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Les mesures applicables à la protection des créanciers lors d’une constitution de SE

Chapitre I : Les conditions d’accès aux mesures de restructuration présentes dans le Règlement SE

Section 2 : La sauvegarde des intérêts des actionnaires minoritaires et des créanciers

A) Les mesures applicables à la protection des créanciers lors d’une constitution de SE

334. Le Règlement SE organise principalement l'accès à l'information aux

créanciers des différentes sociétés promouvant la constitution d'une SE par voie de fusion. Une information exhaustive des modalités d'exercice des droits des créanciers, doit

figurer parmi les autres indications publiées dans le bulletin officiel de l'Etat membre concerné460. Ainsi, que les mesures pour les actionnaires ayant des droits spéciaux461.

335. Ensuite, le texte renvoie aux droits nationaux. Ils sont la source des droits des

créanciers des sociétés participant à la constitution d’une SE par voie de fusion (2). Les différents systèmes qui cohabitent au sein de l'Union européenne, est une source de difficulté (1).

1) La coexistence dans l’Union européenne, des différentes conceptions des droits des créanciers

336. Il existe au sein de l'Union européenne deux systèmes de protection des

créanciers, la protection a priori et la protection a posteriori462.

337. Une opération transfrontalière, telle que la constitution d'une SE par voie de

fusion, met en rapport des sociétés issues d'Etats ayant des systèmes de protections différents. Leur confrontation peut entrainer de lourdes conséquences en termes de célérité dans la constitution de la société.

338. La mise en œuvre des dispositions relatives à la protection a priori est plus

susceptible de ralentir (voire de bloquer) le processus463. La directive relative aux fusions transfrontalières n'a (malheureusement) pas éludé ce problème464. Cependant, la mise en œuvre du système a priori n'est pas toujours un obstacle. Cela dépend pour beaucoup de la coopération de la société concernée.

460 Cf. article 21 du Règlement SE. 461 Cf. article 20 du Règlement SE.

462 En effet, les règles de protection prévues pour les créanciers, n’ont pas fait l’objet d’une harmonisation

dans le cadre de la troisième directive du 9 octobre 1978 relative aux fusions nationales. Cette dernière s’est « contentée d’affirmer » que les Etats membres devaient mettre en œuvre une protection appropriée, cf. B. LECOURT, « L’avenir du droit français des sociétés : que peut-on encore attendre du législateur européen ? », op. cit., p. 223 s. ; B. LECOURT, « Adoption de la directive sur les fusions transfrontalières », Rev. soc., 2005, p. 923 s.

Rapport Doucet, tableau comparatif, p. 18-19.

463 B. LECOURT, « L’avenir du droit français des sociétés : que peut-on encore attendre du législateur

européen ? », op. cit., p. 223. L'auteur nous donne notamment l'exemple d'une fusion qui aurait lieu entre une société française, qui connait un système de protection a posteriori, et une société espagnole, qui connait un système de protection a priori.

464 Tout comme le Règlement SE, la protection prévue par la directive sur les fusions transfrontalières en

faveur des créanciers est essentiellement basée sur l’information. Elle est largement inspirée par la protection mise en place par le Règlement SE.

339. Le droit français connait un mécanisme de protection a posteriori, qui a

l'avantage de ne pas pouvoir remettre en cause l'opération de fusion465. Le système a

priori subordonne la réalisation de l'opération, au paiement des créanciers ou à l'obtention

par ceux ci de garanties.

340. Le Règlement SE opère à une application distributive des règles applicables

aux droits des créanciers. Pour les sociétés participant à la création d’une SE par voie de fusion, la loi applicable aux droits des créanciers est celle dont ces sociétés relèvent.

2) La loi applicable aux droits des créanciers des sociétés participant à la constitution d’une SE

341. Dans le cadre d’une fusion, les intérêts des créanciers, des obligataires et des

porteurs de titres autres que des actions, sont assurés par le droit de l'État membre dont relève chacune des sociétés. C’est ce qui résulte de la combinaison des articles 24 § 1, 29 et 18 du Règlement SE.

342. Dans le cadre, d’une constitution de SE par voie de fusion. En conséquence,

les créanciers des sociétés françaises, relèvent des dispositions du droit français des fusions internes.

343. Dans cette hypothèse, les créanciers non obligataires ont un droit

d’opposition à la fusion466. Comme pour les fusions internes467, le créancier peut saisir de

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D’autant que le délai pour faire opposition à l’opération est assez court, puisqu’il n’est que de trente jours. Il n’a pas pour effet de mettre en péril l’opération et il n’est ouvert qu’aux titulaires de créance exigible.

Le droit allemand, le droit luxembourgeois, et le droit britannique, ont également mis en place un mécanisme de protection a posteriori dans leur droit interne, B. LECOURT, « Adoption de la directive sur les fusions transfrontalières », op. cit., p. 923 s.

