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Ce chapitre présente un résumé de la situation des participantes au moment de l’entretien. Les informations concernant l’âge de leurs enfants (placés ou non) permettent de connaître leur histoire de maternité. Le contexte menant au placement des enfants est décrit à partir de la perception de la répondante. Aussi, l’enfant cible déterminé pour l’étude y est précisé lorsque la mère a plus d’un enfant placé. Enfin, des informations concernant tous leurs enfants et leur histoire de placement sont synthétisées dans le Tableau 5.

Laurence13

Au moment de l’entretien, Laurence a un garçon âgé de six ans. Elle apprend qu’elle est enceinte au début du deuxième trimestre de sa grossesse, soit au quatrième mois. La grossesse n’était pas prévue et Laurence prend le temps de bien réfléchir avant d’entamer des démarches visant l’adoption de son enfant à naître. À la naissance de l’enfant, Laurence éprouve des difficultés à se séparer de son enfant. Elle décide donc de renoncer au projet d’adoption. À sa sortie de l’hôpital, l’enfant est confié dans le cadre d’un placement temporaire à une première famille d’accueil puisque la DPJ considère qu’elle n’est pas apte à s’occuper de son enfant. Laurence accepte par la suite que son fils soit placé jusqu’à sa majorité. C’est pour elle une bonne solution puisqu’elle souhaite maintenir des liens avec son enfant et qu’il puisse évoluer jusqu’à ses 18 ans au sein du même milieu familial.

Marie-Pierre

Marie-Pierre a trois enfants âgés de dix14 ans, huit ans et dix mois issus de deux unions. La

DPJ est entrée dans leurs vies alors que son fils aîné était en bas âge. Pendant les premières années, les enfants sont suivis par la DPJ, et maintenus au domicile familial. Un peu plus d’un an après la naissance de son second enfant, Marie-Pierre et son conjoint consomment des drogues et une dynamique de violence conjugale au sein du couple entraîne le placement

13 Les prénoms des répondantes sont fictifs. Certaines informations sont modifiées afin de préserver l’anonymat

des mères qui ont participé à l’étude.

temporaire des enfants. À ce moment, les deux enfants sont confiés à des milieux d’accueil différents. Quelques mois avant le placement des enfants jusqu’à leur majorité, le couple se sépare. Le père des enfants entre en détention et Marie-Pierre commence des démarches pour mettre fin à ses problèmes de consommation de drogues et d’alcool. Marie-Pierre accepte le placement jusqu’à la majorité de ses enfants puisqu’elle constate qu’il est difficile pour elle, à ce moment, de reprendre la garde. Les enfants sont alors placés jusqu’à leur majorité au sein du même milieu d’accueil.

Marie-Pierre a par la suite donné naissance à un troisième enfant, issu d’une deuxième union. Elle maintient la garde durant sa première année et demie de vie. Elle doit toutefois mettre fin à la relation avec le père de l’enfant, ce qui est particulièrement difficile. Au moment de l’entretien, son cadet est placé dans le cadre d’une mesure de placement temporaire. Il a été confié à une famille d’accueil à la suite d’une agression que Marie-Pierre a subie dans le cadre de la relation conjugale. Cet évènement a mené à l’incarcération du père de son troisième enfant.

Gabrielle

Gabrielle a un garçon âgé de près de quatre ans. À l’annonce de la grossesse, Gabrielle était ambivalente et après réflexion, elle décide de poursuivre sa grossesse. Elle était alors en couple avec le père de l’enfant. La DPJ intervient deux jours après la naissance de son fils. Gabrielle croit qu’un signalement aurait été fait avant la naissance de l’enfant par une travailleuse sociale du Centre local de services communautaires (CLSC) que le couple avait rencontré. D’après elle, la travailleuse sociale avait rapidement jugé son conjoint. Elle a toutefois quitté l’hôpital avec son enfant, mais sa mère doit résider avec elle les cinq premiers jours, afin de lui donner un coup de main. Par la suite, la DPJ interdit au père de l’enfant de se présenter au domicile de Gabrielle. Cette interdiction est alors très difficile à respecter, puisque Gabrielle est toujours très amoureuse du père de l’enfant. C’est à l’âge

de six mois que son enfant est placé au sein d’une famille d’accueil de type banque mixte15,

puisque Gabrielle n’a pas mis fin à sa relation conjugale. Il sera par la suite placé jusqu’à ses 18 ans au sein du même milieu d’accueil.

Élise

Élise a trois enfants âgés de douze16, dix et deux ans issus de deux unions. Le placement des

deux plus vieux est survenu après la rupture de la relation avec le père des enfants. La dépression avec tentatives de suicide d’Élise a mené au placement de ses enfants. Le retour à l’équilibre a pris quelques années, par conséquent Élise a accepté le placement jusqu’à la majorité de ses enfants puisqu’elle constatait alors que sa condition physique et psychologique ne lui permettait pas de prendre soin d’eux au quotidien. Quelques années plus tard, elle a fait la rencontre d’un autre homme avec qui elle a eu un troisième enfant. Cet enfant n’est pas suivi par la DPJ.

