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L’exercice du renvoi vers le droit national opéré par le Règlement SE

Section 1 : L’articulation des dispositions européennes et nationales

B) L’exercice du renvoi vers le droit national opéré par le Règlement SE

534. Les domaines du droit non couvert par le Règlement SE, tels que la fiscalité,

la concurrence, la propriété intellectuelle ou l’insolvabilité678, sont relayés par le droit en vigueur de l’Etat où la société a son siège statutaire. Il est issu des directives européennes afférant qui y ont été transposées.

535. A titre d’exemple, l’établissement des comptes annuelles de la SE, et le cas

échéant, de ses comptes consolidés, avec le rapport de gestion les accompagnants, leurs contrôles et leurs publicités, sont soumis au droit applicable de la SA, relevant du droit de l’Etat membre du lieu du siège statutaire de la SE. En outre, elle relève des dispositions nationales qui sont propres à l’exercice de ces activités679, dans le cas où cette SE est un établissement de crédits ou financiers, ou encore une « entreprise » d’assurances.

536. En somme, chaque fois qu’une SE poursuit une activité relevant d’un secteur

d’activités soumis à des dispositions nationales spécifiques, les règles nationales supplémentaires régissant ces activités sont alors applicables à cette société680. Par conséquent, un établissement financier poursuivant son activité par le biais d'une SE est également régi par des directives spécifiques à l'activité poursuivie ainsi qu’aux dispositions nationales les transposant.

537. De même pour ce qui est des aspects du statut de la SE non traités par le

Règlement SE, ou qui le sont partiellement, la société est traitée comme une SA. En effet, il résulte de la combinaison des articles 9 et 10 de ce Règlement et de l’article L 229-1 du Code de commerce, que la loi de l’Etat du siège comprend aussi bien les dispositions adoptées relatives à la SE, que les dispositions applicables à la SA constituée selon le droit de l’Etat membre concerné. Ce, dans la mesure où elles ne sont pas

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C'est ce qu'il résulte du considérant n° 20 du Règlement SE.

679 C’est ce qui résulte des articles 61 et 62 du Règlement SE. Les établissements de crédits ou financiers

relèvent en la matière aux dispositions nationales applicables conformément à la directive 2000/12/CE du Parlement européen et du Conseil du 20 mars 2000 concernant l’accès aux activités précitées. Et les entreprises d’assurances relèvent en la matière aux dispositions nationales applicables conformément à la directive 91/674/CEE du Conseil relatif aux comptes annuels et aux comptes consolidés des entreprises d’assurance.

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contraires aux dispositions spécifiques aux SE681. En conséquence, sous réserve des dispositions dudit Règlement, une SE est traitée dans chaque Etat membre comme une SA constituée selon le droit de l’Etat membre dans lequel la société a son siège statutaire682.

538. C’est ainsi que, par exemple, les dispositions boursières applicables aux SA

ouvertes à l’appel public à l’épargne sont applicables aux SE ouvertes au même type d’appel. En effet, les sociétés cotées en bourses doivent respecter les règles de marché. De même que les obligations et les titres assimilés obéissent à un régime juridique spécifique. D’ailleurs, l’essentiel des règles de police du marché boursier concernent les franchissements de seuil et les déclarations d’intention, ainsi que la publicité des pactes d’actionnaires683.

539. Dès lors, les dispositions relatives aux valeurs mobilières d’une SE sont les

mêmes que celles qui sont prévues pour la SA, ayant son siège statutaire dans l'État membre où la SE est immatriculée. Elles répondent donc au même régime684. Ainsi, par exemple, la remise de titres d’une société immatriculée en France aux actionnaires d’une société étrangère, suite à une fusion par absorption, conduit à l’obligation de publier un « prospectus », définit comme le « prospectus d’admission ». En effet, bien que cette remise de titre ne constitue pas en tant que telle une offre publique de titres, l’admission à

681 Le Règlement SE peut directement faire référence au droit national applicable aux SA. L’article 5 de ce

Règlement prévoit par exemple que les actions, les obligations et autres titres assimilables de la SE sont régis par les dispositions qui s'appliqueraient à une SA ayant son siège statutaire dans l’Etat membre où la SE est immatriculée.

