• Aucun résultat trouvé

Chapitre II : Les innovations apportées par le Règlement SE

Section 1 : Le Règlement, vecteur de coopération transfrontalière et de concentration économique

B) Le recours à la SE filiale

187. Une SE peut abriter une filiale, une joint venture en particulier. Une filiale

commune n’est pas nécessairement le fruit d’une joint venture. Pourtant, cela ne signifie pas que cette dernière ne puisse pas se réaliser dans une filiale commune et qu’elle se présume derrière elle. L’opération de coopération ne doit pas se résumer en la seule organisation des pouvoirs au sein de la société, sinon il s’agira d’une simple filiale commune301.

188. A l’origine, la joint venture est connue principalement dans les pays dits

socialistes, où elle est connue sous la forme de société mixte. Cette dernière, dotée de la personnalité juridique est dite mixte en raison de la qualité de la personne des associés. Elle regroupe d’un côté une personne privée étrangère d’un côté, et de l’autre une entreprise d’Etat ou une coopérative contrôlée par l’Etat302. Cet accord a pour base un contrat d’entreprises conjointes conformément au principe d’égalité et des avantages réciproques. La société mixte a été dans ces pays, pendant longtemps, l’unique forme sociétale connue donc l’unique moyen d’investissement direct pour un étranger. En se ralliant à l’économie de marché, la plupart des Etats dits socialistes ont abrogés les lois sur les sociétés mixtes303.

189. Le contrat de joint venture n’était jusqu’alors envisagé ni par les règles

matérielles issus des droits nationaux (en dehors de certains pays dits socialistes), ni par les règles de conflit de lois d’origine nationale ou conventionnelle.

301 V. PIRONON, Les joint ventures : contribution à l'étude juridique d'un instrument de coopération

internationale, Dalloz, 2004, p. 220.

302 V. PIRONON, ibid.

303 Les statuts spécifiques de la joint venture permettent d’organiser le contrôle conjoint d’une entreprise et,

de prendre en compte la dimension contractuelle de l’opération. La disparition de tels statuts au profit du droit commun des sociétés anéantis cela. V. PIRONON, ibid, p. 350.

190. Il est né des seuls praticiens304 dans le but d’organiser, et de sceller des partenariats. Il ne s’agit pas là du seul objectif de la joint venture. Ce contrat permet également d’aménager les relations des associés dans la structure constituée pour abriter la coopération afin de « tisser » entre les parties impliquées un faisceau de relations commerciales.

191. L’élaboration d’un complexe contractuel permet de définir l’ensemble des

relations entre les parties et de mettre en place des structures, personnalisées ou non, pour son exécution. Il peut prévoir la constitution d’une société commune et aménager les relations des partenaires en son sein. Le contrôle conjoint d’une entreprise peut se sceller entre les parties, par des relations de coopération dans la limite de son objet. La constitution d’une société facilite la gestion quotidienne de relations complexes de longue durée qui impliquent une part importante d’aléas

192. De par cet instrument de coopération internationale, des partenaires peuvent

réunir leurs ressources dans leurs intérêts communs, dans un esprit de loyauté et d’égalité305, tout en permettant d’optimiser les coûts et les contraintes de chaque projet306. Ainsi, la joint venture désigne l’opération de coopération entre des partenaires307. Quelque soit l’habillage juridique que la joint venture emprunte308, la substance de la relation entre les parties est toujours la même309.

193. Lorsque des partenaires veulent coopérer dans une structure personnalisée, ils

mettent souvent en place une SA. Contrairement à d’autres formes sociales, elle est de loin la plus connue. La connaissance de l’existence de ces règles de la SA permet de

304

D’ailleurs, « permettre de soustraire la société commune au droit national reviendrait à consacrer une société sui generis internationale ce qui ne parait pas admissible du point de vue des ordres juridiques nationaux ».

305

« Lorsque le contrôle est exercé conjointement, on passe d’une situation de domination à une situation de coopération », V. PIRONON, ibid.

306 En outre, le recours à une répartition égalitaire peut être motivé par le souci d’éviter le rattachement de la

société commune au groupe de l’un des partenaires ou encore, pour éviter que l’opération soit qualifiée d’entente « en tentant de démontrer l’indépendance de la filiale par l’interdépendance de ses maisons mères », V. PIRONON, Les joint ventures : contribution à l'étude juridique d'un instrument de coopération

internationale, op. cit., p. 177.

307 La joint venture est un montage permettant d’organiser le contrôle conjoint d’une entreprise par

l’élaboration d’un complexe contractuel qui définit l’ensemble des relations entre les parties et met en place des structures personnalisées ou non pour son exécution. V. PIRONON, ibid, p. 257.