466 En effet, selon les articles L 236-14, et R 236-8 du Code de commerce, les créanciers des sociétés

françaises promouvant une opération de fusion, dont la créance est antérieure à la publicité donnée au projet de fusion peuvent former opposition, devant le tribunal de commerce, dans un délai de trente jours.

Ce délai court à compter de la dernière insertion (article R 236-2 du Code de commerce) ou de la mise à disposition du public du projet de fusion (article R 236-2-1 du Code de commerce). Ainsi le délai court à compter de l’avis inséré de ce projet de fusion au Bulletin officiel des annonces civiles et commerciales, ou auBulletin des annonces légales obligatoires. En effet, un avis y est en outre inséré, si les actions de l'une au moins de ces sociétés sont admises aux négociations sur un marché réglementé ou si toutes les actions de l'une d'entre elles au moins ne revêtent pas la forme nominative.

Toutefois, cette insertion n'est pas requise lorsque, pendant une période ininterrompue commençant au plus tard trente jours avant la date fixée pour l'assemblée générale appelée à se prononcer sur le projet de fusion ou de scission, la société publie sur son site internet le projet de fusion ou de scission, dans des conditions de nature à garantir la sécurité et l'authenticité des document.

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son opposition un juge. Ce dernier peut soit rejeter l’opposition, soit ordonner le remboursement des créances ou la constitution de garanties offertes par la société participant à la fusion si elles sont jugées suffisantes. A défaut de remboursement des créances ou de constitution des garanties ordonnées, la fusion est inopposable à ces créanciers468. Cela n’a pas pour effet d’interdire la réalisation de la fusion.

344. Les créanciers obligataires, de la société absorbante, par son assemblée

générale ordinaire, peut s’opposer au projet de constitution d’une SE par voie de fusion. Elle donne mandat aux représentants de cette assemblée469. Les conditions et les effets de cette opposition sont les mêmes que celle formée par les créanciers non obligataires470.

345. Pour les créanciers obligataires des sociétés absorbées (ou des sociétés lors

d’une fusion par création d’une société nouvelle), la situation varie selon que le projet est ou non accompagné d’une offre de remboursement. Si le projet est assorti de cette offre, ils pourront obtenir le remboursement sur simple demande, à défaut ils resteront obligataires dans la société absorbante471.

346. En revanche, si le projet n’est pas assorti d’une offre de remboursement, il

devra être soumis aux assemblées d'obligataires des sociétés absorbées. Si elles approuvent le projet, les créanciers deviendront obligataires dans la société absorbante ou la société nouvelle472. A défaut d'approbation de ce projet de leur part, le conseil d'administration ou le directoire de la société débitrice peut passer outre473. Les sociétés concernées ne restent pas figées. Les créanciers obligataires conservent seulement leur

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En effet, selon l’article L 236-14 al. 4 du Code de commerce, la fusion est alors sans effet, et donc inopposable au créancier opposant.

469 Pour autant, selon l’article L 236-15 du Code de commerce, le projet de fusion n'est pas soumis aux

assemblées d'obligataires de la société absorbante.

470 L’article L 236-15 du Code commerce renvoie à l’article L 236-14, et à l’article R 236-8 du même code

(in fine).

471 L 236-13 du Code de commerce, et R 236-11 du même code. 472

Selon l’article L228-65 du Code de commerce, l'assemblée générale délibère sur toutes mesures ayant pour objet d'assurer la défense des obligataires et l'exécution du contrat d'emprunt ainsi que sur toute proposition tendant à la modification du contrat. Elle délibère notamment sur les propositions de fusion de la société dans les cas prévus à l’articles L. 236-13 du même code. Par ailleurs, l'assemblée générale délibère dans les conditions de quorum prévues au deuxième alinéa de l'article L. 225-98 du Code de commerce. Elle statue à la majorité des deux tiers des voix dont disposent les porteurs présents ou représentés.

473 En outre, selon l’article L 228-73 du Code de commerce, cette décision du conseil d'administration, ou

du directoire est publiée dans les conditions fixées par l’article R 228-79 du même code, qui détermine également le délai pendant lequel le remboursement doit être demandé. Ainsi, selon l’alinéa 2 de l’article R 228-79, le remboursement est demandé par l'obligataire dans le délai de trois mois à compter de l'insertion ou de la dernière des insertions prévues à l'alinéa précédent. Par ailleurs, la société rembourse les obligations dans le délai de trente jours à compter de la demande de chaque obligataire.

statut dans la société absorbante, sauf les représentants de leur assemblée générale qui forment une opposition à l’opération474.

