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Chapitre 1 : Une enquête qui souffre de retards et d’oublis

I. Des rappels incessants pour plus d'exactitude dans l'envoi des états des crimes et des certificats

1. Des retards dans les envois, sources de critiques perpétuelles

Une critique récurrente de la chancellerie concerne le retard avec lequel les états des crimes lui sont transmis. Les chanceliers et gardes des sceaux successifs insistent en effet à plusieurs reprises sur la nécessité qu'ils leur soient adressés dans le courant des mois de janvier et de juillet1. Or, loin de respecter cette exigence, certains états des crimes sont envoyés bien après l'expiration des semestres. Celui de l'intendance du Languedoc du premier semestre de 1767 n'est ainsi expédié que le 6 avril 17682, ce qui pose des problèmes pour le suivi des affaires comme le fait remarquer le vice-chancelier de Maupeou :

« J'ai reconnu qu'il y avoit beaucoup d'affaires dont les poursuites paroissent être négligées, mais comme depuis la rédaction de votre état, il peut y en avoir de ce nombre qui ayent été

1 Exemple : « Ayez pour agréable [...] de m'adresser ces sortes d'états au plus tard dans les mois de janvier et de juillet de chaque année ». Arch. dép. Hérault, C.1584, Lettre : accusé de réception de l'état des crimes de l'intendance du Languedoc pour les 6 derniers mois de 1760 - 8.04.1761.

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jugées et d'autres dont on ait repris les derniers erremens, je ne peux sans avoir l'état des six derniers mois connoitre si la même lenteur subsiste ou non ».

Et de noter à la fin de sa lettre « Ayez pour agréable de me l'adresser, j'aurois même dû le recevoir dans le courant de janvier dernier ».1 De même, l'état des crimes général de l'intendance de Provence pour les 6 premiers mois de l'année 1778 n'est transmis que le 17 janvier 1779 et l'intendant conscient de son retard affirme qu'il va écrire à ses subdélégués pour les exhorter à être plus exacts à l'avenir2. Le garde des sceaux, Miromesnil dans sa réponse datée du 1er mars de l'année suivante se plaint que :

« L’état que vous m’avés envoyé des crimes commis en Provence pendant les six premiers mois de l’année 1778 m’est absolument inutile à présent. Ces états ne peuvent me mettre à portée de remplir l’objet pour lequel ils sont destinés qu’autant qu’ils me parviennent à l’espiration des premiers et seconds semestres c'est-à-dire dans le courant des mois de juillet et janvier de chaque année »3.

Dans la généralité d'Alençon, de Maupeou ne fait aucune remarque lorsque l'intendant lui adresse en même temps les états des crimes des six derniers mois de 1764 et des six premiers de 17654, puis à nouveau en un seul envoi celui du dernier semestre de 1765 et celui des six premiers mois de 17665. En revanche lorsque l'intendant agit pareillement pour les deux semestres suivants, il lui fait observer que : « Ces sortes d’états doivent [...] être envoyés régulièrement tous les six mois c'est-à-dire en janvier celui des six derniers mois de l’année précédente et en juillet celui des six premiers mois de l’année suivante. Vous aurés pour agréable de vous conformer à l’usage établi dans cette partie d’administration »6.

Le garde des sceaux Miromesnil rappelle également à l'intendant de Perpignan que depuis le début de l'enquête les états doivent être envoyés exactement à la fin de chaque semestre :

« L'état que je viens de recevoir pour les six premiers mois de cette année [...] auroit dû m'être envoyé plutôt. Ayez soin à l'avenir de me le faire passer exactement comme cela s'est toujours pratiqué à la fin de chaque semestre c'est-à-dire à dans les mois de janvier et juillet »7.

1 Idem, C.1587, Lettre : accusé de réception de l'état des crimes de l'intendance du Languedoc pour les 6 premiers mois de 1767 - 4.05.1768.

