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Les classifications des maladies laborieuses en droit de la sécurité sociale 267. L’élaboration des tableaux de maladies professionnelles en droit de la sécurité sociale a

Les classifications des risques professionnels

SECTION 1 : LES CLASSIFICATIONS DES RISQUES PHYSIQUES SELON LEURS CAUSES

A. Les classifications des maladies laborieuses en droit de la sécurité sociale 267. L’élaboration des tableaux de maladies professionnelles en droit de la sécurité sociale a

progressivement fait place à une prise en compte des tâches habituelles exercées, indépendamment de la profession ou même de la branche industrielle dans laquelle elles s’inscrivent. L’évolution du critère de classement se noue autour des débats ayant abouti à la création du tableau no 57 codifiant les affections périarticulaires (1). Le renouvellement de la conception des maladies laborieuses, modifiant les modalités de description et de classement des maladies, exacerbent les enjeux rédac-tionnels des tableaux (2)

1. L’émergence des maladies laborieuses autour des débats sur la codification des affections périarticulaires

268. Les affections périarticulaires ou troubles musculosquelettiques (TMS) ont été classées dans un tableau de maladie professionnelle en 1972. Depuis 1989, il s’agit des pathologies profession-nelles les plus reconnues et prises en charge 809. L’adoption de ce tableau marque l’émergence d’un nouveau critère de classement des maladies en droit de la sécurité sociale : les tâches habituelles. 269. La longue invisibilité des TMS. L’attention portée aux seuls taux de reconnaissance en maladie professionnelle pourrait laisser croire que les affections périarticulaires sont un mal récent. Pourtant, les troubles liés à certaines postures ou à la répétition de certains gestes, sont connus depuis longtemps 810. Dès l’Entre-deux-guerres, la Commission d’hygiène industrielle attachée au ministère du Travail s’interroge sur la possible reconnaissance de l’origine professionnelle de ces affections.

Ces débats tournent court 811 devant les incertitudes scientifiques sur l’étiologie des affec-tions périarticulaires. L’usage de cet argument scientifique pour l’élaboration d’une classification juridique est révélateur des difficultés à codifier ces pathologies des maladies de la profession. Sauf certaines affections identifiées comme la « crampe des écrivains » ou la « crampe des télégraphes », les troubles musculosquelettiques sont bien plus attachés à des types de tâches qu’à des métiers. L’hygroma du genou, par exemple, survient en cas de sollicitation intensive de l’articulation par une position accroupie prolongée ou un appui prolongé sur le genou. L’affection est susceptible

809. En 2015, 79 % des maladies professionnelles prises en charge sont des affections péri-articulaires. La sous-déclara-tion des TMS est particulièrement importante : J.-P. Bonin, préc. Voir également : Nicolas Hatzfeld, « Les malades du travail face au déni administratif : la longue bataille des affections périarticulaires (1919-1972) », Revue d’histoire moderne & contemporaine, no 56-1, 2009, p. 177 ; Nicolas Hatzfeld, « Affections périarticulaires : une longue marche vers la reconnaissance (1919-1991) », RFAS, 2008, p. 141.

810. Ramazzini fait déjà état de la « crampe des écrivains » : B. Ramazzini, op. cit. La crampe des télégraphistes est

documentée au Royaume-Uni au début du xxe siècle. N. Hatzfeld, « Les malades du travail face au déni

adminis-tratif… », préc.

de toucher quantité de professions allant des femmes de ménages aux ouvrières de l’industrie pharmaceutique 812.

L’évolution des connaissances médicales, associées au développement de l’ergonomie dans la seconde moitié du xxe siècle, permet une meilleure connaissance des facteurs d’apparition des affections périarticulaires liées à certaines tâches. Cependant, c’est l’attention portée aux conditions de travail et à l’organisation du travail par les luttes de l’après Mai 68 qui ont finalement abouti à la codification du premier tableau relatif aux affections périarticulaires 813.

270. Le tableau no 57 relatif aux affections périarticulaires et les maladies du travail. Le tableau no57 introduit en 1972 pour le seul hygroma du genou a été successivement modifié et étendu. L’évolution est de taille : elle marque la prise en compte d’affections du travail. Le critère de classement n’est pas celui d’une profession mais bien du type de tâches habituellement et répéti-tivement effectuées par le travailleur, lié à l’usage d’industrieux des corps 814. Si en 1972, le tableau no57 fait encore référence aux « travaux exécutés habituellement en position agenouillée dans les professions du BTP et des mines » dans une volonté de limiter le champ de la reconnaissance, la référence aux professions disparaît dans les réformes ultérieures 815. Ce tableau caractérise ainsi un autre type de classification des maladies, moins liées à leur origine professionnelle, qu’à leur caractère laborieux, et lié à l’identification du « geste pathogène » 816.

