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Chapitre 1 – Introduction générale

1.2 Recension des écrits

1.2.5 Les relations entre les parents et leur réseau immédiat

Plusieurs études indiquent que les parents veulent maintenir les liens avec leurs enfants (Kiraly et Humphreys, 2015 ; McKegney, 2003 ; Noël, 2014 ; Turcotte et coll., 2015). Pour certains parents, les contacts avec leurs enfants sont faciles et les rencontres se déroulent dans un climat où ils s’y sentent bien, alors que pour d’autres les contacts entraînent une expérience plus difficile (Schofield et Ward, 2011). Certains sont envahis par un sentiment de culpabilité et sentent une grande pression afin que cette rencontre soit spéciale et que

l’enfant en garde un bon souvenir (Memarnia et coll., 2015). Même si plusieurs parents souhaitent voir leur enfant régulièrement (Kiraly et Humphreys, 2015) et qu’ils sont impatients de les rencontrer (Ross et coll., 2017), les contacts avec leurs enfants peuvent entraîner de grands stress et des sentiments contradictoires : heureuses de rencontrer leur enfant, elles sont aussi tristes de devoir le quitter après la rencontre (Noël, 2014). Avant la rencontre, des mères sont inquiètes et craignent de manquer le rendez-vous (Noël, 2014). En ce qui concerne ce qu’elles ressentent pendant la rencontre, l’étude de Haight et coll. (2001), portant sur les contacts mère-enfant dans le cadre de visites supervisées, montre que la majorité des mères (huit femmes sur neuf) expriment ressentir de la joie, mais aussi de l’anxiété et de la tristesse. Au moment du départ, elles doivent conjuguer avec leurs propres émotions générées par cette rencontre et celles de leurs enfants (Haight et coll., 2001 ; Memarnia et coll., 2015 ; Noël, 2014), car pour faciliter la séparation, elles sont invitées à retenir leurs émotions devant leur enfant (Höjer, 2011 ; Noël, 2014). Après la rencontre, des mères expliquent ressentir du chagrin et être ébranlées et épuisées (Noël, 2014 ; Ross et coll., 2017). D’ailleurs, l’incapacité à gérer les émotions suivant la rencontre peut entraîner une rechute chez des mères consommatrices de drogues (Kovalesky, 2001). Selon Haight et coll. (2002), qui ont mené une étude auprès de mères (n = 28), de mères d’accueil (n = 13) et d’intervenants (n = 24), les mères ne sont pas préparées à la rencontre avec leurs enfants. Des intervenants soulignent que les discussions portent sur la planification des rencontres, sur les règles et les activités, sans aborder la dimension psychologique.

Si l’on regarde la réalité particulière des mères ayant un problème de consommation de drogues, l’étude de Kovalesky (2001) montre que certaines omettent de se présenter aux rencontres prévues avec leurs enfants, car elles ne veulent pas que leur enfant les voie en état de consommation. D’autres choisissent de ne pas rencontrer leur enfant pendant qu’elles sont en thérapie, considérant que la situation serait difficile à supporter pour l’enfant, alors que quelques-unes déplorent le fait qu’elles ne puissent faire leur thérapie en étant accompagnées de leur enfant (Kovalesky, 2001).

Plusieurs parents espèrent recouvrer un jour la garde de leur enfant et ils ont de la difficulté à accepter le fait que le retour de l’enfant ne soit pas possible (Schofield et coll., 2011). D’autres parents souhaitent plutôt maintenir les liens avec l’enfant placé (Ross et coll., 2017).

Certains ont l’impression que leur vie est en suspens, n’osant pas refaire leur vie sans leur enfant (Noël, 2014 ; Schofield et coll., 2011). Des parents ont donc de la difficulté à accepter le placement de leur enfant, et ce, même dans des situations où ils apprécient le milieu de garde et constatent le bien-être de leur enfant (Schofield et coll., 2011). Cette douleur peut s’expliquer par le sentiment d’impuissance engendré par le fait d’être exclu d’une grande part de la vie de leur enfant (Kiraly et Humpreys, 2015).

