• Aucun résultat trouvé

Chapitre II : Les innovations apportées par le Règlement SE

Section 1 : Le Règlement, vecteur de coopération transfrontalière et de concentration économique

A) Le recours à la SE holding

177. Cette notion de holding n’a rien de juridique. Une société holding est

semblable à toute autre société. La forme, les conditions de fonctionnement, et les organes sociaux d’une société holding sont tributaires de leurs environnements, de leurs activités ou ce à quoi les actionnaires et dirigeants les destinent282.

178. Cependant, si la société holding est semblable à une autre société, le droit

fiscal distingue le fait d’investir sous forme de placement ou d’investir dans un projet entreprenarial. Les répercussions fiscales de ces deux options ne sont pas les mêmes283.A la différence des autres sociétés, la holding contrôle une ou plusieurs filiales et elle se trouve à la tête d’un groupe284. Mais, le fait « de contrôler une kyrielle de personnes morales à travers une holding ne lui ouvre pas toutes les portes du groupe »285. Par ailleurs, il existe une multitude de holding : des holdings patrimoniales, des holdings de rachat286, des holdings de famille, des holdings dont les actions sont cotées en bourse, et des holdings animatrices287 ou non288.

282

Cf. J.-Ph. DOM, « Le droit des contrats au service de l’animation effective d’un groupe de sociétés », in

La société holding animatrice, Cahiers de droit de l’entreprise, 2006, n° 6, p. 43 s.

283J.-Ph. DOM, ibid, p. 43, spéc. p. 44.

Par ailleurs, il existe un intérêt fiscal à s’assurer de l’existence d’une société holding animatrice, voir infra.

284

En effet, selon la CA de Paris, une telle forme de société n'est interdite par aucune disposition légale ou réglementaire. Son rôle consiste précisément à exercer un contrôle sur les filiales pour définir la politique économique de l'ensemble.

Le contrôle doit s’entendre au sens de l’article L 233-3 du Code de commerce.

P. LE CANNU, note sous, CA Paris, 1re ch. A, 18 juin 1986, Bull Joly, 1986, n° 9, p. 853.

285 J.-Ph. DOM, « Le droit des contrats au service de l’animation effective d’un groupe de sociétés », op. cit,

p. 43 s.

286 « Le LBO ou Leveraged Buy-Out est une opération de rachat d’entreprise en finançant une part

importante du prix d’acquisition par endettement. Une société holding qui s’endette est constituée pour acheter une entreprise dont les excédents de trésorerie seront régulièrement remontés au niveau du holding via des dividendes afin de lui permettre de payer les intérêts de sa dette et de la rembourser. Le LBO est souvent une solution à une succession familiale ou à une cession par un groupe d’une division. Elle peut également permettre de sortir une société de la Bourse quand celle-ci est mal valorisée », P. VERNIMMEN, P.-I. QUIRY et Y. LE FUR, Finance d’entreprise, Dalloz Gestion, 2005, 6e édition, chapitre 49, p. 978.

287 Il existe un intérêt fiscal à s’assurer de l’existence d’une société holding animatrice. Cette notion est

issue de la doctrine administrative, pourtant la définition qu’elle donne est disparate et imprécise. Elle se caractérise essentiellement par des critères qualitatifs et factuels, qui sont source d’insécurité pour le contribuable amené à solliciter le bénéfice des régimes de faveur, N. GOULARD, « Société holding animatrice : fiscalité personnelle et enjeux », in La société holding animatrice, Cahier de droit de

l’entreprise, n° 6, nov-déc 2006, p. 21 s.

C’est la jurisprudence, notamment l’arrêt Elias qui est venue unifier les critères. Elle permet à l’actionnaire d’une société holding de considérer que ses actions ont la qualité de biens professionnels et, comme telles de ne pas entrer dans l’assiette de détermination de l’ISF, J-Ph. DOM, « Holding animatrice : une notion unifiée par la cour de cassation », Rev. soc., 2005, p. 877.

Le caractère effectif de l'animation par la holding se fonde sur des pratiques qui démontrent « la réalité de la pression exercée par le dirigeant de la holding sur les filiales pour assurer l'unité économique du groupe », Cl. CHAMPAUD, D. DANET, note sous CA Paris, 7 juin 2006, Elias c/ Directeur des services fiscaux de

la Côte d’Or, RTD com., 2007, p. 390. La société holding est animatrice en ce qu’elle maîtrise la politique

179. La holding peut faire l’objet d’une société. En effet, la jurisprudence

française ne s’oppose pas à ce qu’un protocole d’accord ait pour objet la constitution d’une société holding289. Cela signifie in fine qu’une société peut licitement faire l’objet d’une holding. D’ailleurs, selon la jurisprudence, la holding n’est interdite par aucune disposition légale ou réglementaire290.

180. Pourtant, la licéité de la holding a été contestée, car elle permet le transfert du

pouvoir de décision à son niveau et porter atteinte au droit de vote des associés des sociétés contrôlées291. Or, le rôle de la holding est précisément d’exercer un contrôle sur les filiales pour définir la politique de l’ensemble du groupe. Aucune disposition légale ou réglementaire292 n’interdit de le faire.