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Les modes d’acquisition de la qualité d’associé sont déterminés par la lex societatis. Il en est de même pour le statut d’associé et de la perte de cette qualité. Selon la cour de cassation « les obligations de la société envers ses actionnaires sont régies par la loi nationale de cette société, d’où il suit que cette loi seule détermine, quel que soit le pays où les titres sont émis, les conditions dans lesquelles s’acquiert, se conserve et se perd la qualité d’actionnaire ». 1re Ch. Civ. Cass., 17 octobre 1972, Rev. soc., 1974, p. 127, note BISMUTH ; Rev. Crit. DIP, 1973, p. 520, note H. BATIFFOL ; Journal de droit international, 1973, p. 716, note B. OPPETIT.

En matière de fonctionnement de la société, c’est la lex societatis qui le régit normalement.La question de la capacité de la société et des pouvoirs des mandataires sociaux sont celles qui donnent lieu à plus de contentieux.

683 La société émettrice doit établir et soumettre au visa de l’AMF un prospectus contenant des informations

(quelle que soit la nationalité de l’initiateur de l’appel public à l’épargne) dès lors que les critères de l’appel public à l’épargne sont réussis en France.

En effet, les règles relatives aux organismes financiers privés, aux services financiers, aux titres, instruments et marchés financiers ainsi qu’aux autorités de contrôle, trouveront à s’appliquer aux sociétés européennes qui tomberaient dans leur champ d’application, M. DUPLAT et Ph. LAMBRECHT, « Aspects de droit financier », in La société européenne, sous la coordination de J. Malherbe, Journée d’études du

jeudi 2 décembre 2004, Bruxelles, Bruylant, 2005, p. 167 s.

684 En effet, selon l’article 5 du Règlement SE, « sous réserve de l'article 4, paragraphes 1 et 2, le capital de

la SE, son maintien, ses modifications ainsi que les actions, les obligations et autres titres assimilables de la SE sont régis par les dispositions qui s'appliqueraient à une société anonyme ayant son siège statutaire dans l'État membre où la SE est immatriculée ».

L’article 4 § 1 du Règlement SE rappelle que tous les Etats membres ne font pas parti de la zone euro, et le § 2 de ce même article indique que le capital souscrit doit être d’au moins 120 000 euros.

la négociation d’Euronext des titres nouvellement émis constitue elle une offre publique de titres685. Cependant, l’AMF peut accorder une dispense totale ou partielle de l’obligation de publier un prospectus lorsque les titres dont l’admission est demandée, sont émis dans le cadre d’une opération de fusion par absorption. Mais aussi, dans le cas d’un document considéré par l’autorité comme contenant des renseignements équivalents à ceux du prospectus d’admission, doit avoir été publié dans une certaine période, précédent l’admission à la négociation des nouveaux titres686.

540. Pour autant, dans certaines situations, la coexistence de plusieurs sources de

droit peuvent occasionner des conflits, lors de la détermination de la loi applicable à la SE. Néanmoins, la résolution de ce cas de figure apparait dans le préambule du Règlement SE. En effet, selon le considérant n° 20, les dispositions du droit des Etats membres et du droit de l’Union européenne sont applicables dans les domaines non couverts par le Règlement SE. Afin de déterminer la loi applicable à une SE, en cas de conflit de loi (entre le droit des sociétés de l’Etat du siège applicable aux SA locales, et un autre droit), il convient d’appliquer le droit international privé de l’Etat membre où se situe son siège social, de la même manière qu’on le ferait pour une SA relevant de ce même Etat membre687. Par exemple, lorsqu’une entreprise contrôle une autre entreprise relevant d’un ordre juridique différent, ses droits et obligations en matière de protection des actionnaires minoritaires et des tiers sont régis par le droit dont relève l’entreprise contrôlée, selon les principes généraux du droit international privé.

541. Toutefois, le considérant n° 15 du Règlement SE précise que ces principes

s’appliquent. Ce, sans préjudice des obligations auxquelles l’entreprise qui exerce le contrôle est soumise, en vertu des dispositions du droit dont elle relève. En conséquence, les règles et principes généraux du droit international privé s’appliquent tant dans le cas où la SE exerce le contrôle que dans le cas où la SE est la société contrôlée688.

542. Ces différents renvois vers le droit national de la SA sont aisés et logiques,

car les différentes directives relatives à cette forme sociale, ont contribué à harmoniser le

685

En effet, les règles de marché d’Euronext imposent aux émetteurs de demander l’admission à la négociation des titres nouvellement créés qui sont de la même catégorie que ceux qui font déjà l’objet d’une cotation, M. DUPLAT et Ph. LAMBRECHT, « Aspects de droit financier», op. cit., p. 167 s.