271. De prime abord, l’usage du critère des tâches habituellement exercées comme classification juridique des pathologies paraît rendre compte de l’évolution des connaissances scientifiques et des données médicales disponibles. Cependant, la rédaction de ces tableaux et les enjeux qu’ils soulèvent dévoilent des rapports plus complexes entre les classifications juridiques et la référence aux données médicales et ergonomiques.

2. Les enjeux rédactionnels des tableaux relatifs aux maladies laborieuses

272. L’adoption d’un nouveau critère de classification des maladies laborieuses met en lumière les enjeux de structuration et de rédaction des tableaux. L’association affection-profession permet de limiter le champ de la reconnaissance 817. En revanche, l’association affection-tâche est suscep-tible d’ouvrir très largement la reconnaissance de ces pathologies. Si tant est que le principe de l’élaboration de tels tableaux de maladies professionnelles fait l’objet d’un certain consensus social, la partie patronale s’est cependant souvent inquiétée d’une extension de la reconnaissance et de la

812. Ibid. Un inspecteur médical du travail, cité par N. Hatzfeld, explique en 1956 : « Les bursites ou hygromas du genou sont en effet assez fréquents dans un certain nombre de professions mais revêtent plus le caractère de déformations professionnelles ou de maladies du travail que de véritables maladies professionnelles. ».

813. Sur le mouvement pour l’amélioration des conditions de travail, cf. supra, n° 119, p. 83 et s.

814. N. Hatzfeld, « Les malades du travail face au déni administratif… », préc. Sur l’évolution de l’expertise médicale à ce sujet : Nicolas Hatzfeld, « Le geste pathogène ? Une hypothèse de l’expertise médicale au xixe siècle » in Anne-Sophie Bruno, Eric Geerkens, Nicolas Hatzfeld et Catherine Omnès (dir.), La santé au travail, entre savoirs et pouvoirs (xixe-xxe siècles), coll. « Pour une histoire du travail », PUR, Rennes, 2011, p. 65-82.

815. Décret no 82-783 du 15 septembre 1982 ; JORF du 17 septembre 1982. Ces références aux professions disparaissent également progressivement des premiers tableaux, comme ceux relatifs aux intoxications dues au plomb ou au mercure, cf. supra, n° 244, p. 149 et s.

816. N. Hatzfeld, « Le geste pathogène ?… », op. cit.

prise en charge de ces maladies 818. Déjà existants avec les maladies liées aux professions, les enjeux rédactionnels des tableaux se sont amplifiés. Le tableau no57 relatifs aux affections périarticulaires offre encore une fois un bon exemple. La rédaction de ce tableau et les enjeux qu’elle soulève permet d’analyser l’articulation entre les connaissances scientifiques des maladies et la reconnaissance juridique de celles-ci.

273. La description clinique des affections. Les débats autour de la rédaction des tableaux s’orientent d’abord sur la première colonne correspondant aux pathologies prises en charge. Cette colonne est le pré-carré d’un vocabulaire médical et de la description clinique des pathologies. Le Conseil d’État, compétent pour contrôler la rédaction de ces tableaux 819, a déjà eu l’occasion d’affirmer que l’usage de ce type de vocabulaire n’est pas contraire à l’objectif constitutionnel d’accessibilité et d’intelligibilité de la norme 820.

274. L’usage de ce champ lexical dans un souci de précision des pathologies des tableaux de sécurité sociale est loin d’être anodin. L’usage du vocabulaire médical, en effet, n’enlève rien à son caractère de norme juridique, et plus la description médicale des pathologies est serrée et précise, moins elle ouvre largement les possibilités de reconnaissance juridique d’affections proches.

Le tableau no57 relatif aux affections périarticulaires, introduit en 1972 pour le seul hygroma du genou a été étendu à plusieurs reprises. En 1991, un décret étend la reconnaissance des affections périarticulaires aux épaules et aux chevilles. La douleur est utilisée comme symptôme de l’affection. La première des affections de l’épaule était ainsi décrite comme « douleur simple de l’épaule » 821. La reconnaissance et la prise en charge des affections périarticulaires augmentent rapidement. Quoique cela soit discutable 822, la partie patronale s’inquiète de l’effet presque mécanique de la révision des tableaux sur l’augmentation du nombre de cas reconnus. Les représentants des organisations

818. Nicolas Hatzfeld, « L’émergence des troubles musculo-squelettiques (1982-1996) », Histoire & mesure, XXI, 2006, [en ligne] mis en ligne le 01 juin 2009, consulté le 05 octobre 2017 ; M.-O. Déplaude, préc. Sur la « négocia-tion » des tableaux de maladies professionnelles, cf. infra, n° 343, p. 194 et s.