Peu d’études abordent les relations entre la mère et les autres membres significatifs de son environnement immédiat. On sait cependant que le soutien d’un conjoint, d’amis ou de membres de la famille peut contribuer à la reprise de pouvoir sur leur vie (Noël, 2014). La présence de proches lors des moments entourant les passages devant les tribunaux contribue aussi à diminuer le stress engendré par l’incertitude quant à la décision qui sera ordonnée (Ross et coll., 2017). Toutefois, des parents indiquent qu’ils ont reçu peu ou pas de soutien de la part de leurs proches. Ils se sont plutôt sentis jugés ou abandonnés par les membres de leur famille.

Dans un autre ordre d’idées, des difficultés relationnelles peuvent être remarquées lorsque l’enfant est placé chez un membre de la famille (Mayes et Llewellyn, 2012 ; Ross et coll., 2017). De plus, il n’y a pas de garantie voulant que le placement dans un milieu d’accueil de proximité facilite les modalités d’accès à l’enfant lorsqu’on compare avec les situations où l’enfant est placé dans une famille d’accueil régulière (Mayes et Llewellyn, 2012). Plusieurs parents de l’étude de Kiraly et Humphreys (2015) soulignent que la relation entre eux et le parent d’accueil est tendue et qu’ils ont besoin du soutien des travailleurs sociaux pour calmer les tensions. Les auteurs remarquent que le conflit est exacerbé lorsque la personne ayant la garde a fait le signalement ou qu’elle a témoigné à la cour. Néanmoins, malgré quelques ressentiments, des répondants soulignent qu’ils préfèrent tout de même que leur enfant soit placé auprès d’un membre de la famille plutôt qu’en famille d’accueil, alors que d’autres mentionnent qu’elles recouvrent leur rôle de mère auprès de l’enfant avec le soutien de leur propre mère.

La recension des écrits montre que les expériences vécues par les mères lorsque l’enfant est placé, notamment à plus long terme, peuvent varier d’une situation à l’autre. Toutefois, l’origine de ces variations ne semble pas être liée à des diversités culturelles, bien que les

études recensées proviennent de pays occidentaux, ni à des particularités référant aux lois et fonctionnements des systèmes de protection de l’enfance qui peuvent différer d’un pays ou d’une région à l’autre. Plusieurs similarités sont observées chez les parents australiens, anglais, étasuniens, français, belges, suédois, norvégiens, finlandais et canadiens lorsque l’expérience subjective des parents est examinée. D’ailleurs, ce constat est aussi fait par Schofield et coll. (2011) qui ont comparé leurs études réalisées au Royaume-Uni, en Norvège et en Suisse.

La recension des écrits montre que le rapport à soi et l’identité de mère peuvent être menacés pour des raisons diverses. Tout d’abord, on sait que l’enfant est placé parce que les mères rencontrent des difficultés particulières et que leurs difficultés personnelles peuvent persister après le placement de l’enfant. Sur le plan économique, les études tendent à montrer une diminution des revenus suivant le placement de l’enfant (Hiilamo et Saarikallio-Torp, 2011) et que cette baisse de revenus risque d’entraîner d’autres problèmes sociaux. On observe aussi que le maintien d’une identité parentale positive dépend du regard et du rôle joué par l’intervenant (Schofield et coll., 2011), par les parents d’accueil (Höjer, 2009), mais aussi par d’autres éléments qui sont plus difficiles à saisir (Euillet et Zouache-Gaudron, 2008). Par ailleurs, le placement de l’enfant est un évènement stigmatisant, ce qui risque aussi d’affecter l’image que les mères ont d’elles-mêmes.

Malgré tous ces défis, des études montrent que des mères sentent que leur place comme mère est reconnue, comme l’indiquent des parents rencontrés par Delens-Ravier (2000), Paugam (2014) ou Schofield et Ward (2011), ce qui a pour effet qu’elles peuvent maintenir ou développer un rapport à soi positif. En fait, la recension des écrits montre toute la complexité de la situation et que les différentes expériences influencent le rapport à soi.