Catherine

Catherine est mère de deux adolescentes, l’aînée a près de 17 ans et sa cadette est âgée de 1417 ans. Les deux filles ont été placées à des moments différents. L’aînée est tout d’abord

15 Il s’agit de « familles d’accueil à vocation adoptive qui peuvent éventuellement adopter l’enfant qu’elles

hébergent si les conditions cliniques et juridiques sont réunies » (Châteauneuf et Lessard, 2015, p. 20). Ce projet de vie est choisi lorsque la DPJ évalue la situation d’enfants en bas âge qui sont à haut risque d’abandon. Au Québec, le système de protection de l’enfance prévoit des durées maximales de placement qui varient en fonction de l’âge de l’enfant. La LPJ stipule que la durée maximale d’hébergement est de 12 mois pour les enfants de moins de deux ans, de 18 mois pour les enfants âgés de deux à cinq ans et de 24 mois pour les enfants de six ans et plus (Gouvernement du Québec, 2007). À l’intérieur de cette période, une planification concurrente est élaborée : c’est-à-dire qu’un projet de vie, envisageant à la fois le retour de l’enfant auprès de ses parents et son retrait à long terme, est déterminé et planifié en fonction de l’intérêt de l’enfant (MSSS, 2016). Lorsque le maintien ou le retour à domicile de l’enfant ne sont pas possibles, un projet de vie alternatif est choisi dans les délais prescrits par la LPJ. Dans ce contexte, les choix sont : 1) le placement de l’enfant jusqu’à sa majorité auprès d’une personne significative ; 2) l’adoption de l’enfant ; 3) la tutelle de l’enfant en vertu de la LPJ ; 4) le placement de l’enfant jusqu’à sa majorité dans une famille d’accueil ; 5) le placement de l’enfant jusqu’à sa majorité dans une ressource offrant des services spécifiques ; et 6) le projet de vie axé sur l’autonomie du jeune (MSSS, 2016). Dans le contexte du placement de l’enfant dans une famille d’accueil de type banque mixte, le projet de vie alternatif envisagé est l’adoption de l’enfant, puisque ces familles sont repérées à partir d’une « “banque” de noms d’adoptants potentiels qui acceptent d’être évalués à la fois comme famille d’accueil et comme candidats à l’adoption » (Châteauneuf et Lessard, 2015, p. 22).

16 Il s’agit de l’enfant cible.

17 La fille cadette de Catherine est déterminée comme enfant cible, puisqu’elle indique que sa fille aînée a été

placée à l’âge de huit ans dans le cadre d’une mesure d’urgence chez sa grand-mère paternelle qui habite dans une autre région. Durant l’enfance, l’aînée aurait développé des problèmes de comportement qui seraient devenus de plus en plus lourds à gérer. Par la suite, cette dernière a vécu au sein de différents milieux d’accueil (famille d’accueil, foyers de groupe, centre d’accueil). Ce sont les problèmes de comportement de sa fille aînée qui ont motivé la décision du placement jusqu’à sa majorité. Au moment de l’entretien, l’aînée vit au sein d’un foyer de groupe.

Après le placement de son aînée, Catherine a maintenu la garde de sa cadette, bien que cette dernière ait été suivie par la DPJ. Le placement temporaire de sa plus jeune s’est déroulé alors qu’elle était âgée de neuf ans et environ un an après le placement jusqu’à la majorité de son aînée. Catherine explique qu’elle a demandé le placement de sa fille alors qu’un nouveau signalement pour une situation de négligence est retenu. Catherine indique que sa fille a toujours eu un faible poids, et que les efforts qu’elle a déployés pour favoriser la prise de poids de sa fille n’ont pas été pris en considération. Découragée et épuisée, Catherine ne se sentait plus en mesure de gérer les demandes de la DPJ. Elle a donc demandé aux intervenantes de placer son enfant. Sa plus jeune a ensuite été placée jusqu’à sa majorité deux ans après le placement temporaire, puisque Catherine n’aurait pas fait les démarches psychosociales demandées par la DPJ.

