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Chapitre 5 – Les expériences de reconnaissance et de déni de reconnaissance des

5.3 Les relations avec les intervenantes de la DPJ et le milieu d’accueil de l’enfant

5.3.3 Les droits parentaux, un partage de pouvoir entre la DPJ, le milieu

Plusieurs mères abordent le sujet des droits parentaux qu’elles ont maintenus au fil des ans. Elles indiquent qu’elles détiennent toujours l’autorité parentale puisqu’elles signent les inscriptions scolaires et qu’elles doivent consentir à des soins médicaux ou au déplacement de leur enfant à l’extérieur du pays. Cependant, leur implication sur les plans scolaires et médicaux varie d’une répondante à l’autre. Certaines communiquent directement avec la professeure de l’enfant comme Marjolaine, alors que d’autres ne voient pas les bulletins scolaires de leur enfant. Ces responsabilités sont importantes pour plusieurs mères puisqu’elles viennent confirmer chez certaines leur statut de mère, comme l’indique Chloé. « Même si je n’ai plus les enfants puis que les enfants sont placés jusqu’à l’âge de la majorité, j’ai les droits des enfants pareils. Comme elle [l’intervenante] m’a dit. S’il y a de quoi à faire signer pour les enfants, je suis toujours là pareil. Ça fait que je suis encore comme la mère là en réalité. »

Si la plupart des répondantes affirment avoir maintenu leurs droits parentaux, plusieurs responsabilités à l’égard des suivis sur les plans médicaux et scolaires sont généralement laissées aux parents d’accueil. Des répondantes, comme Marie-Ève, mentionnent qu’elles ont le sentiment qu’on leur a enlevé ce droit. « Elle m’a tassée des rencontres [scolaires] là. Elle m’a vraiment tassée de tout, tout, tout, tout, tout. » D’autres ont plutôt délaissé cette partie pour faciliter le travail des parents d’accueil qui sont présents au quotidien dans la vie de leur enfant. Marie-Pierre ajoute toutefois qu’il y a des différences entre ce que l’intervenante lui explique sur le partage des pouvoirs avec la famille d’accueil et ce qu’elle perçoit.

Je pense que c’est facile pour une famille d’accueil à majorité de penser que c’est leur enfant et de penser aussi que les décisions leur reviennent, mais ce n’est pas comme ça que mon intervenante me l’explique. Moi j’ai toujours le dernier mot, même si là on a signé des trucs à l’école pour que ce soit plus facile, que ce soit elle directement parce que sinon je serais tout le temps rendue au bureau de la DPJ pour signer les papiers. Mais tu sais, on dirait qu’elle a pris pour acquis à cause de ça, elle a pris pour acquis toutes les décisions.

Marjolaine explique pour sa part qu’elle a maintenu tous ses droits parentaux et que les milieux d’accueil de ses enfants sont très respectueux. « L’école, le médecin… même couper

les cheveux [de mes enfants] elle me le demande, elle, la famille d’accueil. » En contrepartie, Laurence indique pour sa part qu’elle ne se sent pas reconnue comme étant la mère de l’enfant par l’intervenante de la DPJ. « À trois reprises la dernière fois elle [l’intervenante] a dit : “l’enfant de la DPJ, l’enfant de la DPJ, l’enfant de la DPJ”. » D’autres mères ne reçoivent pas ce message aussi directement, mais elles ont le sentiment qu’elles sont exclues des prises de décisions concernant le bien-être de leur enfant, comme le mentionne Catherine. « Les droits ne sont pas tous cédés à la famille d’accueil, je ne sais pas pourquoi j’ai gardé des droits, mais je sais qu’une fois en cour, la juge avait dit que ça prenait un des deux parents qui acceptent, mais… dans le fond, les parents on dirait que c’est la DPJ. Dans le fond, la DPJ peut prendre aussi une autorisation. »

Enfin, on note au passage qu’il est parfois difficile pour les répondantes de bien comprendre les dispositions de la LPJ, puisque lorsqu’on demande à Cindy si elle a maintenu des droits parentaux après le placement jusqu’à la majorité de sa fille elle répond : « ça, je ne sais pas ». Cette partie montre comment la reconnaissance de l’intervenante et des parents d’accueil à l’égard des compétences et du statut de mère peut venir confirmer la valeur que les répondantes s’accordent comme mère. On voit notamment apparaître cette reconnaissance à travers les propos de Chloé qui mentionne que l’intervenante lui confirme qu’elle restera toujours la mère de ses enfants même si ces derniers sont placés jusqu’à leur majorité. Aussi, les propos de Marjolaine indiquent que le milieu d’accueil lui reconnaît son statut de mère en lui demandant la permission de couper les cheveux de ses enfants. En contrepartie, plusieurs répondantes témoignent de situations vécues comme des expériences de déni de reconnaissance. Dans le cadre de la relation avec l’intervenante, des répondantes ont le sentiment que leurs forces ne sont jamais considérées et que l’accent est porté sur leurs incapacités ou leurs problèmes. Elles ont donc le sentiment de ne jamais pouvoir atteindre les attentes de l’intervenante. On observe aussi que d’autres sentent qu’elles ne sont pas considérées comme étant la mère de l’enfant placé ou ont le sentiment que la DPJ tente de les exclure de la vie de leur enfant. Ainsi, à travers ces échanges avec les intervenantes, leur valeur ne peut jamais se voir confirmée. On constate aussi que la perception que des institutions ou des professionnels contrôlent une partie de leur vie peut entraîner la démission

de la mère ou le refus d’aide provenant des établissements. Enfin, un autre acteur important au sein du système de la protection est le milieu d’accueil de l’enfant.