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I. Un manque de rigueur

1. Des plaintes régulières

Les plaintes et les reproches des intendants quant à la manière dont sont dressés les états des crimes et notamment les imprécisions et les erreurs concernant leur contenu, sont récurrents.

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Lorsqu'il transmet le modèle d'état des crimes imaginé par le chancelier de Lamoignon, l'intendant de Perpignan recommande aux viguiers et aux subdélégués de veiller à ce que leurs greffiers en remplissent correctement les colonnes1. Dans l'intendance du Hainaut, les services de l'intendance rappellent respectivement aux maires et échevins de Villers-en-Cauchies2 et de Fenain3 de remplir avec exactitude leur état des crimes pour le premier semestre de 1784. Le semestre suivant, l'intendant du Languedoc demande au subdélégué d'Aubenas de refaire son état des crimes suivant le modèle à colonnes qu'il lui envoie car celui qu'il lui a transmis ne contient pas les éclaircissements dont il a besoin4. Le mois suivant, le subdélégué lui adresse effectivement un nouvel état des crimes – qui n'a pas été conservé – et qui, d'après lui, a été dressé suivant les désirs de l'intendant5.

Certains subdélégués se rendent aussi compte d'eux-mêmes qu'avec les états des crimes qu'ils ont dressés, les officiers de leur ressort vont s'attirer les critiques de l'intendance. Ainsi, le subdélégué d'Ardes lorsqu'il envoie au secrétaire de l'intendance son certificat négatif pour le premier semestre de 1761 accompagné de celui de la ville dressé par le procureur d'office, précise :

« J'ay l'honneur de vous envoyer mon certifficat négatif au sujet des crimes et délits auquel j'ay joint celuy du procureur d'office de cette ville. Il n'est pas si étendu que le mien en ce qu'il ne fait point mentions que les crimes qui peuvent avoir été commis avant ce semestre ont été jugés définitivement et qu'il n'y en a aucun de celé ou d'impoursuivi mais comme il est absent, et que je me trouve d'ailleurs à portée de scavoir ce qui se passe en cette ville, je pense que mon certifficat peut supléer à ce qui manque au sien à cet égard »6.

Le certificat du procureur d'office se contente d'affirmer qu'aucun crime n'a été commis durant les six mois7 sans faire référence à ceux qui auraient pu éventuellement se produire antérieurement et qui n'auraient pas connu jusqu'alors de jugement définitif, au contraire du certificat du subdélégué8. Le subdélégué de Limoux rencontre lui un autre problème pour le premier semestre de l'année 1760 puisque, n'ayant pas suffisamment d'informations sur la sentence de deux affaires, il a été contraint de les inclure dans la colonne des observations :

« [...] sy j'ay retardé et envoy d'une 15[ai]ne, c'est parce que j'attendois l'événement des deux procédures qui se fesoint à l'extrimité du ressort à raison d'un meurtre et d'un empoisonnement

1 Arch. dép. Pyrénées-Orientales, 1C.1268, Lettre : l’intendant aux subdélégués et aux viguiers – 10.05.1758.

2 Villers-en-Cauchies, Nord, c. Caudry, arr. Cambrai.

Arch. dép. Nord, C.6949, Lettre : l’intendance aux officiers de Villers-en-Cauchies - 30.06.1784.

3 Arch. dép. Nord, C.6949, Lettre : l’intendance aux officiers de Fenain - 30.06.1784. Fenain, Nord, c. Sin-le-Noble, arr. Douai.

4 Arch. dép. Héraut, C.1589, Lettre : envoi de l'état des crimes de la subdélégation d'Aubenas pour les 6 derniers mois de 1784 - 5.01.1785.

5 Idem, C.1589, Lettre : renvoi de l'état des crimes de la subdélégation d'Aubenas pour les 6 derniers mois de 1784 - 25.02.1785.

6 Arch. dép. Puy-de-Dôme, 1C.1559, Lettre : envoi des certificats de la ville et de la subdélégation d'Ardes pour les 6 premiers mois de 1761 - 9.07.1761.

7 Idem, 1C.1559, Certificat de la ville d’Ardes pour les 6 premiers mois de 1761 - 2.07.1761.

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dont je n'ay peu faire mention que dans la colonne de mes observations n'ayant pas reçu le précis des sentences dont lesquels ont été relevés à minima au Parlement de Toulouse »1.