Sylvie

Sylvie a une fille de neuf ans placée jusqu’à sa majorité. La DPJ est arrivée dans la vie de l’enfant au quatrième jour de sa naissance pour un premier placement. Sylvie est admise à ce moment au département de psychiatrie de l’hôpital. Elle retrouve la garde de sa fille après cinq semaines et toutes les deux sont accueillies dans un organisme et y résideront durant environ cinq mois. Pendant leur séjour, le père de l’enfant obtient la majeure partie des temps de garde. Par conséquent, Sylvie se retrouve avec la garde de sa fille à raison de deux jours par semaine. Au bout d’une année, le père de l’enfant confie leur fille à la DPJ. L’enfant est alors accueilli dans une première famille pour une période de 30 jours, pour ensuite intégrer une nouvelle famille d’accueil auprès de qui elle réside encore aujourd’hui. Elle mentionne que son enfant est aujourd’hui placé jusqu’à sa majorité sur la base d’un diagnostic que Sylvie a reçu à l’âge de 22 ans pour un problème de santé mentale.

Élodie

Élodie a trois enfants âgés de neuf, sept et deux ans, issus de deux unions. Élodie entre en maison de thérapie pour contrer une dépendance aux drogues alors qu’elle est à son sixième mois de grossesse. Le premier placement temporaire de sa fille s’est déroulé deux mois après sa naissance, à la suite d’un signalement fait par le père d’Élodie. Ce dernier croyait alors qu’Élodie avait fait une rechute de consommation de drogues, ce qu’elle nie. Elle indique plutôt avoir fait une rechute à la suite du placement de sa fille. À l’âge de six mois, sa fille est déplacée dans une famille d’accueil de type banque mixte et placée à ce moment jusqu’à sa majorité. Après avoir cessé à nouveau de consommer, Élodie fait la rencontre de son conjoint actuel. Elle a donné naissance à deux autres enfants qui ont toujours vécu avec elle et qui n’ont jamais été suivis par la DPJ.

Adèle

Adèle a un garçon âgé de près de cinq ans qui est placé jusqu’à sa majorité dans une famille de type banque mixte. Il a connu ce milieu d’accueil à son septième jour de naissance. Pendant le premier trimestre de sa grossesse, Adèle a été admise à l’hôpital pour traiter une psychose et elle y restera durant toute sa grossesse. Elle a accepté le placement jusqu’à la majorité de son enfant pour que ce dernier ne change pas de milieu d’accueil et qu’il puisse recevoir les soins qu’elle n’était pas alors en mesure de lui prodiguer.

Marie-Ève

Le fils de Marie-Ève est âgé de 11 ans. Le premier placement s’est déroulé alors que Marie- Ève était dans une relation où elle était victime de violence conjugale et qu’elle avait augmenté sa consommation de drogues. Son fils âgé de cinq ans est alors placé chez sa tante dans une autre région. Après avoir réussi les tests de dépistage témoignant qu’elle ne consomme plus, elle retrouve la garde de son enfant pour une période d’environ un an et demi. En ce qui concerne le deuxième placement, celui-ci survient après avoir sollicité l’aide de sa mère, afin que cette dernière prenne soin de son fils alors qu’elle mettait fin à la relation conjugale. Après cette séparation, Marie-Ève s’est retrouvée sans domicile. Une situation qui a perduré quelques années. Comme elle n’a pas réussi à stabiliser sa situation au cours des deux ans suivant ce dernier placement, son fils a été placé à l’âge de huit ans chez sa grand-

mère maternelle, jusqu’à sa majorité. Marie-Ève explique qu’elle avait alors peu de revenus, puisqu’elle n’avait pas droit à l’aide de dernier recours. En fait, Marie-Ève a une propriété dans une autre région où d’importants travaux doivent être effectués avant qu’elle puisse l’habiter. Elle précise que le fait d’être propriétaire ne lui permettait pas de répondre aux critères d’admissibilité à l’aide sociale.

Mélanie

Mélanie a deux enfants âgés de sept et deux18 ans, issus d’unions différentes. Deux semaines

après la naissance de son aîné, le père de l’enfant quitte le domicile et le couple se sépare. Des difficultés à payer le loyer mènent Mélanie dans un centre d’hébergement pour femmes en difficulté. Pendant son séjour, son fils est placé une première fois. Après avoir fait une évaluation de ses habiletés parentales, elle récupère progressivement la garde de son enfant. Toutefois, deux semaines après avoir retrouvé la garde complète, son fils est placé à nouveau au sein d’une famille d’accueil pour ensuite être placé jusqu’à sa majorité quelques mois plus tard au sein de ce milieu d’accueil. Mélanie ne mentionne pas explicitement pourquoi son enfant est à nouveau placé, mais on sait que ses compétences parentales sont à nouveau remises en question. Mélanie a consenti à l’adoption de son fils alors qu’il était âgé de quatre ans. On note toutefois que l’enfant ne sera jamais adopté puisque le père d’accueil est décédé durant le processus d’adoption. Le placement jusqu’à la majorité a été maintenu et l’enfant est resté au sein du même milieu d’accueil.

