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Chapitre 5 – Les expériences de reconnaissance et de déni de reconnaissance des

5.5 Les relations avec les autres organisations

On remarque qu’un peu plus de la moitié des femmes interviewées, soit huit répondantes, ont un suivi avec un professionnel pour leur santé physique ou psychologique, au moment de l’entretien. Alors que six répondantes n’en ont pas. Toutefois, toutes les répondantes ont reçu de l’aide médicale ou psychosociale depuis la grossesse de l’enfant cible. Les répondantes ont donc reçu le soutien de différentes organisations. Le programme OLO40 est celui qui a

été le plus utilisé. Environ deux tiers des femmes ont eu accès au programme OLO, ce qui indique que les répondantes étaient dans des situations de précarité économique au moment de la grossesse. On note au passage que deux mères n’ont pas utilisé le programme, puisqu’elles étaient hospitalisées ou en détention au moment de leur grossesse. Les répondantes ont aussi eu accès à des ressources qui visent le traitement des dépendances ou de problèmes de santé mentale ainsi qu’à des ressources d’hébergement pour femmes victimes de violence ou en difficulté.

En ce qui concerne les programmes de traitement des dépendances aux substances psychoactives, les points de vue sont variés en ce qui a trait aux apprentissages faits suivant ces thérapies. Élise explique que les gains vont au-delà de l’arrêt de la consommation. « C’est pas juste la consommation, ça m’a aidée sur être fier de soi. Puis, tu sais, montrer que tu es capable. […] Mais avant je n’étais pas capable de me dire aucune qualité. Je m’en dis un peu, pas bien bien, mais au moins je suis capable de m’en dire un peu. » Florence indique, pour sa part, qu’elle a découvert l’origine de ses problèmes de consommation, alors que Marjolaine nomme plutôt qu’elle a appris à gérer ses émotions. On note au passage que des répondantes mentionnent qu’elles ont abandonné le suivi parce qu’elles n’aiment pas l’intervention de groupe et que le suivi individuel ne leur était pas offert. Si dans certaines situations l’offre de service semblait plus limitée, les répondantes indiquent généralement qu’elles ont eu accès aux ressources dont elles avaient besoin pour régler leurs difficultés personnelles. Ceci étant dit, certaines ont refusé l’aide offerte.

40 Ce programme est destiné aux femmes enceintes à faible revenu. À compter de la 12e semaine de grossesse

ces femmes peuvent obtenir gratuitement des aliments essentiels (un œuf, un litre de lait et un jus d'orange par jour) ainsi que des suppléments de vitamines et de minéraux (Gouvernement du Québec, 2018).

Par ailleurs, six répondantes ont fait des séjours en hébergement alors qu’elles étaient victimes de violence ou qu’elles étaient sans domicile. Elles indiquent qu’elles y ont fait des prises de conscience, qu’elles ont développé leur autonomie et qu’elles y ont reçu du soutien. Au moment de notre rencontre, Marie-Pierre est hébergée. Elle explique qu’il ne s’agit pas de son premier séjour, mais que celui-ci est différent puisqu’elle fait de nouvelles prises de conscience. « Ici, je me suis retrouvée en tant que femme. J’apprends à me connaître, en tant que femme, puis en tant que maman. Au-delà de juste conjointe ou juste objet à manipuler là. »

Laurence indique que son passage en hébergement lui a permis de développer plus d’autonomie. « Bien ç’a faite que j’ai été capable de me trouver un appartement. [Ça m’a] aidée à tenir un budget. » Pour d’autres répondantes, il s’agit d’un moment où elles avaient besoin de soutien puisque l’enfant venait d’être placé « en tant que soutien moral, à part la maison d’hébergement, je n’ai pas eu grand-chose » (Mélanie). « Que tu te lèves à 3 h du matin, ils vont être là pour toi là » (Gabrielle).

