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Chapitre 1 : Une enquête qui souffre de retards et d’oublis

III. Des retards liés à des raisons d'ordre pratique ou personnel : des administrateurs et des officiers mal organisés ?

2. Les excuses d'ordre personnel

a. Les absences et les voyages des officiers et des administrateurs

Parmi les excuses présentées par les officiers et les administrateurs, certaines sont liées aux déplacements. En effet, les intendants, leurs subdélégués, mais aussi les officiers de justice sont régulièrement absents de leurs sièges que ce soit pour des raisons personnelles ou professionnelles.

Des voyages sont ainsi évoqués pour expliquer les retards dans l'envoi des états des crimes et des certificats. Le subdélégué de Bavay n'a pu écrire plus tôt à l'intendant du Hainaut qu'aucun crime ne s'était commis dans son département à cause d' « un voiage inattendu de plus longue durée » qu'il ne pensait1. De même, le subdélégué de Limoux assure à l'intendant de Montpellier que s'il n'a pas rempli plus tôt ses obligations envers l'enquête cela est dû à un voyage de quinze jours2. Lors de l'absence du subdélégué de Condé, le greffier de la subdélégation affirme lui que :

« M. d'Obiessart étoit bien d'avis d'avoir l'honneur de vous écrire avant son départ pour Cambray sur l'objet des crimes et des délits de cette subdélégation puisqu'il m'en a parlé la veille. En conséquence de cet oubli, j'ay celui de vous informer en son absence qu'il n'y en a aucuns qui dans les six derniers mois de l'année dernière aient donné lieu à une instruction criminelle »3. C'est ce même greffier qui avertit encore l'intendant du défaut de crime dans le département pour le second semestre de 17744.

Les officiers de justice, en étant absents de leur siège, peuvent aussi mettre en retard la formation et l'envoi des états des crimes. Lorsque le procureur du roi de Villeneuve-lès-Avignon envoie son certificat des six premiers mois de 1743, le 20 juillet, il assure n'avoir pu l'envoyer plus tôt à cause d'un voyage

1 Idem, C.10285, Lettre : aucun crime dans la subdélégation de Bavay pour les 6 premiers mois de 1785 - 30.08.1785.

2 Arch. dép. Hérault, C.1590, Lettre°: aucun crime dans la subdélégation de Limoux pour les 6 derniers mois de 1786 - 22.01.1787.

3 Arch. dép. Nord, C.9537, Lettre : aucun crime dans la subdélégation de Condé pour les 6 derniers mois de 1772 - 31.01.1772.

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de trois semaines1. Le procureur du roi de la viguerie et sénéchaussée de Béziers avoue lui avoir tout simplement oublié d'envoyer son certificat du second semestre de 1745 à cause d’un déplacement qui l'a tenu éloigné quelque temps de son siège2. De même, celui de la justice de Frontignan impute sa lenteur à répondre pour les six derniers mois de 1747 à une courte absence de sa part3. Quant au subdélégué de Carcassonne pour justifier son retard, il explique qu'il est dû à la longue absence du procureur du roi qui en est ordinairement chargé. Il affirme d'ailleurs l'avoir prévenu que si pareille situation venait à se reproduire, il s'exposerait à un blâme4. C'est le même cas de figure qu'on trouve dans le bailliage de Saulieu où le bailli ne peut former son état des crimes du premier semestre de 1786 car plusieurs des procédures criminelles sont entre les mains du procureur du roi qui est absent depuis quelque temps. Au 12 août, il attend toujours son retour et écrit à l'intendance pour l'avertir des raisons de son retard5.

Si pour certains les raisons du voyage ou de l'absence ne sont pas connues, d'autres les précisent. L'intendant de La Rochelle lors de l'envoi de son état général pour le premier semestre de 1744 à la fin du mois d'octobre, explique que « la tournée qu['il] vien[t]t de faire pour l'assiette de la taille a esté cause du retard de l'envoy de cet état »6. Le procureur du roi de la sénéchaussée de Castelnaudary pour le premier semestre de l'année 1745, assure que les retards qu'il a pu connaître par le passé étaient dus au fait qu'il était à Toulouse pour se faire recevoir par le Parlement7. Pour le même semestre, le substitut du procureur général dans la juridiction de Villeneuve-lès-Avignon n'envoie l'état des crimes que le 6 août car le procureur du roi en titre chargé habituellement de cette tâche « a oublié de les envoyer se trouvant depuis quelque tems dans le Comtat Venaissin où il a ses parens »8. Le procureur du roi, lors de l'envoi de l'état des crimes suivant confirme cette information en précisant qu'il y est « resté plus de trois mois auprès de [s]on père pour des affaires de famille indispensables »9. Le procureur du roi de la juridiction de Sommières a répondu pour les six premiers mois de 1748, car il était à « [s]a campagne pour recueuillir une très mauvaise récolte »10.

1 Arch. dép. Hérault, C.1574, Lettre : envoi du certificat de la juridiction de Villeneuve-lès-Avignon pour les 6 premiers mois de 1743 - 20.07.1743.

2 Idem, C.1576, Lettre : envoi du certificat de la viguerie de la sénéchaussée de Béziers pour les 6 derniers mois de 1745 - 5.02.1746.