686 M. DUPLAT et Ph. LAMBRECHT, ibid, p. 176.

687

J. BEGUIN, « Le rattachement de la société européenne », op. cit., p. 31 s.

688 Toutefois, précise le considérant n° 16 du Règlement SE, cela est sans préjudice des conséquences de

régime juridique de cette société689. Ainsi, faire du régime juridique de cette dernière un point « d’ancrage »690 de l’existence et du fonctionnement des SE, est cohérent.

543. Par ailleurs, cela signifie également, que les dispositions spécifiques aux SE

prises par les Etats membres en vue d’accueillir cette nouvelle forme sociale, devront respecter les directives qui ont été publiées et transposées en matière de droit des sociétés. Toutefois, il convient de garder à l’esprit qu’en cas de conflit le Règlement SE prime.

544. Les règles adoptées pour la SE, n’ont pas à s’aligner sur celles de la SA. Dans

le silence du Règlement SE, et le respect des directives (en d’autres termes des principes européens d’harmonisation du droit des sociétés), les Etats membres bénéficient d’une certaine souplesse pour adopter des mesures plus avantageuses que celles qui régissent les SA dans leurs propres législations.

545. Dès lors, a priori, en présence d’un droit national plus « impératif » ayant

tendance à « cantonner » la liberté statutaire, le dispositif européen aboutit à appliquer le même « cantonnement »691 à la SE, et inversement. En conséquence, par le même mécanisme de renvoi, si le droit étatique du siège est libéral et qu’il laisse une place importante à la liberté statutaire, le régime de la SE sera avantageux également.

546. En définitive, il ne tient qu’aux Etats membres de proposer un régime

attractif et de créer un régime plus avantageux que celui de la SA692. D’autant qu’ils peuvent émettre des dispositions nationales spécifiques aux SE immatriculées sur leur

689

En effet, les différentes directives européennes applicables aux SA, ont permis d’harmoniser les législations nationales des Etats membres. Parmi elles, la première directive 68/151/CEE du Conseil, du 9 mars 1968, tendant à coordonner, pour les rendre équivalentes, les garanties qui sont exigées, dans les États membres, des sociétés au sens de l'article 58 deuxième alinéa du traité, pour protéger les intérêts tant des associés que des tiers.

Ainsi, ce n’est qu’en dehors de cet « ordre public » que des différences existent, entre « des législations contraignantes et d’autres qui le sont moins », Y. GUYON, « La liberté statutaire et la société européenne »,

op. cit., p. 245 s.

690 J.-Ph. DOM, « La société européenne-Aspects de droit des sociétés », op. cit., p. 77.

691 J BEGUIN, « L’avènement de la société européenne », op. cit., p. 75 ; J. BEGUIN, « Le rattachement de

la société européenne », op. cit., p. 31.

692

Ces différents renvois constituent par la même, « une étape supplémentaire de la mise en concurrence des droits nationaux », Ph. MARINI, « L’attractivité de la société européenne à la française », op. cit., p. 34 ; M. MENJUCQ, « Le droit applicable à la SE : articulation des textes communautaires et des règles françaises », op. cit., p. 27.

C’est ce qui permet d’envisager de telles mesures en matière de relations entre actionnaires. En effet, les SA ne faisant pas appel public à l’épargne bénéficient d’une grande liberté statutaire, voir article L 229-11 à L 229-15 du Code de commerce. Sur le modèle de la SAS, les actionnaires de la SE peuvent aménager librement leurs rapports. Cette souplesse d’organisation des rapports entre associés constitue la spécificité de la société européenne immatriculée en France. Voir infra.

territoire, lorsque le Règlement SE les y invite, en répondant aux différentes options proposées par ce Règlement. En effet, les règles dictées par ce dernier, impératives par essence, peuvent de par leurs volontés être nuancées par les Etats membres lorsqu’ils y sont invités. Il existe des règles propres aux SE, et des règles applicables aux SA mais adaptées aux SE, selon qu’elles aient été assouplies ou durcies par la politique applicable aux SE.

547. Ainsi, le régime juridique de la SE peut sensiblement varier selon l’Etat

membre dans lequel la société a son siège statutaire (et son administration centrale). Cela, en raison des renvois dictés par le Règlement SE vers le droit national. D’ailleurs, le processus de création d’une SE illustre bien l’importance des Etats membres et l’habile répartition des règles matérielles et celles nationales auxquelles le Règlement SE renvoie.

Section 2 : L’illustration de l’articulation des dispositions européennes

et françaises, à travers le processus de création d’une SE

548. Le Règlement SE est une combinaison de règles matérielles et de conflit. Par

conséquent, ce corps de texte ne peut prendre vie qu’avec le concours des législateurs nationaux693. Le caractère atypique de ce Règlement charge les Etats membres d’un rôle particulier. Celui de lui donner une « âme », en raison des nombreux renvois opérés par ledit Règlement.