Aussi, près de la moitié des répondantes ont reçu ou reçoivent des services venant d’organisations qui se spécialisent en santé mentale. Elles ont fait des séjours en milieu hospitalier et sollicité l’aide d’organismes communautaires. Les situations des mères rencontrées sont diversifiées. Le séjour d’Adèle a débuté au premier trimestre de sa grossesse et elle a donné naissance à son enfant alors qu’elle était toujours hospitalisée pour traiter une psychose. Élise, pour sa part, indique qu’elle a attendu trop longtemps avant de chercher de l’aide puisqu’elle a fait une dépression menant au placement de ses enfants. Maintenant, elle connaît les ressources dont elle a besoin et elle n’hésite pas à demander leur soutien lors d’épisodes où elle se sent moins bien. Elle fréquente un organisme communautaire où elle peut obtenir un suivi avec une travailleuse sociale au besoin, elle mentionne qu’outre le suivi individuel, elle peut aussi briser son isolement et être active par son implication au sein de l’organisme. « Bien de voir des gens, juste ça, me sentir moins seule. […] Ça fait un petit bout que je suis plus impliquée. »

Mélanie a reçu un diagnostic à la suite d’une hospitalisation en psychiatrie un peu plus d’un an après le placement de son aîné jusqu’à sa majorité. Depuis, elle a un suivi avec un psychiatre pour ajuster sa médication et un suivi avec une travailleuse sociale. Si le suivi avec

le psychiatre n’est pas contraignant, celui avec la travailleuse sociale semble plus dérangeant. En contrepartie, Mélanie a créé des relations de confiance avec des intervenantes œuvrant au sein d’organismes communautaires. « La plupart des intervenantes des trois places sont au courant de ma situation, ça fait qu’elles savent comment me prendre, elles savent comment m’aider. Dans le fond, j’ai un certain lien de confiance avec eux autres. Tu sais, elles n’ont pas le choix de garder la confidentialité. Elles sont bonnes aussi pour me donner des trucs, des conseils et compagnie. »

Enfin, trois répondantes ont fait des séjours en détention et deux répondantes ont eu un suivi avec un agent de probation. Gabrielle et Florence ont fait de très courts séjours alors que Marjolaine a connu la détention à deux reprises au cours de sa vie. Elle est entrée en détention une première fois au début du deuxième trimestre de la grossesse de son deuxième enfant (l’enfant cible). Marjolaine indique que cet arrêt d’agir a été salutaire pour elle. Elle mentionne qu’elle a fait sa sentence au complet et qu’elle a respecté toutes les règles imposées. « C’est vraiment tout cet encadrement-là. J’ai eu une sentence dans le fond de cinq ans en société. Que j’ai fait au complet, sans aucun manquement ! Je faisais les tests d’urine, tout allait bien là, sans aucune consommation, sans rien. » Elle est retournée en détention une deuxième fois après le troisième placement temporaire de ses enfants.

Outre les organisations précédemment nommées, de façon plus singulière, des mères ont aussi bénéficié de l’accompagnement du Centre de réadaptation en déficience intellectuelle, de l’Institut de réadaptation en déficience physique, de sages-femmes, de travailleuses de rue ou de psychologues en pratique privée, dans le cadre du programme d’indemnisation des victimes d’actes criminels ou d’un programme d’aide aux employés. Le soutien psychosocial peut être déterminant dans le développement d’un rapport positif à soi. On sait que le rapport positif à soi demande un travail de reconstruction lorsque le rapport à soi est inversé ou brisé, comme mentionné dans le chapitre présentant le modèle théorique de la thèse. Les récits de vie des répondantes montrent que les besoins peuvent différer et que les gains faits dans le cadre de leurs démarches varient également. Néanmoins, on remarque que pour plusieurs, ces réponses sociales leur ont permis de sortir de ce cercle vicieux les maintenant dans des relations violentes ou dans un processus d’autoexclusion.

Pour conclure ce chapitre de résultats, la relation qu’ont les répondantes avec le marché du travail est examinée. Si la maternité est une forme de reconnaissance sociale importante, l’insertion au marché du travail est certes la forme de reconnaissance sociale la plus documentée. On peut penser aux travaux de Paugam (2013), de De Gaulejac, Blondel et Taboada Léonetti (2014), de Castel (2009) ou encore de Soulet (2009). En fait, l’insertion au marché du travail permet à l’individu d’accéder à la forme de reconnaissance la plus reconnue puisque « la maternité n’est pas considérée comme une contribution sociale au même titre que les activités de production » (De Koninck, 2002 : 392).