819. L’article L. 461-2 du code de la sécurité sociale fixe des lignes directrices de rédaction des tableaux. Le Conseil d’État opère pour l’essentiel un contrôle normal, sauf lorsque la liste de travaux est seulement indicative. Tel est le cas pour le classement des maladies dans un tableau (CE, Ass., 10 juin 1994, no 132667, FNATH ; Lebon), les modalités de diagnostic (CE, 11 janvier 2006, no 262203, Groupement français des industries transformatrices des métaux en feuilles minces ; inédit), et l’ensemble des éléments essentiels qui concourent à la désignation, l’identification et la reconnaissance du caractère professionnel de la maladie. Le contentieux, peu fourni, est majoritairement le fait des entreprises. Le Conseil d’État a admis qu’elles avaient un intérêt à agir puisque la tarification AT-MP est indexée sur les maladies déclarées (CE, 27 juin 2001, no 220729APPMI ; inédit). Sur ces questions : Anne Courrèges, « Le contentieux de la modification des tableaux des maladies professionnelles liées à l’amiante », Droit social, 2009, p. 201 ; Clémence Zacharie, « Le contentieux de la modification des tableaux de maladies professionnelles liées à l’amiante », Droit social, 2009, p. 205. 820. CE, 27 novembre 2013, no 354920 ; Lebon.

821. Décret no 91-577 du 03 septembre 1991 ; JORF du 07 septembre 1991.

822. Une étude de la Caisse nationale d’assurance maladie des travailleurs salariés (CNAMTS) publiée en 2005 permet d’évaluer les incidences de la révision introduite par le décret de 1991 sur le nombre d’affections péri-articulaires reconnues jusqu’en 2003. Le décret 1991 aurait conduit à une augmentation de près de 36 % de la reconnaissance de ces maladies (Evaluation du nombre de maladies professionnelles réglées en 2003 sous l’hypothèse d’une réglementation constante depuis 1991, CNAMTS, DRT, 2005. Une étude sur une plus longue période contredit ces résultats : l’accroissement du nombre d’affections péri-articulaires est bien antérieur au décret de 1991, celui-ci n’en constitue qu’un moment. N. Hatzfeld, « L’émergence des troubles musculo-squelettiques (1982-1996) », op. cit. L’auteur présente deux graphiques, à partir des mêmes données et sur la même période (1972-2003), tirés de la même source (Cnamts, Statistiques technologiques des accidents du travail et des maladies professionnelles, années 1973 à 2003). L’un sur une échelle arithmétique montre effectivement une croissante exponentielle du nombre d’affections reconnues au titre du tableau no57 à partir de 1991 ; l’autre, sur une échelle semi-logarithmique montre une courbe en augmentation constante depuis 1972.

patronales tendent par la suite à durcir leur position et à davantage refuser une extension trop importante des tableaux 823.

Plus encore, jugeant l’ensemble du tableau trop imprécis, et particulièrement en ce qui concerne la description clinique des affections périarticulaires, la partie patronale souhaite la révi-sion du tableau no57. Un décret du 17 octobre 2011 a donc modifié en ce sens le tableau no57 824. L’affection de l’épaule autrefois désignée comme « douleur simple de l’épaule » est désormais décrite comme une « tendinopathie aigüe non rompue non calcifiante avec ou sans enthésopathie de la coiffe des rotateurs » 825. Si le juriste est bien en peine de reconnaître ce qui se cache derrière ces termes, il saura voir, à n’en pas douter, en quoi cette catégorie aux multiples critères est bien plus étroite que la précédente. Sous couvert de rigueur scientifique, l’argument tiré de la précision de la description clinique est donc loin d’être sans effet sur les possibilités de reconnaissance des pathologies.

À la description clinique des pathologies s’associe l’enjeu des modalités de diagnostic. 275. Les modalités de diagnostic. Bien que non explicitement prévu par l’article L. 461-2 du code de la sécurité sociale, le Conseil d’État a admis que la première colonne des tableaux de maladies professionnelles, outre la description clinique des pathologies puisse prévoir des modalités de diagnostic 826. Il peut s’agir de la prescription d’un type d’examen médical pour diagnostiquer la pathologie 827, d’examens alternatifs 828 ou de la définition d’un intervalle entre les différents examens médicaux réalisés 829.