On apprend ainsi que le notaire accusé d'avoir empoisonné sa femme a été jugé par contumace en premier ressort mais sans que la date du jugement ne soit indiquée. Quant à la seconde affaire, il s'agit d'un « imbécile » qui a tué à coups de hache un jeune enfant âgé de deux ans. La date du premier jugement est cette fois-ci connue (30 juillet) et le prévenu attend alors d'être traduit à Toulouse. Le contenu en revanche de la sentence n'est pas détaillé2. En Alsace, en 1766, le subdélégué de Colmar dénonce directement dans son état des crimes les coupables des omissions et des imprécisions susceptibles de lui attirer des reproches de l'intendant. Ainsi pour les quatre crimes recensés, il est expliqué que « la datte de l’écroue a été obmis au certifficat qui a été fourni par le bailly dudit baillage » et même pour une affaire qu'il « ne se trouve ny la datte du dernier acte ny à quoi l’accusé a été condamné »3. Dans le cas de la sénéchaussée de Toulon, le subdélégué accuse quant à lui d'ineptie le greffier qui s'est chargé de faire l'état des crimes pour le second semestre de 17784. Pourtant l'état en question est dressé convenablement, puisque les colonnes sont correctement remplies et fournissent tous les renseignements nécessaires à l'enquête. De plus, il a été réalisé promptement puisqu'il est daté du 6 janvier5. Nous ne comprenons pas dans ce cas, la remarque du subdélégué. Celle-ci porte peut-être sur le fait que dans la colonne consacrée aux observations sur les crimes non poursuivis, le greffier en chef a détaillé la sentence, celle destinée au dernier acte de la procédure n'étant pas assez grande pour cela.

Dans l'intendance du Hainaut, le subdélégué de Condé critique non le contenu mais la mise en forme de l'état des crimes qui lui a été remis par le procureur d'office de la ville pour le second semestre de 1784 :

« J'ay l'honneur de vous envoyer l'état des crimes et [...] qui m'a été remis après des demandes réitérés par le procureur d'office de cette ville. J'y join l'original qui m'a été présenté pour que vous soyés à même de juger par vous-même quels égards on a pour les demandes que je fais de votre part et dans quelle forme ils me présentent leur état »6.

L'intendant qualifie même cet état de « chiffon » et en adresse une copie aux magistrats de Condé où il déplore qu'outre l'absence d'éclaircissements nécessaires au garde des sceaux, « cet écrit informe n'est

1 Arch. dép. Hérault, C.1583, Lettre : envoi de l'état des crimes de la sénéchaussée de Limoux pour les 6 premiers mois de 1760 - 31.07.1760.

2 Idem, C.1583, Etat des crimes de la sénéchaussée de Limoux pour les 6 premiers mois de 1760 - 31.07.1760.

3 Arch. dép. Bas-Rhin, C.397, Etat des crimes de la subdélégation de Colmar pour les 6 derniers mois de 1766.

4 Arch. dép. Bouches-du-Rhône, C.3525, Lettre : envoi de l'état des crimes de la subdélégation de Toulon pour les 6 derniers mois de 1778 - 28.01.1779.

5 Idem, C.3525, Etat des crimes de la subdélégation de Toulon pour les 6 derniers mois de 1778 - 6.01.1779.

6 Arch. dép. Nord, C.10339, Lettre : envoi de l’état des crimes de la subdélégation de Condé pour les 6 derniers mois de 1784 - 18.02.1785.

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pas présentable »1. L'original de cet état n'a pas été conservé, au contraire de sa copie2. On constate d'après celle-ci que l'état des crimes se présente sous la forme d'un rapport et c'est ce qui semble avoir provoqué la colère du subdélégué et de l'intendant. Ce dernier envoie en effet en même temps que cette copie, un modèle à colonnes que les officiers devront utiliser pour refaire leur état des crimes du semestre incriminé et pour tous les autres à l'avenir3.

Nous n'avons exposé ici que quelques critiques qui ont pu être énoncées par les subdélégués, les intendants ou encore la chancellerie. Nous allons maintenant voir plus en détail sur quoi portent précisément les reproches formulés.