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Les risques professionnels générés

dans les missions de contrôle des représentants élus du personnel

A. Les risques professionnels générés

par les formes complexes d’organisation du travail

169. Le prêt de main-d’œuvre et la sous-traitance, impliquant la coactivité des travailleurs, sont visés par le droit de la santé au travail pour leurs effets sur les risques professionnels, soit qu’ils les aggravent, soit qu’ils en créent de nouveaux.

170. L’interdiction du recours aux travailleurs temporaires pour les travaux particulièrement dangereux. Le code du travail interdit le recours aux travailleurs temporaires 519 et aux travailleurs ayant conclu un contrat à durée déterminée pour l’exécution de certains travaux « particulièrement dangereux » 520. Ces travaux incluent exclusivement ceux qui sont susceptibles d’exposer à une liste limitative d’agents chimiques dangereux ou aux rayonnements ionisants 521. Cette interdiction pèse sur l’entreprise utilisatrice. C’est elle qui est responsable et qui peut être sanctionnée pénalement 522

et civilement 523 en cas de manquement. La chambre sociale de la Cour de cassation semble retenir une appréciation relativement large de l’affectation à des travaux interdits. La seule autorisation de présence dans une zone de travaux interdits constitue un manquement à l’obligation de sécurité, peu importe l’exécution effective de tâches dans ce périmètre par le travailleur 524.

Cette protection supplémentaire relative travaux dangereux est fondée sur les liens particuliers qui unissent l’entreprise utilisatrice et les travailleurs temporaires. N’ayant pas vocation à s’inscrire durablement dans l’entreprise ces derniers sont souvent moins formés à la sécurité et font l’objet d’un suivi médical par les services de santé au travail plus épisodique. Cette « coexistence tempo-raire » 525 entre l’entreprise utilisatrice et ces travailleurs les rend donc plus vulnérables face aux

519. Cette catégorie soulève quelques difficultés quant à sa délimitation. Au sens strict, les travailleurs temporaires sont les travailleurs soumis au régime des articles L. 1251-1 et suivants du code du travail, ce qui exclut d’autres formes de prêt de main-d’œuvre où les travailleurs sont également mis à disposition temporairement (portage salarial, travail à temps partagé…). La directive communautaire du 25 juin 1991 relative l’amélioration de la sécurité et de la santé au travail des travailleurs ayant une relation de travail à durée déterminée ou une relation de travail intérimaire, vise, elle, toutes les formes de mise à disposition (Art. 1, 2) Directive 91/383/CEE du Conseil, du 25 juin 1991 ; JOCE L 206/19 du 29 juillet 1991). Sur la catégorire de travailleur temporaire, cf. infra, n° 853, p. 453.

520. Art. L. 1251-10 c. trav. parmi les dispositions relatives au travail temporaire, interdiction reprise L. 4154-1 c. trav. 521. Art. D. 4154-1 c. trav. L’interdiction est toutefois susceptible de dérogations accordées par les DIRECCTE : Art. D. 4154-3 c. trav.

522. Art. L. 1255-6 c. trav. Est mentionnée la méconnaissance des dispositions de l’article L. 1251-10 c. trav. par « l’utilisateur ».

523. Cass. Soc., 23 octobre 2013, no 12-20.760 ; inédit ; Cass. Soc., 30 novembre 2010, no 08-70.390, Sociétés Adecco et Barreaut Lafon ; Bull. civ., V, no270 ; RJS, 2011/2, p. 169 ; JCP S, 2011, 1183, note Françoise Bousez ; JCP G, 2010, 1278, obs. Nathalie Dedessus-Le-Moustier ; JSL, 2011, 292, note Marie Hautefort ; Cah. Soc., 2011, 226, p. 27, obs. Frédérice-Jérôme Pansier. « Qu’en statuant ainsi, sans constater que l’entreprise utilisatrice avait obtenu la dérogation exceptionnelle nécessaire avant le commencement des travaux de soudure confiés à M. X…, la cour d’appel a violé les textes susvisés ». Art. L. 1255-6 c. trav.