Les modalités de diagnostic sont importantes autant pour les travailleurs victimes que pour les employeurs. Comme en matière de description des pathologies, les modalités de diagnostic constituent une condition juridique de la reconnaissance et de la prise en charge des pathologies. La prescription d’un type d’examen médical unique ou d’un type d’examen privilégié s’impose au travailleur qui souhaite voir reconnue et prise en charge sa pathologie, ainsi qu’à la CPAM chargée d’instruire son dossier. La pathologie qui n’est pas diagnostiquée dans les formes prescrites par la première colonne du tableau ne peut être présumée d’origine professionnelle 830. Le tableau no57 relatif aux affections périarticulaires exige ainsi pour certaines d’entre elles une objectivation par IRM, et seulement en cas de contre-indication, une objectivation par arthroscanner. Sans existence

823. M.-O. Déplaude, préc. L’auteur parle de « précédent ». Emmanuel Henry, Ignorance scientifique & inaction publique. Les politiques de santé au travail, Presses de Science Po, coll. « Académique », Paris, 2017, p. 29 et s.

824. Deux décrets ultérieurs ont modifié à la marge ce tableau : le décret no 2012-937 du 1er août 2012 (JORF no 0179 du 3 août 2012, p. 12744) et le décret no 2017-812 du 5 mai 2017 (JORF no 0108 du 7 mai 2017).

825. Le tableau no57 relatif aux affections péri-articulaires provoquées par certains gestes et postures de travail, avant sa révision par le décret no2012-937 du 1er août 2012, employait afin de décrire cette première affection l’expression d’« épaule douloureuse simple ».

826. CE, 11 janvier 2006, GIMEF, no 262203 ; inédit.

827. Le scanner pour les affections liées à l’inhalation des poussières d’amiante (tableau no30) ; un test épicutané (tableau no31, no37, no38) ; preuve bactériologique sous examen anatomo-pathologiques (tableau no40 sur le bacille tuberculeux) 828. Tableau no42 ou tableau no57 affections péri-articulaires

829. Par exemple, le tableau no 1 relatif aux affections dues au plomb exige, pour certaines des pathologies, un délai de six semaines entre deux examens (CE, 10 mars 2010, no 322824 ; Lebon).

830. Il faut alors que la victime passe par les voies complémentaires de reconnaissance et rapporte la preuve d’un lien de causalité directe de la pathologie avec son travail habituel, au titre de l’article L. 461-1, al. 3 du code de la sécurité sociale.

de contre-indication à l’IRM, la pathologie ne peut être prise en charge si elle est seulement objec-tivée par arthroscanner 831.

Au-delà de l’importance des modalités de diagnostic pour les victimes, celles-ci sont également un enjeu pour les employeurs. La prescription de certains types d’examens médicaux a souvent comme justification qu’ils sont plus sûrs et plus précis dans le diagnostic médical. Ainsi, le scanner ou l’examen tomodensitométrique exigé pour l’objectivation des plaques pleurales liées à l’inhalation de poussière d’amiante est préférée à la radiographie pulmonaire qui donne lieu régulièrement à des faux-positifs. À l’inverse, la précision du scanner a été critiquée devant le Conseil d’État par à un employeur qui reprochait qu’un tel type d’examen permette de détecter n’importe quelle plaque pleurale, quelle que soit sa taille, contrairement à la radiographie. L’extension des lésions constatées par le recours au scanner favoriserait les prétendues dérives de l’indemnisation des plaques pleurales 832.

276. La question des modes de diagnostic relever de la technique médicale et compte pourtant de lourds enjeux dans la reconnaissance juridique des maladies professionnelles 833. La détermina-tion des tâches et des travaux dans la troisième colonne des tableaux constitue elle aussi un enjeu rédactionnel important.

277. La liste limitative de travaux. L’article L. 461-2 du code de la sécurité sociale prévoit que dans la troisième colonne des tableaux de maladies professionnelles figurent les travaux suscep-tibles de provoquer les maladies décrites. Deux types de listes sont prévues. L’une est simplement indicative, pour les « manifestations morbides d’intoxication aigues ou chroniques présentées par les travailleurs exposés d’une façon habituelle à l’action des agents nocifs mentionnés dans lesdits tableaux » 834. L’autre liste de travaux est au contraire limitative. Elle concerne les infections micro-biennes et plus généralement tout type d’affections.

