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L'absence d'exigence de l'unanimité dans la prise de décision du transfert de siège social de la SE

Chapitre II : Les innovations apportées par le Règlement SE

Section 2 : Le Règlement SE, vecteur de mobilité transfrontalière et de concentration juridique

B) L'absence d'exigence de l'unanimité dans la prise de décision du transfert de siège social de la SE

273. Le départ d’une SA de son Etat d’origine est compromis par l’exigence de

l’unanimité des associés dans la décision du transfert du siège social. Une telle condition est un handicap majeur, la SE détient un avantage indéniable sur les autres formes de sociétés.

274. Afin de connaitre les conditions relatives à la prise de décision des associés

en la matière, il faut se référer, au § 6 de l’article 8 du Règlement SE401. Ce dernier renvoie à l’article 59 du Règlement relatif à la modification des statuts de la SE402, ce qui renvoie aux législations nationales. Le texte leur laisse une marge de manœuvre, pour les modalités de vote du transfert et le choix de l’organe compétent en la matière. En se référant à l’article 59, le Règlement SE assimile le transfert de siège à une modification statutaire. En conséquence, comme pour toute modification statutaire la décision de l’opération doit être prise à la majorité des deux tiers. La SE peut librement se mouvoir au sein de l’Union européenne, puisque elle n’est pas confrontée à l’un des plus grands obstacles auquel se heurte la SA.

275. C’est sans compter sur les différentes options offertes par le Règlement SE

aux Etats membres403. Le législateur français n’en a levé aucune qui s’affère aux règles relatives à la majorité requise pour la décision d’un transfert. En effet, il n’a levé ni

401Aux termes de ce paragraphe, « la décision de transfert ne peut intervenir que deux mois après la

publication du projet. Elle doit être prise dans les conditions prévues à l'article 59 ».

402 Aux termes de l’article 59 du Règlement SE, « 1. La modification des statuts requiert une décision de

l'assemblée générale prise à une majorité qui ne peut être inférieure aux deux tiers des voix exprimées, à moins que la loi applicable aux sociétés anonymes relevant du droit de l'État membre du siège statutaire de la SE ne prévoie ou ne permette une majorité plus élevée. 2. Toutefois, un État membre peut prévoir que, lorsque la moitié au moins du capital souscrit est représentée, une majorité simple des voix indiquées au paragraphe 1 est suffisante. 3. Toute modification des statuts de la SE fait l'objet d'une publicité conformément à l'article 13 ».

403

La décision de transfert doit être prise à la majorité des deux tiers des voies exprimées sauf si la loi applicable aux SA de l’Etat membre où se trouve la siège de la SE n’exige ou n’autorise une majorité plus élevée. Mais il faut rappeler qu’un Etat membre dispose de la faculté de permettre la modification des statuts et donc le transfert de siège à la majorité simple si la moitié du capital souscrit est représenté. C’est ce qu’il ressort de la combinaison du §6 de l’article 8, et de l’article 59 du Règlement.

l’option permettant de prévoir une majorité plus élevée, ni celle permettant de prévoir une majorité simple des voix, lorsque la moitié au moins du capital souscrit est représenté404.

La levée de l’option permettant de prévoir une majorité plus grande aurait été un non sens. En effet, elle aurait été un obstacle à la mise en œuvre du transfert, alors que ce dernier est une avancée majeure.

276. Pourtant, le droit français laisse planer un doute. L’article L 229-2 du Code de commerce reprend les dispositions de l’article 8 du Règlement SE pour la mise en œuvre du transfert du siège social. Il n’aborde pas explicitement l’étape relative au vote de l’opération par les associés. Il ne fait qu’indiquer que le transfert de siège social est décidé par l'assemblée générale extraordinaire, dans les conditions prévues par l’article L 225-96 du Code de commerce. Aussi, comme pour toute autre modification des statuts, le transfert de siège social est décidé par l’assemblée générale extraordinaire à la majorité des deux tiers des voix (dont disposent les actionnaires présents ou représentés). Toutefois, précise l’article précédemment cité, elle ne peut augmenter les engagements des actionnaires. Nous avons pu observer précédemment que selon l’alinéa 2 de l’article 1836 du Code civil, les engagements d’un associé ne peuvent être augmentés qu’avec le consentement de celui-ci. En conséquence, cela semble signifier que si le transfert du siège social conduit à augmenter les engagements des associés, la décision ne pourra être prise à la majorité des deux tiers. L’unanimité sera donc, a priori, requise, dans le cas où l’Etat d’origine est la France405.

277. Un transfert de siège social peut conduire à un risque d’augmentation

d’engagements des associés, parce que la lex societatis est modifiée. La variante de SE au lieu du nouveau siège garantit peut être moins bien les droits des associés minoritaires. Néanmoins, il ne s’agit que d’un simple aménagement des droits associés406.