347. Quant aux porteurs de certificats d’investissement, ils disposent de mesures

de protection similaires à celles des créanciers obligataires bénéficient. En effet, ils peuvent, individuellement obtenir, sur simple demande, le remboursement de leurs titres475. Le principe de l’offre de remboursement doit avoir été accepté au préalable par l’assemblée spéciale qui les représentent.

348. Le porteur de certificats d'investissement conserve cette qualité dans la

société absorbante, si il n'a pas cédé ses titres dans les trente jours de la dernière mesure de publicité, selon les conditions fixées par le « contrat de fusion »476. Cependant, si le rachat des certificats n’est pas prévu, le projet de fusion est soumis aux assemblées spéciales de ces porteurs477.

349. Par ailleurs, les dispositions applicables aux fusions internes, sont également

applicables aux créanciers des sociétés françaises qui créent une SE holding. Le législateur français a levé l'option offerte par le Règlement SE (à l'article 34). Ainsi, l'article L 229-5 du Code de commerce, applicable aux SE holding, renvoie aux règles de protection des créanciers dans une fusion.

350. En effet, l’alinéa 5 de l’article L 229-5 du Code de commerce fait un renvoi

aux dispositions des 3e et 4e alinéas de l'article L 236-9 (relatifs aux porteurs de certificats d’investissements) ; et des articles L 236-13 (relatifs aux obligataires) et L 236-14

474 En effet, selon l’alinéa 3 de l’article L 228-73 du Code de commerce, l'assemblée générale des

obligataires peut donner mandat à ses représentants de former opposition à l'opération dans les conditions et avec les effets prévus à l'article L. 236-14. Ainsi, les conditions et effets de cette opposition sont les mêmes que celles formées par un créancier non obligataire.

475 Par ailleurs, l'offre d'acquisition des certificats d'investissement, doit faire l’objet d’un avis d'achat. Il

doit être inséré dans un journal habilité à recevoir les annonces légales dans le département du siège social. En outre, elle doit faire l’objet d’un avis au Bulletin des annonces légales obligatoires, si les actions de la société sont admises aux négociations sur un marché réglementé ou si toutes ses actions ne revêtent pas la forme nominative. En effet, l’alinéa 3 de l’article R 236-5 du Code de commerce, renvoie aux dispositions de l'article R 225-153 du même Code.

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Les dispositions applicables en l’absence de demande de remboursement, résultent de l’alinéa 3 de l’article L 236-9 du Code de commerce, et du dernier alinéa de l’article R 236-5 du même code. Cependant, le porteur de ce certificat peut préférer que ses certificats soient échangés contre des actions de la société absorbante, plutôt que d’obtenir un remboursement. De plus, ce porteur n’a pas besoin de réunir des certificats d’investissement et des certificats de droit de vote pour pouvoir demander un échange, JO Sénat CR 12 novembre 1987, 3852. Cette possibilité est offerte par l’alinéa 3 de l’article L 236-9 du Code de commerce, qui renvoie aux dispositions du dernier l’alinéa de l’article L 228-30 du même Code.

477 De plus selon le même article L 236-9 du Code de commerce, les assemblées spéciales des porteurs de

(relatifs aux créanciers non obligataires). Les mesures relatives à la protection des porteurs de certificats d’investissements, des obligataires et des créanciers non obligataires dans le cadre des fusions, sont également applicables dans le cadre de la constitution d’une SE holding478. Par analogie, les sociétés candidates à la création de la SE holding sont les sociétés absorbées, alors que la SE holding est la société absorbante.

351. Pour quelles raisons, hormis la législation applicable, la SE holding devrait-

elle devenir débitrice des obligataires des sociétés initiatrices en cas de remboursement ? Il n’est pas certain qu’à défaut de remboursement, les obligataires (par exemple) conservent leurs statuts dans la holding479. Le mécanisme de la transmission lors de la fusion s’explique en ce que la société disparaît, mais, les sociétés initiatrices subsistent. Cela risque d’aller à l’encontre des intérêts des créanciers dont les créances rentrent dans le patrimoine d’une société, sans leurs consentements. L’actif de cette dernière, est constitué d’une partie des titres de la société initialement débitrice480. Le patrimoine de la SE holding risque d’être grevé d’un passif, appartenant à l’un des partenaires avant activité. La constitution d’une SE, par voie de holding ou par voie de fusion, peut faire craindre aux créanciers la diminution de leurs chances d’être remboursés. D’autant, qu’ils peuvent éventuellement se trouver en concurrence avec d’autres créanciers.

352. Le Règlement SE ne s’intéresse pas seulement aux créanciers des sociétés

créant une SE par voie de fusion ou de holding. Il s’attarde également sur le sort des créanciers des SE faisant l’objet d’un transfert de siège social.

B) Les mesures applicables à la protection des créanciers lors d’un transfert de siège

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