181. Une atteinte illicite au droit de vote des actionnaires peut annhiler de nullité

la société holding. Cependant, elle n’est pas avérée lorsque les actionnaires ont pu continuer à participer à la vie sociale dans la proportion des capitaux dont ils disposaient293. De même, la contestation de la réalité même de la holding est écartée, si la société est animée par ses propres organes sociaux en exerçant leur compétence et en prenant des décisions294. Elle ne peut être contestée que si il s’agit d’une coquille vide.

182. A titre d’exemple, dans l’affaire société Lustucru et autres, le protocole

d’accord avait pour objet la création d’une SA holding pour définir la politique d’ensemble du groupe. Cet accord précisait aussi bien les modalités de participations financières, que les représentations au sein du directoire et du conseil de surveillance295. Suite à un désaccord, les actionnaires de Cartier-Million demandent l’annulation de l’accord du protocole. Selon eux il comporte une convention de vote portant atteinte aux

animatrice : fiscalité personnelle et enjeux », op. cit., p. 21, spéc. p. 22; J.-Ph DOM, « Le droit des contrats au service de l’animation effective d’un groupe de sociétés », op. cit., p. 43, spéc. p. 48

288

J.-Ph. DOM, ibid, p. 21, p. 43.

289 P. LE CANNU, note sous, Cass. com., 24 février 1987, Bull Joly soc., 1987, n° 3, p. 213. Ce n’est pas

clairement évoqué dans l’arrêt, mais c’est qu’il en ressort. En effet, ce point n’est pas critiqué par l’arrêt.

290 P. LE CANNU, note sous, CA Paris, 1re ch. A, 18 juin 1986, op. cit., p. 853. 291

C’est cet argument qui a été avancé par les appelants pour contester la licéité de la holding.

292

Cette solution a été confirmée dans l’arrêt rendu par la chambre commerciale de la cour de cassation, P. LE CANNU, note sous, Cass. com., 24 février 1987, op. cit., p. 213

293 P. LE CANNU, note sous, CA Paris, 1re ch. A, 18 juin 1986, op. cit., p. 853 294

A. VIANDIER, note sous, CA Paris, 20 octobre 1980, Rev. soc., 1980, p. 776.

De même, cette validité doit également concerner les cascades de holdings, fréquemment utilisées pour faciliter l'acquisition de titres sociaux et, plus généralement, pour alléger le poids financier des contrôles sociétaires.

295

droits des actionnaires. Il demande la nullité de la société holding parce qu’elle est l’instrument de cette convention296.

183. Pour les juges de 1ere instance, il n’y pas lieu de résilier le protocole

d’accord parce qu’il ne peut être assimilé à une convention de vote. La nullité de la société holding ne peut donc pas être prononcée car son illicéité et sa fictivité ne sont pas démontrées297. La Cour d’appel d’Aix infirme le jugement. Le protocole serait nul parce qu’il contiendrait une convention de vote qui empêcherait les actionnaires de voter. Il existerait une atteinte structurelle au droit de vote rendant la société « non viable ». La Cour de cassation a cassé cet arrêt. La cour d’appel sur renvoi, confirme le jugement rendu en première instance298. L’objet du protocole est la constitution de la société

holding, or aucune disposition légale ou réglementaire ne l’interdit. Les règles de

répartition des sièges évoquées dans une des clauses du protocole, ont été prises en compte lors de l’adoption des statuts de cette société299.

184. En conséquence, le Règlement en proposant la création d’une SE holding,

retire aux initiateurs de cette holding toute crainte quant à la remise en cause de sa validité. Contrairement aux autres formes sociales, la SE sécurise les relations entre les différents partenaires qui sont à l’origine de sa création.

185. Pourtant, d’autres formes sociales peuvent sembler offrir plus de libertés aux

partenaires. Cependant, la SE offre non seulement une certaine sécurité, mais également, si elle est immatriculée en France, un régime proche de celui des SAS, lorsque la SE est fermée300. La SE holding peut a priori revêtir toutes les variantes des holding. Aux termes

296 P. LE CANNU, ibid, p. 374.

297 En effet, les conventions qui limitent l’indépendance de l’associé sont admises si elles sont justifiées par

l’intérêt social.

Les conventions de vote à engagement individuel, sont licites si elles sauvegardent le droit de participation des actionnaires c'est-à-dire si elles ne portent pas atteintes au droit de vote de l’associé, si elles ne sont pas contraires à l’intérêt social et si toute idée de fraude est absente.

298 Ainsi, la société holding et la convention de vote sont valides. La demande de dissolution pour justes

motifs fondée sur un prétendu abus de majorité est rejetée.

299

Afin d’éviter toute contestation des accords sur la base d’une atteinte structurelle des droits de vote ou, sur l’effet relatif des contrats, les modalités (en l’espèce une représentation paritaire) prévues doivent être reprises dans les statuts de la société.

En effet, selon P. LE CANNU les protocoles d’accord peuvent produire des effets au-delà de l’objet que les signataires souhaitent voir réaliser (la constitution d’une société par exemple) à condition que cela y soit bien indiqué. Cf P. LE CANNU, note sous Cass. com., 24 février 1987, op. cit., p. 213

300 En effet, de multiples modalités visant notamment à contrôler l’actionnariat peut être mise en place. Voir

de l’article 2.2 du Règlement SE, sous certaines conditions les SA et les SARL peuvent promouvoir la constitution d'une SE holding.

186. La jouissance paisible d’une structure sociale, pour abriter la coopération de

partenaires, se retrouve également dans la constitution d’une SE filiale.

Outline

Documents relatifs