Le suivi pour le plus jeune a commencé dès la naissance de l’enfant. Il a été placé une fin de semaine, dès sa sortie de l’hôpital, dans une famille d’accueil, pour ensuite être déplacé, à la demande de Mélanie, chez une de ses amies. L’enfant y restera durant trois mois. Comme pour son aîné, elle réussit l’évaluation de ses compétences parentales, ce qui a pour effet qu’elle récupère la garde pour une période d’environ six mois. C’est au moment où son enfant est hospitalisé que la garde lui est retirée à nouveau, car la DPJ croit alors que Mélanie a blessé son enfant. À ce moment, son enfant est placé chez sa sœur, comme souhaité par Mélanie. Quelques mois plus tard, il sera confié jusqu’à sa majorité à cette dernière. Au

18 Il s’agit de l’enfant cible, puisque Mélanie a consenti à l’adoption de son aîné. Un enfant qui toutefois ne

moment de l’entretien, l’enfant de Mélanie a changé de milieu d’accueil. Il a quitté le domicile de sa sœur pour être confié à une famille d’accueil. Selon Mélanie, sa sœur a demandé à la DPJ de trouver un nouveau milieu d’accueil pour l’enfant, puisqu’elle ne se sentait plus en mesure de prendre soin de lui.

Chloé

Chloé a deux enfants âgées de 1519 et 10 ans. À la naissance de l’aînée, la mère adoptive de

Chloé doit aller vivre avec le couple pour qu’ils puissent apprendre à s’occuper de l’enfant. Après quelques jours, la mère adoptive de Chloé est retournée chez elle et le suivi de l’enfant par la DPJ se poursuit. À l’âge de six ans, son aînée est placée chez la mère adoptive de Chloé. Un placement qui s’est déroulé avant la naissance de son cadet.

En ce qui concerne son deuxième enfant, ce dernier est placé vers l’âge de quatre ans. Chloé avait alors demandé à sa mère adoptive de garder son fils un moment puisque le père de l’enfant et elle était en rupture d’union et que la situation était conflictuelle. La DPJ décidera alors d’officialiser le placement chez sa mère. Les deux enfants de Chloé sont placés jusqu’à leur majorité chez cette dernière au même moment, un peu plus d’un an après le placement de son deuxième enfant. Ainsi, ils ont toujours eu le même milieu d’accueil. D’après Chloé, le manque de stimulation est le motif qui a mené au placement de ses enfants. Elle indique que ses enfants ont été placés parce qu’elle ne faisait pas suffisamment de jeux avec eux. Les enfants de Chloé sont suivis par la DPJ depuis leur naissance. Chloé n’indique pas les raisons pour lesquelles ses enfants ont toujours été suivis par la DPJ. On sait toutefois que Chloé a déjà eu un suivi avec le Centre de réadaptation en déficience intellectuelle (CRDI).

Cindy

Cindy a quatre enfants âgés de 14, 13, 220 ans et demi et 1 an. Les deux premiers sont issus

d’une même union. L’aînée a été confiée à l’adoption, alors que le deuxième vit avec son père. Un peu plus d’une dizaine d’années se sont écoulées avant la naissance de son troisième enfant. Sa fille a été placée dès sa naissance au sein d’une famille d’accueil de type banque

19 Il s’agit de l’enfant cible. 20 Il s’agit de l’enfant cible.

mixte. Un peu plus d’un an après, elle donne naissance à son quatrième enfant. Ce dernier a été confié au même milieu d’accueil dès sa sortie de l’hôpital. Cindy a tenté de mettre fin à ses problèmes de consommation de drogue et explique avoir diminué considérablement durant une période de près de trois ans. Au moment de l’entretien, cela faisait environ six mois que sa fille (son troisième enfant) était placée jusqu’à sa majorité alors que le cadet était confié dans le cadre d’une mesure de placement temporaire. Toutefois, elle est convaincue qu’il sera éventuellement, lui aussi, placé jusqu’à sa majorité.

Marjolaine

Marjolaine a quatre enfants âgés de 22, 1121, 9 et 8 ans issus de deux unions différentes. Sa

fille aînée, née d’une première union a été confiée à l’adoption il y a une douzaine d’années. Marjolaine a eu par la suite trois autres enfants, issus d’une même union. Pendant la grossesse de son deuxième enfant, elle est incarcérée. C’est une occasion pour elle de reprendre sa vie en main. Elle donne par la suite naissance à ses deux autres enfants. Ses trois enfants sont placés une première fois, peu de temps après que le père des enfants soit sorti de détention. Ils étaient alors âgés de cinq, trois et deux ans. À ce moment, Marjolaine était victime de violence conjugale et elle avait recommencé à consommer des drogues. Après le placement, le couple se sépare. Le père des enfants retourne en détention et Marjolaine cesse de consommer. Marjolaine rencontre par la suite son conjoint actuel et elle retrouve la garde de ses trois enfants, un peu moins d’un an après le placement pour une période de deux ans.