l’économie institutionnelle dans

l’analyse de la transition vers les énergies renouvelables

L’approche institutionnelle de la transition énergétique vise l’analyse de la structure institutionnelle qui est la plus convenable pour une convergence rapide vers un système énergétique plus soutenable. Elle s’appuie sur le rôle des différents acteurs (les autorités publiques, les consommateurs, les producteurs, etc.) et des différentes institutions dans le processus de la transition vers les ER.

83 Plusieurs études se sont intéressées à l’importance des institutions dans la promotion des ER. On peut citer, par exemple celle élaborée par Breukers et Wolsink (2007) qui traite un concept très important qui est « le renforcement de capacité institutionnelle » (Institutional capacity building) dans trois cas d’études (l’Allemagne, le Pays-Bas et l’Angleterre). Breukers et Wolsink (2007, p.2737) définissent ce concept comme étant : “the trajectories followed, taking into account the interdependant and changing political,

economic, environmental and planning conditions”19.

Le renforcement de capacité institutionnelle est un outil qui permet de découvrir les relations dynamiques entre le contexte institutionnel, les acteurs et les réalisations faites. En effet, à partir des années 1970, les trois pays européens étudiés ont pratiqué des stratégies pour renforcer le déploiement des ER. Cependant, de nos jours, les trajectoires suivies et les réalisations faites dans ces trois pays s’avèrent trop différentes. Ce papier essaie d’expliquer les différences dans les trajectoires suivies et les réalisations dans ces trois cas, dans le domaine de l’énergie éolienne, d’un point de vue institutionnel.

Breukers et Wolsink (2007) analysent en détails les processus de développement de l’énergie éolienne dans les trois cas afin de mieux comprendre comment l’évolution historique du contexte institutionnel a influencé les réalisations et le développement de l’énergie éolienne. A la base d’enquêtes et d’études, qui s’étendent de 1970 à 2004, les auteurs concluent que les interactions entre plusieurs parties prenantes, dans un contexte institutionnel qui change ont donné résultat à un processus de renforcement de capacité institutionnelle pour l’exécution des projets d’énergie éolienne qui varie d’un pays à un autre. En comparant ces trois cas, les auteurs trouvent que dans le cas de l’Allemagne, il y a eu une relation positive entre le renforcement de capacité institutionnelle et les réalisations dans le secteur de l’énergie éolienne. En effet, dans ce cas, un intérêt particulier a été accordé à la participation à la prise de décision surtout au niveau local. Dans les deux autres cas, un renforcement de capacité institutionnelle limité a été appliqué, dès le début des années 1970, ce qui explique les réalisations faibles dans ces deux pays.

Jacobsson et Johnson (2000) ont montré qu’une diffusion très importante des ER a eu lieu durant les années 1990. Cependant, cette diffusion est très dépendante des interventions de l’État et elle est encore loin d’être auto-entretenue dans la plupart des pays. Ce papier propose un cadre analytique afin de mieux comprendre le processus de

19 « Les trajectoires suivies, en tenant compte de l’interdépendance et du changement dans les conditions

84 transition vers les ER et de pouvoir cerner les obstacles vers une véritable transformation. En effet, selon Jacobsson et Johnson (2000, p.626), “the emergence of a new, or

transformed, energy system is a slow, painful and highly uncertain process”20. Ce papier souligne l’importance de certains facteurs tels que le changement institutionnel, les réseaux des différents acteurs et l’existence des « initiateurs » (prime movers) dans le processus de transformation du système énergétique actuel vers un autre qui contient une large part d’ER.

Gutermuth (2000) considère aussi que le cadre légal et institutionnel est d’une grande importance dans la transition vers les ER. En effet, les facteurs juridiques et institutionnels peuvent être des barrières à la transition vers les ER comme ils peuvent être un moyen pour avoir une transition rapide et efficace. L’auteur s’intéresse à cinq facteurs de nature juridique et institutionnelle qui sont appliqués, en Allemagne, et essaie de les expliquer tout en mettant l’accent sur leurs impacts d’une manière générale. Parmi ces facteurs, on peut citer : la modification de la loi sur l'industrie de l'énergie et des lois antitrust, la création d'agences locales et régionales de l'énergie et d'un centre fédéral pour les informations liées à l'énergie, etc.

En ce qui concerne García (2013), il a essayé de collecter les différents mécanismes institutionnels utilisés pour accélérer la promotion des ER à partir du rapport (IEA, 2008) et de différentes autres études. Ces prescriptions collectées ont été appelées « les meilleures pratiques » et elles ont été comparées à celles appliquées, en Chine, pour voir les points faibles du cadre institutionnel en Chine dans le secteur des ER. Parmi les divergences de la politique chinoise par rapport aux « meilleures pratiques », l’auteur a cité : l’absence de cibles, le manque de stabilité et de transparence des instruments utilisés, la coordination faible, la bureaucratie, la concurrence limitée et l’absence d’incitation à l’innovation.

Une étude récente élaborée par Cifor et al. (2015) a été consacrée à l’analyse de l'état actuel du système de l'électricité dans l'ouest des États-Unis, avec un accent sur le paysage juridique et réglementaire qui est en pleine évolution. Ils ont mis l’accent sur les exigences supplémentaires attendus dans le système électrique qui se prépare pour une part élevée de l’électricité d’origine renouvelable, dans les années à venir. Ils ont abordé les obstacles, principalement institutionnels et culturels, à l'élaboration de solutions pour répondre à ces

20 « L’émergence d’un système énergétique nouveau ou transformé est un processus lent, difficile et très

85 nouveaux besoins. Enfin, Ils ont décrit un certain nombre de solutions possibles, basées à la fois sur le marché et hors marché.

2.2. Limites de l’approche de l’économie institutionnelle

Il existe un cadre institutionnel spécifique à chaque pays donc il n’y a pas un modèle à suivre par tous les pays. Néanmoins, il existe des bonnes pratiques et des grandes lignes qui ont prouvé leur efficacité et qui peuvent être appliquées dans les PED. Afin de déterminer le meilleur cadre institutionnel à mettre en œuvre, la plupart des études existantes ont fait recours à des analyses et à des avis des experts et elles ont négligé l’avis des investisseurs potentiels. En outre, le concept de « dépendance du chemin parcouru » n’a pas suscité l’intérêt mérité. Enfin, la littérature existante n’a pas mis l’accent sur l’acceptation du public et sa perception des différents changements institutionnels mis en œuvre. Malgré ces limites, cette approche nous permet d’avoir les constatations suivantes :

Le cadre légal et institutionnel est d’une grande importance dans la transition vers les ER. En effet, le changement institutionnel et les réseaux des différents acteurs sont très importants dans le processus de transformation du système énergétique actuel vers un autre qui contient une large part d’ER. Les institutions servent à motiver les agents économiques et à orienter leurs choix vers les technologies d’ER. Cependant, il faut tenir compte de la dépendance du chemin parcouru si on veut faire une réforme institutionnelle. Ce qui fait, qu’il faut comprendre, tout d’abord, la culture, la croyance et les institutions déjà existantes pour arriver, par la suite, à évaluer la marge de manœuvre et les institutions qu’il faut améliorer.

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