3 Idem, C.1578, Lettre : aucun crime dans la juridiction de Frontignan pour les 6 derniers mois de 1747 - 8.02.1748.

4 « Je sens combien il faudroit être exact dans l'envoy d'un pareil état mais comme c'est le procureur du roy qui le dresse il a fallu attendre son retour après une assés longue absence pour me mettre en même de vous l'adresser aujourd'hui. J'ai fait part de votre lettre à cet officier et je lui fairai dans les suites les reproches convenables pour luy faire connoitre qu'une telle négligence à l'avenir le rendroit digne de blâme ». Idem, C.1586, Lettre : envoi de l'état des crimes de la subdélégation de Carcassonne pour les 6 derniers mois de 1765 - 12.02.1766.

5 Arch. dép. Côte-d'Or, C.396, Lettre : le bailli de Saulieu à l'intendant - 12.08.1786.

6 Arch. dép. Charente-Maritime, C.177, Etat des crimes de la généralité de La Rochelle pour les 6 premiers mois de 1744 - 22.10.1744.

7 Arch. dép. Hérault, C.1576, Lettre : envoi de l'état des crimes de la sénéchaussée du Lauragais pour les 6 premiers mois de 1745 - 3.07.1745.

8 Idem, C.1576, Lettre : envoi de l'état des crimes de la juridiction de Villeneuve-lès-Avignon pour les 6 premiers mois de 1745 - 6.08.1745.

9 Idem, C.1576, Lettre : Idem pour les 6 derniers mois de 1745 - 12.01.1746.

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Dans plusieurs cas, des consignes avaient pourtant été données pour procéder à l'envoi en l'absence du procureur ou du subdélégué, mais elles n'ont pas toujours été suivies. En 1743, le procureur du roi de Nîmes assure qu'avant son départ pour Toulouse, il avait confié à M. Massip, avocat du roi, d'envoyer l'état des crimes des six premiers mois de l'année, mais que celui-ci a oublié de le faire. Il met en avant comme preuve le fait que le certificat du greffier lui a été remis le 10 juillet1. De même le procureur du roi de la sénéchaussée de Castelnaudary pour le dernier semestre de 1744, affirme qu'avant son départ à Toulouse, il avait chargé le greffier d'envoyer l'état des crimes de la juridiction. Il explique également qu'il n'a pu répondu tout de suite, car le greffier a dû lui envoyer la lettre de l'intendance à Toulouse où il devait encore rester deux mois2. Le subdélégué de Limoux installé à Caudiès se défend aussi d'avoir confié à son commis de faire l'état des crimes de la sénéchaussée de Limoux pour les six derniers mois de 1786 :

« Un voyage de quinze jours a été la cauze que je n'ai pas rempli mes obligations concernant l'état des crimes quoique avant mon départ j'avois recommandé auprès mon commis de vous marquer qu'il n'y en avait point de ces derniers six mois mais comme il a été si occupé, ça lui a passé de la tête »3.

b. Les maladies

Pour d'autres, ce sont les maladies et les vicissitudes du corps qui sont la cause de retards. Nous avons déjà évoqué le subdélégué de Murat qui, en voyage pour soigner des rhumatismes, a oublié d'envoyer son certificat pour le premier semestre de 17594. Le subdélégué de Paimpol concernant son état des crimes des six derniers mois de 1758 explique que « la maladie dangereuse que j’ay essuïé en a été la seule cause de son retard » et assure que dès qu'il réceptionnera l'état des crimes du procureur fiscal de la châtellenie de Lizandré-Kermaria5, il enverra le sien6. Un mois plus tard, il répond la même chose au second rappel de l'intendant7. Le 5 avril après une nouvelle semonce de l'intendant, il explique qu'il n'a toujours pas reçu l'état des crimes attendu8. En 1740, Le substitut du procureur général à Cuxac impute également à sa maladie le fait d'avoir envoyé son état des crimes du premier semestre à la fin du mois d'août :

1 Idem, C.1574, Lettre : envoi de l’état des crimes de la juridiction de Nîmes pour les 6 premiers mois de 1743 - 9.09.1743. Le certificat en question n'a pas été conservé.

2 Idem, C.1575, Lettre : le procureur du roi de la sénéchaussée du Lauragais à l’intendant - 22.01.1745.

3 Idem, C.1590, Lettre : aucun crime dans la sénéchaussée de Limoux pour les 6 derniers mois de 1786 - 22.01.1787.

4 Arch. dép. Puy-de-Dôme, 1C.1551, Lettre : un crime dans la subdélégation de Murat pour les 6 premiers mois de 1759 - 26.07.1759.

5 Aujourd’hui commune de Plouha, Côtes-d’Armor, ch.-l. c., arr. Saint-Brieuc.

6 Arch. dép. Ille-et-Vilaine, C.137, Lettre : le subdélégué de Paimpol à l’intendant - 3.02.1759.

7 Idem, C.137, Idem – 21.03.1759.

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« Je vous demande de bien pardon de mon petit retardement à l’égard des six derniers mois, plusieurs occupations extraordinaires jointes au derrangement de ma santé depuis cette canicule en ont etté la seule cauze mais cella n’arrivera plus et malgré toutte sorte d’inconveniens il n’y aura plus à l’avenir aucun retardement de ma part [...] »1

De même le subdélégué de Saint-Pons lors de l'envoi de son état des crimes pour le premier semestre affirme qu'une indisposition qui le garde au lit depuis huit jours l'a empêché de satisfaire plus tôt à la demande de l'intendant2.