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Chapitre 3 – Méthodologie

3.5 Méthode de collecte de données

3.5.1 Opérationnalisation du concept de reconnaissance sociale

La reconnaissance sociale s’acquiert dans la mesure où l’intégrité et la dignité de l’individu sont reconnues. En effet, l’individu doit disposer de conditions de reconnaissance réciproques qui lui permettent de maintenir et de développer une identité socialement valorisée. Ces conditions sont à la base du développement de la confiance, du respect et de l’estime de soi menant à un rapport à soi positif. En d’autres mots, l’identité et le rapport à soi sont directement liés, puisque la capacité de l’individu à acquérir la reconnaissance sociale, soit une identité socialement valorisante, dépend des moyens dont il dispose pour développer un rapport à soi positif et voir ainsi sa valeur en tant qu’humain reconnue par autrui. Pour examiner les processus qui freinent ou qui favorisent la reconnaissance des mères d’enfants placés jusqu’à leur majorité, la reconnaissance sociale est opérationnalisée à partir de deux dimensions : le rapport à soi et l’identité.

3.5.1.1 Rapport à soi

Le rapport à soi se développe à travers les expériences de reconnaissance vécues au sein des relations primaires, juridiques et des communautés de valeurs. C’est donc à travers les rapports de reconnaissance mutuelle au sein de ces relations que le rapport à soi positif se développe. La dimension du rapport à soi est composée de trois sous-dimensions soit la

confiance, le respect et l’estime de soi (Tableau 4). Chacune d’elles réfère à trois types de relation (primaire, juridique et communauté de valeurs). Le lecteur doit prendre note que les frontières entre les sphères de reconnaissance représentées par ces différents types de relations sont parfois diffuses. La relation entre la mère et un proche qui a la garde d’un enfant pourrait être incluse au sein des trois sphères de reconnaissance, par exemple. Outre les relations affectives, ce proche, notamment dans le cadre du mandat qui lui est donné par le tribunal, peut être la personne qui interdit à la mère de venir voir son enfant. Il peut aussi faciliter l’exercice du rôle parental ou encore tenter d’exclure la mère et usurper sa place comme illustré avec l’exemple d’Annick dans le chapitre précédent. Ceci étant dit, le tableau d’opérationnalisation est construit de façon à couvrir un éventail de relations à travers lesquelles les mères sont susceptibles de vivre des expériences de reconnaissance ou de déni et de reconnaissance et d’éviter les redites dans chacune des sphères.

Confiance en soi

Pour cette première sous-dimension, les questions inscrites au guide d’entretien portent sur les relations primaires de la mère, depuis la naissance de l’enfant placé jusqu’à sa majorité. C’est dans le cadre de ces relations que la confiance de l’individu se développe. Pour ce faire, la mère est invitée à décrire les relations avec ses proches (enfants, parents, fratrie, conjoints ou conjointes, amis). De façon plus particulière, la durée des relations ou la fréquence des contacts ont été demandées. Pour rechercher les expériences de reconnaissance ou de déni à travers ces relations, des questions visaient plus particulièrement la description de scènes d’interaction, comme les questions suivantes : qu’est-ce que cette relation lui apporte et en retour qu’est-ce qu’elle apporte à l’autre ? Quelles sont d’après elle les attentes respectives au sein de cette relation ? Enfin, la répondante était aussi invitée à décrire des évènements significatifs ou marquants qui se sont déroulés ou qui se déroulent avec ses proches.

Respect de soi

Cette deuxième sous-dimension concerne le respect des droits et des obligations de la mère, puisque le respect de soi se développe sur la base d’acquisition de droits et du respect d’obligations. Dans cette partie, la mère est invitée à décrire la relation qu’elle a ou qu’elle a eue avec les acteurs entourant le placement de l’enfant, c’est-à-dire la DPJ, le système judiciaire et le milieu d’accueil de l’enfant. Ces relations sont choisies, car lorsque l’enfant est placé, des pouvoirs sont partagés entre la DPJ, le milieu d’accueil de l’enfant et la mère biologique. Par ailleurs, les mères peuvent aussi voir leurs qualités et compétences de mères reconnues ou non à travers ces relations. Par conséquent, ces relations affectent aussi la sphère de la reconnaissance sociale où elles peuvent maintenir ou développer leur estime de soi. Le choix de les inscrire au sein de cette sous-dimension est fait dans le respect de la perspective hiérarchique des relations de reconnaissance avancée par Honneth (2015). Pour que des qualités et aptitudes de mères soient reconnues, elles doivent préalablement avoir des droits parentaux ou des contacts avec leur enfant placé qui leur donnent l’occasion de les développer ou de les démontrer. Dans cette sous-dimension, la perception de la mère à l’égard du respect de ses droits et de ses obligations est recherchée. Elle est invitée à expliquer pourquoi elle considère ou non que ses droits sont respectés par ces trois acteurs. En ce qui concerne le respect ou non de ses obligations, ce sujet est traité en cherchant la perception de la répondante en ce qui concerne ses obligations à l’égard de son enfant placé et ceux à l’égard du suivi avec la DPJ. Une attention est aussi portée aux obstacles rencontrés dans l’exercice de ses obligations.