Le classement de la maladie dans la première catégorie relative aux intoxications ou dans la seconde catégorie relative aux infections microbiennes et autres affections, a donc une incidence directe sur le statut de la liste de travaux – indicative ou limitative –. Le Conseil d’État a pu valider, au regard de l’état des connaissances scientifiques, que le cancer broncho-pulmonaire primitif provoquées par les goudrons, huiles et brais de houille et par les suies de combustion de charbon, n’était pas une intoxication liée à l’exposition prolongée à un agent nocif mais une affection 835. Cette décision illustre le caractère limitatif et non indicatif de la liste de travaux figurant dans la

831. Cass. Civ. 2e, 15 décembre 2016, no 15-26.900 ; Bull. civ., II, no 275. Éventuellement elle pourrait être prise en charge dans la procédure de l’article L. 461-1 alinéa 3 du code de la sécurité sociale, c’est-à-dire lorsqu’il manque une condition du tableau.

832. CE, 27 octobre 2008, no 296339, Société Arcelor France ; Lebon. A. Courrèges, préc ; C. Zacharie, préc. Le caractère impératif et limitatif des modalités de diagnostic prescrites justifie le contrôle normal du Conseil d’État : CE, 11 janvier 2006, no 262203, préc.

833. Les modalités de diagnostic ont pu être l’objet de luttes sociales. Les salariés de Peñarroya par exemple, ont par leur activité militante appuyée sur celle de médecins, contribués à modifier l’examen pour admettre le diagnostic d’in-toxication au plomb. Les enquêtes révélant l’ind’in-toxication au plomb étaient faites sur la base du dosage, dans les urines, des deux indicateurs de la détérioration des globules rouges, là où la numération de globules retenue par les tableaux de sécurité sociale était peu fiable. Laure Pitti, « Experts « bruts » et médecins critiques. Ou comment la mise en débats des savoirs médicaux a modifié la définition du saturnisme en France durant les années 1970 », Politix, no 91, 2010, p. 103 834. Art. L. 461-2 c. s. s.

troisième colonne selon le type de maladie en cause. L’enjeu est de taille puisque cela implique que la victime d’un tel type d’affection, ayant été exposée à ces produits dans un cadre professionnel sans pour autant avoir exercé les travaux énumérés à la troisième colonne, ne peut pas se prévaloir de la présomption d’origine professionnelle. La victime doit alors apporter la preuve de l’existence d’un lien de causalité direct avec son travail habituel dans le cadre de l’article L. 461-1 alinéa 3. En revanche, dans un arrêt rendu le même jour, le Conseil d’État valide implicitement le classement de la même maladie, le cancer broncho-pulmonaire primitif, provoqué par l’amiante parmi les intoxications en face desquelles la liste de travaux est seulement indicative 836.

278. L’adoption du tableau no 57 sur les affections périarticulaires fut l’occasion d’une nouvelle évolution dans la rédaction de la troisième colonne fixant la liste limitative des travaux. À l’origine, le décret de 1972 837, précisait que les tâches décrites devaient être habituellement exercées par la victime. La Cour de cassation a précisé que la notion de travail habituel n’impliquait pas nécessaire-ment que les tâches visées au tableau soient les tâches prépondérantes dans le travail de la victime 838. Toutefois, la notion de travail habituel pourrait impliquer une certaine intensité ou de répétitivité des gestes 839. Reste qu’elle ne permet pas d’en préciser les seuils.

Le décret du 17 octobre 2011 a une nouvelle fois modifié le tableau no57 pour introduire des durées d’expositions minimales quotidiennes aux travaux causant l’apparition d’affections périarticulaires 840. Le Conseil d’État a validé cette évolution, en écartant la rupture d’égalité avec les travailleurs à temps partiel et en précisant que malgré l’absence de consensus scientifique ferme sur les durées d’exposition minimale, le décret en cause n’est pas entaché d’erreur d’appréciation, puisque les durées sont fixées dans la fourchette des différents avis d’experts rendus 841.

Une telle solution est remarquable par l’exemple qu’elle donne de l’usage de la science en matière de reconnaissance des maladies professionnelles. L’incertitude scientifique sur l’existence ou le niveau du seuil d’innocuité en deçà duquel l’exposition n’est pas nuisible n’exclut pas toute codification juri-dique. Elle doit, selon le Conseil d’État, se situer dans la moyenne des avis d’expertises scientifiques.

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