2 Arch. dép. Bouches-du-Rhône, C.3524, Lettre : envoi de l'état des crimes de l'intendance de Provence pour les 6 premiers mois de 1778 - 17.01.1779.

L'intendant, comme nous le verrons plus en détail, écrira en effet à ses subdélégués le 20 janvier 1779 pour leur réclamer leurs états pour le dernier semestre de 1779. Idem, C.3524, Circulaire de l’intendant à ses subdélégués - 20.01.1779.

3 Idem, C.3524, Lettre : accusé de réception de l'état des crimes de l'intendance de Provence pour les 6 premiers mois de 1778 - 1.03.1779.

4 Arch. dép. Orne, C.761, Lettre : accusé de réception de l’état des crimes de la généralité d’Alençon pour les 6 derniers mois de 1764 et les 6 premiers mois de 1765 - 27.09.1765.

5 Idem, C.762, Idem pour les 6 derniers mois de 1765 et les 6 premiers mois de 1766 - 24.08.1766.

6 Idem, C.762, Idem pour les 6 derniers mois de 1766 et les 6 premiers mois de 1767 - 17.08.1767.

7 Arch. dép. Pyrénées-Orientales, 1C.1269, Lettre : accusé de réception de l'état des crimes de la généralité de Perpignan pour les 6 premiers mois de 1769 - 10.11.1769.

On retrouve cette même remarque dans d'autres accusés de réception de cette généralité. Idem, 1C.1269, Lettre : Idem pour les 6 derniers mois de 1779 -5.06.1780.

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La chancellerie recommande aussi aux intendants de rappeler à leurs subdélégués d'envoyer plus tôt leurs éclaircissements afin que les états globaux de la province lui parviennent plus rapidement1.

Si le chef de la justice semble prompt à reprocher aux intendants leur retard dans l'envoi des états des crimes, il ne le fait pas systématiquement. Ainsi, pour celui de l'intendance du Languedoc des 6 premiers mois de 1735 envoyé le 10 décembre 17362, le même chancelier n'a adressé aucune critique à l'intendant3. Il en va de même pour l'état des crimes de la généralité de La Rochelle et celui de la généralité de Dijon pour les six derniers mois de 1741 bien qu'ils ne soient tous les deux réceptionnés que le 8 juin 1742, soit près six mois après l'expiration du semestre, aucun reproche n'est fait aux intendants4.

Pour les intendances et les généralités dont les lettres d'envoi des états des crimes généraux ont été conservées, nous pouvons évaluer si ceux-ci ont été transmis rapidement ou non après l'expiration des semestres. Pour celles qui ont essentiellement conservé des accusés de réception de la chancellerie, nous avons seulement pu estimer suivant les dates si les intendants avaient rempli leur devoir dans le temps imparti ou non5.

Pour l'intendance de Dijon, vingt-trois accusés de réception ont été conservés entre 1742 et 17896. Ils concernent essentiellement le second semestre de l'année (seize états). Sur ces seize états, un a été réceptionné en janvier, six en février et également six en mars. La majorité des états auraient donc été envoyés entre janvier et février, voire au début du mois de mars. La réception des trois autres états a été accusée en avril, mai et juin. La lettre datée de juin est la plus ancienne conservée7 tandis que les deux autres appartiennent aux derniers semestres conservés8. Pour le premier semestre, quatre des sept états ont été réceptionnés en juillet ou en août. Les accusés de réception de plus ne contiennent pas la moindre critique de la part de la chancellerie concernant la date à laquelle les états lui sont parvenus.