549. Les opérations de constitution d’une SE, par voie de fusion en particulier, et

son transfert de siège social dans un autre Etat membre, sont dominés par les règles matérielles, contrairement au fonctionnement de la SE. Ainsi, l’articulation des dispositions nationales et européennes sont plus visibles dans ces opérations. C’est pourquoi le processus de création d’une SE, et celui du transfert de son siège social dans un autre Etat membre, seront traités ici.

693 Ce qui a de plus intéressant dans ces corps de texte (le Règlement et la directive) c’est que les

législateurs nationaux devront donner un corps et une âme nationales aux SE. Ces textes sont plus convaincants par les options qu’ils offrent que par les contraintes qu’ils contiennent.

550. Quelque-soit le mode de constitution choisi, il nécessite de passer par un

certain nombre d’étapes qui varie selon la voie de création séléctionnée694. Elles s’élaborent en interne, au sein des différentes sociétés (pas des entités puisque ces différentes étapes ne semblent pas être imposées pour la constitution d’une SE filiale) qui souhaitent constituer une SE, ou transférer de son siège social dans un autre Etat membre. En effet, le projet de constitution de la société ou le transfert de son siège social sont mis en œuvre par les organes dirigeants des sociétés (§ 1).

551. En raison des sérieux impacts de ces projets sur le pacte social auquel les

différents associés ont adhéré, non seulement le projet de constitution de la société ou de transfert de son siège social est soumis à leurs votes695, mais en plus de nombreuses informations leur sont fournies. Ceci afin qu’ils puissent servir à ceux qui réceptionnent le projet élaboré pour en rendre un consentement éclairé (§ 2).

§ 1 : La mise en œuvre du projet de constitution d'une SE ou du transfert de son siège social dans un autre Etat membre

552. Hormis l’hypothèse de la constitution d’une SE par voie de filiale, les autres

voies de restructuration visées par le Règlement SE, qu’il s’agisse des autres voies d’accès à la SE, ou du transfert de son siège social dans un autre Etat membre, doivent faire l’objet d’un projet de constitution ou d’un projet de transfert de siège social. Il est élaboré par les organes de direction et d’administration de chacune des sociétés qui promeuvent l’opération (A). Ensuite, il est soumis à des experts afin d’en élaborer un rapport (B).

694 Pour reprendre la formule d’un auteur, il existe « un fonds procédural commun [aux différents modes de

constitution] construit au demeurant autour de l’opération de fusion », à l’exception de la constitution de par voie de filiale. A. COURET, « Les techniques de constitution de la société européenne », op. cit., p. 17.

695 En droit français, le vote des associés doit également être guidé par l’intérêt social. Dans le cas contraire

il pourrait être accusé d’abus. La notion d’intérêt social constitue la pièce maîtresse de la construction jurisprudentielles des théories de l’abus de majorité ou de minorité ;D. TRICOT, « Abus de droits dans les sociétés – Abus de majorité et abus de minorité », RTD com., 1994, p. 617 ; A. CONSTANTIN, La tyrannie des faibles – De l’abus de minorité en droit des sociétés, in Aspects actuels du droit des affaires, Mélanges

en l’honneur de Y. Guyon, Dalloz, 2003, p. 213.

Il y a abus de majorité lorsque la résolution litigieuse a été prise « contrairement à l’intérêt général de la société et dans l’unique dessein de favoriser les membres de la majorité au détriment de ceux de la minorité », cf. Cass. Com., 18 avril 1961, D., 1961, jur., p. 661. Et selon la jurisprudence, un associé minoritaire est coupable d’abus lorsqu’il adopte une attitude « contraire à l’intérêt général de la société en ce qu’il aurait interdit la réalisation d’une opération essentielle pour celle-ci, et dans l’unique dessein de favoriser ses propres intérêts au détriment de l’ensemble des autres associés », cf.Y. GUYON, note sous, Cass. Com., 9 mars 1993, D., 1993, jur., p. 363.

La constatation de l’abus repose, outre la rupture d’égalité entre associés ou l’attitude égoïste des actionnaires, sur la violation de l’intérêt social par la résolution adoptée - abus de majorité – ou sur la conformité à l’intérêt social de la décision qui aurait dû être prise – abus de minorité.

A) L’initiative du projet de constitution d'une SE, et du transfert du siège social de

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