524. Cass. Soc., 23 octobre 2013, no 12-20.760 ; inédit. 525. S. Abellard et P.-Y. Verkindt, préc., p. 492.

risques chimiques et radiologiques 526. Ces dispositions du code du travail tiennent ainsi compte de l’aggravation des risques professionnels due à certaines modalités d’insertion des travailleurs, non pas sur le marché de l’emploi, mais dans l’organisation du travail décidée par l’entreprise utilisatrice. À travers ces dispositions, l’organisation du travail apparaît comme la pluralité des tâches ou des travaux auxquels sont affectés les travailleurs, non seulement d’une même entreprise, mais encore des travailleurs mis à disposition.

Une autre forme d’externalisation de la main-d’œuvre est également prise en compte au regard de ses effets sur la santé et la sécurité des travailleurs.

171. Les obligations de coordination en matière de sous-traitance impliquant la coactivité des travailleurs. La sous-traitance impliquant la coactivité des travailleurs désigne la situation où plusieurs travailleurs d’un sous-traitant exercent leur activité dans un même lieu et au même moment, avec les travailleurs d’un autre sous-traitant ou les travailleurs du donneur d’ordre 527. Cette situation fait l’objet de dispositions particulières dans la quatrième partie du code du travail.

Le code du travail prévoit des obligations générales de coopération des mesures de préven-tion entre les entreprises qui travaillent sur un même lieu et concourent à un même objectif 528. L’obligation visait à l’origine les seuls travaux 529. Sous l’effet de la directive-cadre du 12 juin 1989 530, et de la loi de transposition du 31 décembre 1991 531, l’obligation de coordination s’est étendue à l’ensemble des opérations, quelle qu’en soit la nature. Elle inclut donc la sous-traitance des services 532.

La coordination des chefs d’entreprise n’a pas d’incidence sur leurs obligations respec-tives à l’égard de leurs travailleurs. Elle suppose des obligations supplémentaires, et notamment le partage d’informations détaillées 533, la détermination de consignes de sécurité communes 534,

526. Sur la vulnérabilité des travailleurs temporaires et les mesures de prévention qui y sont associées, cf. infra, 7, n° 850, p. 452 et s.

527. Sur l’unité de lieu de travail en matière de sous-traitance : G. Bargain, op. cit., spé. p. 62-65. 528. Art. L. 4121-5 c. trav.

529. Décret no 77-1321 du 29 novembre 1977 fixant les prescriptions particulières d’hygiène et de sécurité applicables aux travaux effectués dans un établissement par une entreprise extérieure, étendu aux travaux agricoles par le décret no 82-150 du 10 février 1982. Sont visés les « travaux de toute nature », et « notamment des travaux de montage, d’en-tretien, de manutention, de conduite, de vérification, de réparation de matériels, machines ou installations quelconques, de transport de matériaux ou machines, y compris les travaux relatifs à la construction et à la réparation navales, ou tous travaux portant sur des immeubles par nature ou par destination ».

530. Article 6.4, Directive 89/391/CEE du Conseil du 12 juin 1989 concernant la mise en œuvre de mesures visant à promouvoir l’amélioration de la sécurité et de la santé des travailleurs au travail ; JOCE no L 183 du 29 juin 1989 531. Loi no 91-1414 du 31 décembre 1991 modifiant le code du travail et le code de la santé publique en vue de favo-riser la prévention des risques professionnels et portant transposition de directives européennes relatives à la santé et à la sécurité du travail ; JORF du 7 janvier 1992, p. 319.

532. Décret n. 92-158 du 20 février 1992. Circulaire no 93-14 du 18 mars 1993 prise pour son application (BOMT no 93-10, p. 73 s.). Dominique Fabre, « Les prescriptions particulières d’hygiène et de sécurité applicables aux travaux exécutés dans un établissement par une entreprise extérieure », JCP E, 1992, 169. Ces dispositions sont désormais codifiées aux articles art. R. 4511-4 c. trav.

533. Art. R. 4512-5 c. trav. 534. Art. R. 4512-4 c. trav.

des inspections de sécurité 535, la définition d’un plan de prévention 536. La coordination des chefs d’entreprise implique également celle des services de santé au travail 537 et des comités sociaux et économiques 538.