Estime de soi

Pour cette dernière sous-dimension, la relation entre la mère et d’autres personnes composant son environnement est décrite. À titre d’exemple, on peut penser à une voisine, un propriétaire ou un employeur. Cette partie inclut aussi la relation avec d’autres organisations comme le centre local d’emploi, par exemple. On cherche à travers la description des expériences de déni et de reconnaissance au sein de ces autres types de relation à saisir les conditions favorables et défavorables au développement de l’estime de soi de ces mères.

Tableau 4

Opérationnalisation du concept de reconnaissance sociale

Concept Dimensions dimensions Sous- Thèmes

Reconnaissance sociale Rapport à soi Confiance en soi

Ses relations avec les personnes qui composent ou qui ont composé son environnement immédiat (ex. : enfant[s], famille, amis, conjoint[e]) depuis la naissance de l’enfant. Les personnes qui sont ou qui ont été importantes, marquantes (positivement ou négativement). La durée de la relation, la fréquence des contacts. Qu’est-ce que cette relation lui apporte ou lui a apportée ?

- Ses attentes en ce qui concerne ces relations et sa perception des attentes de l’autre.

- Ce qui a facilité ou fait obstacle à la réponse à ses attentes. Les évènements significatifs qui se sont déroulés avec ces personnes.

Respect de soi

Ses relations avec les personnes qui composent son

environnement, notamment celles avec les acteurs entourant le placement de l’enfant (la DPJ, le système judiciaire, le milieu d’accueil de l’enfant).

Les évènements qui témoignent du respect ou non de ses droits et obligations.

- Le sentiment que ses droits ont été respectés ou non. - Le sentiment qu’elle a été en mesure ou non de respecter ses obligations.

Estime de soi

Ses relations avec d’autres personnes, la communauté et les autres organisations qui composent son environnement. Les autres personnes et autres organisations qui ont été présentes (importantes, marquantes) depuis la naissance de l’enfant. La durée de la relation, la fréquence des contacts. Qu’est-ce que cette relation lui apporte ou lui a apportée (positivement ou négativement) ?

- Ses attentes à l’égard de ces personnes ou des organisations et sa perception de leurs attentes.

- Ce qui a facilité ou fait obstacle à la réponse à ses attentes. Les évènements significatifs qui se sont déroulés avec ces personnes ou organisations.

Identité

Mère

- Ses attentes comme femme et comme mère aujourd’hui. - Les éléments (personnes, organisations, évènements) depuis la naissance de l’enfant qui ont le plus influencé la personne (la femme, la mère) qu’elle est devenue aujourd’hui.

3.5.1.2 Identité

Comme mentionné au chapitre précédent, l’identité réfère à nos goûts, désirs, opinions, aspirations ou aptitudes personnels, ce qui permet de définir qui nous sommes. Les deux sous-dimensions choisies pour examiner l’identité portent plus particulièrement sur les rôles de mère et de travailleuse (incluant les autres formes de participation sociale). La description du parcours scolaire et professionnel est abordée puisqu’il s’agit de la forme de reconnaissance sociale la plus reconnue. Toutefois, comme indiqué précédemment, la maternité peut être la forme de reconnaissance la plus importante pour ces mères. Pour ce faire, deux questions permettent d’aborder plus directement ce sujet. Une première, où ses attentes comme mère et comme femme sont examinées et une seconde ou la répondante est invitée à décrire les éléments (personnes, organisations, évènements) depuis la naissance de l’enfant qui ont le plus influencé (la femme, la mère) qu’elle est devenue aujourd’hui.