1 Le chancelier d'Aguesseau ne cache pas qu'il espère que les mesures prises par l’intendant de Rouen pour obtenir le plus tôt possible les informations nécessaires à la formation de son état des crimes seront efficaces. Arch. dép. Seine-Maritime, C.950, Lettre : accusé de réception de l'état des crimes de la généralité de Rouen pour les 6 derniers mois de 1739 - 9.06.1740. En 1741, c'est à l'intendant du Languedoc qu’il demande de veiller à l'exactitude des subdélégués quant à la date d'envoi de leurs états des crimes. Arch. dép. Hérault, C.1572, Lettre : accusé de réception de l'état des crimes de l'intendance du Languedoc pour les 6 derniers mois de 1740 - 25.04.1741 ; Lettre : envoi de l'état des crimes de l'intendance du Languedoc pour les 6 derniers mois de 1740 - 4.04.1741.

2 Idem, C.1569, Lettre : envoi de l'état des crimes de l'intendance du Languedoc pour les 6 premiers mois de 1735 - 10.12.1735.

3 Idem, C.1569, Lettre : accusé de réception de l'état des crimes de l'intendance du Languedoc pour les 6 premiers mois de 1735 - 20.01.1736.

4 Arch. dép. Charente-Maritime, C.177, Lettre : accusé de réception de l'état des crimes de la généralité de La Rochelle pour les 6 derniers mois de 1741 - 8.06.1742 ; Arch. dép. Côte-d'Or, C.396, Lettre : accusé de réception de l'état des crimes de l’intendance de Dijon pour les 6 derniers mois de 1741 - 8.06.1742.

5 L'exemple des autres corpus montre qu'il peut s'écouler quelques jours comme un mois entier entre l'envoi par l'intendant et l'avis de réception émis par la chancellerie.

6 Arch. dép. Côte-d'Or, C.396.

7 Idem, C.396, Lettre : accusé de réception de l'état des crimes de l’intendance de Dijon pour les 6 derniers mois de 1741 - 8.06.1742.

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Sur les soixante-quinze accusés de réception de l'état global de la généralité de Rouen par la chancellerie, seul celui pour le dernier semestre de 1739 contient des critiques quant à sa date d'envoi1. Dans l'intendance d'Alençon, où ce sont les seuls documents conservés aux archives départementales (cinquante-six lettres), on ne trouve également qu'une seule fois des reproches de la part de la chancellerie à cause de l'envoi simultané de deux états des crimes2. Dans l'intendance du Hainaut aussi, un seul des cinquante-sept avis de réception datés contient des critiques à ce sujet3. Le seul retard notable relevé n'est d'ailleurs pas celui qui est pointé du doigt, mais celui concernant l'envoi en décembre 1751 des états de la généralité pour l'année 1750 et les six premiers mois de 1751. L'absence de critique semble être dû au fait que l'intendant, M. de Lucé, pourtant entré en fonction en 1745 affirme que : « Si je ne l’ai pas fait jusqu’à présent c’est que j’en ay point trouvé l’usage d’envoyer des états établi en Hainault et qu’ils ne m’ont point demandés »4. Nous n'avons pas trouvé de traces d'accusés de réception du dernier semestre de 1745 jusqu'à l'envoi des états de 1750 et des six premiers mois de 1751. Cela ne signifie néanmoins pas qu'aucun état n'a été transmis puisqu'en novembre 1751 lorsque chancelier réclame à l'intendant son état des crimes, cela ne concerne que l'année 17505. En outre, un feuillet comprenant différentes notes à ce sujet affirme :

« M. le chancellier a écrit à M. de Lucé qu'il n'avoit point reçu les états des crimes dignes de mort ou de peines afflictives qui avoient été commis dans la province du Haynaut pendant l'année 1750. On a vérifié que ces états furent envoyez alors et qu'on a été exacte ensuite à les envoyer tous les six mois »6.

Nous avons déjà vu précédemment, que cet aveu d'ignorance de l'intendant peut surprendre alors qu'il est établi dans cette province depuis plus de cinq ans, il peut s'expliquer par la présence d'un subdélégué général qui a pu être chargé de s'occuper de cet objet et a donc envoyé les états des crimes et accusés les reçus7.