À ces obligations de coordination visant les opérations de toute nature, s’ajoutent certaines obligations spéciales liées à la sous-traitance dans les chantiers du bâtiment ou du génie civil 539, les installations nucléaires ou les installations pouvant donner lieu à des servitudes d’utilité publique 540, et désormais au travail en milieu hyperbare 541. Ces différentes dispositions spéciales ajoutent quelques obligations qui renforcent le cadre de la coordination 542. Ainsi, un coordinateur de sécurité doit être nommé 543, et doit être mis en place un comité interentreprises de santé et de sécurité 544. Ces dispositions visent non seulement les travailleurs salariés des différentes entreprises, mais également les travailleurs indépendants 545.

La coordination en matière de santé et de sécurité a pour objectif de « prévenir les risques liés à l’interférence entre les activités, les installations et matériels des différentes entreprises présentes sur un même lieu de travail » 546 ou de « prévenir les risques résultant de leurs interventions simul-tanées ou successives » 547. Ces travailleurs participent à des processus de travail communs, ou, à tout le moins, conjoints, sans qu’un unique employeur n’en ait la maîtrise, générant ainsi des risques supplémentaires. La considération pour les situations de sous-traitance impliquant coactivité des travailleurs est liée aux risques particuliers créés par ces modalités d’exécution du travail dont la détermination et la maîtrise sont partagées entre plusieurs employeurs.

Ces dispositions relatives aux risques créés par la sous-traitance impliquant coactivité, révèlent l’organisation du travail par-delà les liens contractuels et le pouvoir des différents employeurs sur leurs travailleurs. Elle se dessine comme un travail collectif, caractérisé par la participation à une même production de biens ou de services, impliquant la présence aux mêmes temps et lieux de travail, et l’usage de matériel ou d’installations communes.

172. Le prêt de main-d’œuvre et la sous-traitance ont, à l’égard de la santé et de la sécurité des travailleurs, des effets négatifs. Ces modalités de recours à la main-d’œuvre extérieure constituent

535. Art. R. 4512-2 c. trav. et s. 536. Art. R. 4512-6 c. trav. et s. 537. Art. R. 4513-9 c. trav. et s.

538. Art. R. 4514-1 c. trav. Au-delà de la coordination des comités de l’entreprise utilisatrice et des comités des sous-trai-tants, le code du travail prévoit deux autres modalités, plus poussées d’intégration des représentants du personnel : un accord collectif d’entreprise peut prévoir la mise en place d’un CSE interentreprises (art. L. 2313-9 c. trav.).

539. Art. L. 4531-3 c. trav ; art. L. 4532-2 c. trav.

540. Art. L.4522-1 c. trav. Sur ces installations, cf. supra, n° 106, p. 73.

541. Art. R. 4461-11, créé par Décret no 2011-45 du 11 janvier 2011 relatif à la protection des travailleurs intervenant en milieu hyperbare.

542. En ce sens : S. Abellard et P.-Y. Verkindt, préc., p. 507 et s. 543. Art. R. 4532-4 c. trav.

544. Henri Peschaud, « La mise en place du CHSCT et du CISSCT », Droit ouvrier, 2001, p. 317 ; Bernard Teyssié, « Le collège interentreprises de sécurité, de santé et des conditions de travail », JCP S, 2015, 1022.

545. Art. L. 4532-2 c. trav. 546. Art. R. 4511-7 c. trav. 547. Art. L. 4532-2 c. trav.

des « facteurs organisationnels » 548 de risques professionnels par les formes particulières d’activité de travail et d’exercice du pouvoir qu’elles impliquent. Les dispositions du code du travail qui les prennent en compte permettent de saisir quelques traits de l’organisation du travail. Elle comprend les modalités concrètes d’exécution du travail au sein d’un collectif et la diversité des tâches, des travaux, et du matériel utilisé, mais aussi les influences réciproques que peut créer la pluralité d’ac-tivités de travail qui ne sont pas toutes soumises à la même direction.

Cette attention prêtée, pour la prévention des risques professionnels, aux organisations du travail dans leur diversité, c’est-à-dire en tenant compte autant des formes d’activités de travail que d’exercice du pouvoir dans l’entreprise, trouve une place renouvelée dans la figure du travailleur placé sous l’autorité qui ouvre la quatrième partie du code du travail.

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