278. Le réaménagement des statuts, en vu d’adapter la société à la loi nationale de

l’Etat d’accueil, est inévitable et peut être d’une grande ampleur. D’autant que cette dernière comprend aussi bien les dispositions relatives aux SA relevant de cet Etat, que les dispositions propres à la SE adoptées par ce même Etat membre407. Cette modification

404 La Belgique, par exemple, a levé cette dernière option. Selon l’article 929 du Code des sociétés, le

transfert de siège pourra être adopté à la majorité simple lorsqu’un quorum de moitié est atteint.

405 Voir infra. 406 Voir infra.

407 Selon l’article 10 du Règlement SE, « sous réserve des dispositions du présent règlement, une SE est

statutaire ne conduit pas à une augmentation des engagements des associés, la décision peut être prise à la majorité des deux tiers.

279. En outre, le quorum permettant à l’assemblée générale extraordinaire de

délibérer valablement, n’est pas prévu par le Règlement SE. Aussi, il convient de se référer à l’article L 225-96 du Code de commerce. Selon ce dernier, les actionnaires présents ou représentés doivent posséder au moins, sur première convocation, le quart et, sur deuxième convocation, le cinquième des actions ayant le droit de vote. A défaut, la deuxième assemblée peut être prorogée à une date postérieure de deux mois au plus à celle à laquelle elle avait été convoquée. En revanche, dans les sociétés ne faisant pas appel public à l’épargne, les statuts peuvent prévoir des quorums plus élevés.

280. En cas de doute, quant à l’existence d’un risque d’augmentation des

engagements, il convient d’analyser la situation « au cas par cas ». Pour y parvenir, il faut comparer les droits et obligations des actionnaires avant et après le transfert envisagé408, afin de savoir si la décision peut être votée à cette même majorité. Il ne faut pas céder à la tentation d’insérer dans les statuts des clauses, qui bien qu’elles sont interdites dans le droit applicable de l’Etat d’origine, sont autorisées dans l’Etat d’accueil.

281. En droit français, il convient de s’interroger sur la possibilité de s’appuyer sur

l’article L 225-97 du Code de commerce, afin de faciliter la prise de décision du transfert du siège social. Ceci évite le risque de la prise de décision à l’unanimité des associés. La convention spéciale qui y est citée (que la France aurait conclu avec le pays d’accueil), permet d’acquérir la nationalité et de transférer le siège social sur son territoire. Cette mesure conservant à la société sa personnalité juridique ; peut-elle avoir la valeur du Règlement SE ?

dans lequel la SE a son siège statutaire » ; « la lex societatis est ainsi mobile », elle suit, conformément au texte, la localisation du siège social », F. COLLIN, J.-P. DOM et J.-C. PAROT, « La société européenne »,

op. cit., p. 5; V. MAGNIER, « Mobilité des sociétés et liberté d’établissement : le point de vue », op. cit., p. 28; J.-M. BISCHOFF, « Aspects de droit international », op. cit., p. 43.

408

M. MENJUCQ, « Régime juridique et fiscal du transfert de siège de la société européenne », op. cit., p. 211; F. FAGES et M. MENJUCQ « Le transfert du siège social enfin à la portée des sociétés françaises »,

Droit et patrimoine, 2005, n° 139, p. 34 ; J.-P. BROUILLAUD, « La SAE : la « société approximativement

européenne » », JCP éd. E, n° 3, 2007, 1100, p. 39 ; M. MENJUCQ, « Un modèle de mobilité : la société européenne », in La mobilité internationale des sociétés, Cahiers de droit de l’entreprise, 2006, n° 2, p. 35.

282. Le Règlement SE aurait une valeur conventionnelle409, ce qui rendrait applicable l’article précédemment cité. Mais peu importe, puisque cet article renvoie aux dispositions de l’article L 225-96 du Code de commerce. En effet, l’article L 225-97 du Code de commerce, précise que la décision de changement de nationalité et du transfert du siège social, pourra être prise par l’assemblée générale extraordinaire, autrement dit selon les modalités précisées à l’article L 225-96. Par conséquent, on parvient au même résultat, puisque l’article L 229-2 du Code de commerce renvoie à l’article L 225-96 du même Code. Le transfert de siège social d’une SE ne requiert pas que le vote des associés soit pris à l’unanimité.

Conclusion du Chapitre II

283. Le Règlement SE est le premier à rendre possible l’accomplissement d’une

fusion transfrontalière et d’un transfert de siège social dans un autre Etat membre. Bien que dans le premier cas, elle est une voie de constitution de la SE, dans le second cas, cette possibilité n’est offerte qu’aux SE. Ce Règlement élimine les obstacles qui s’opposent à l’accomplissement de telles opérations. De même, il facilite et sécurise la création de holding et de filiale. Le Règlement comporte des règles de conflit et des règles matérielles qui évitent notamment le cumul de lois applicables des sociétés participantes.

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