308 Comme nous le rappelle V PIRONON, le recours ou non à une structure dotée de la personnalité

juridique résulte d’impératifs économiques et industriels liés à l’objet de la joint venture et au marché dans lequel elle intervient. Le choix de la structure est également influencé par des considérations fiscales, d’autres par le droit de la concurrence. V. PIRONON, ibid, p. 165.

309 C’est un instrument de coopération internationale qui permet à des partenaires d’unir leurs ressources

dans leur intérêt commun dans un esprit d’égalité et de loyauté, afin d’optimiser les coûts et les contraintes liés à leur projet.

faciliter les négociations et de favoriser la sécurité juridique310. Contrairement à une GIE et a fortiori une GEIE, elle permet de faire des bénéfices.

194. Pour faire usage de la SA, ils recourent à des « prête-noms » ou encore

« hommes de paille »311, auxquels sont attribués une ou plusieurs actions, afin de contourner la règle selon laquelle le capital social d’une SA doit être souscrit par au moins sept actionnaires312. Le régime légal de cette forme sociale n’est pas un obstacle, car les parties y apportent de nombreux aménagements. En conséquence, cette structure peut accueillir une joint venture, même si cette dernière ne regroupe, par essence, qu’un nombre limité de partenaires, et qu’elle est destinée à répondre à leurs propres besoins313.

195. Pour autant, le recours à une structure fermée permet de préserver le fort

intuitu personae qui existe entre les initiateurs de la joint venture. Si cette dernière se

concrétise dans une SA ouverte, l’équilibre des pouvoirs et l’indépendance des parties peuvent être remis en cause. Sauf si la fraction de capital ouvert est insuffisante pour constituer une minorité de blocage. Opter pour une société ouverte semble difficile car une filiale commune, que l’on envisage ou pas une joint venture, implique le maintien d’une égalité réciproque dans la détention des parts des sociétés.

196. L’esprit de coopération qui caractérise la joint venture n’est a priori donc pas

incompatible avec une société de capitaux. « L’équilibre parfait » qui résulte d’une filiale commune, rapproche la société « d’une structure purement contractuelle », car la loi de la majorité est remplacée par le principe du consensus. Puisque aucun des partenaires ne peut exercer son pouvoir de manière exclusive314, ils n’ont qu’un pouvoir de blocage en raison du caractère conjoint de l’exercice du pouvoir. Aussi, pour prévenir tout risque de blocage voire de paralysie, des moyens de déblocage doivent être prévus par les partenaires. Des conventions de vote sont d’ailleurs fréquemment conclues à cet effet

310 Cf. F. SIIRIAINEN et J.-B. RACINE, « Droit économique et sécurité juridique. Propos introductifs », in

Sécurité juridique et droit économique, sous la direction de L. Boy,J.-B. Racine et F. Siiriainen, Larcier, 2007.

311 Le choix est guidé par le fait que les administrateurs doivent avoir la qualité d’actionnaire ou encore que

le président soit une personne physique.

312

Cette simulation n’est pas une cause de nullité.

313 Dans la limite des lois de police, puisque la présence des salariés et des créanciers de la société

commune ne permet pas de la considérer comme un simple instrument au service des partenaires.

314 V. PIRONON, Les joint ventures : contribution à l'étude juridique d'un instrument de coopération

dans les joint ventures, de nombreux accords gouvernent les relations entre les parties. Le seul recours à ces accords permet de résoudre les difficultés315.

197. L’esprit de coopération qui caractérise la joint venture trouve idéal la

structure d’une SA. Du coup, elle prend d’autant mieux place dans une SE, puisque les règles applicables à la SE sont parfois renvoyées au droit applicable de la SA du lieu d’immatriculation de la SE316. En renvoyant à la définition nationale de la filiale, le Règlement oblige les futurs partenaires à organiser un contrôle conjoint égalitaire au sein de la société. Contrairement à une SA, une SE n’a besoin de recourir à aucun subterfuge, puisque selon le Règlement, il ne peut y avoir que deux partenaires dans une SE filiale. En outre, en optant pour une SE fermée, les futurs partenaires auront une grande latitude pour organiser leurs relations dans les statuts317.

198. Une SE filiale peut avoir en son sein une joint venture et ou une filiale

commune318, puisque les partenaires peuvent y organiser le contrôle conjoint de l’entreprise et y aménager leurs relations319. Le recours à une société commune pour exécuter l’accord de coopération pourrait conduire à l’appréhender, en droit économique, comme une opération de concentration qui modifie la structure des entreprises partenaires. Contrairement à l’opération de fusion, dont la coopération est une autre alternative320, la dimension contractuelle de la joint venture et la volonté de coopération qui l’imprègne, « conduisent à ne pas l’assimiler à une simple technique de concentration même si elle peut en impliquer » une.

Transition 199. En ayant recours à la SE, les partenaires peuvent aménager leurs

relations avec la souplesse que ce type de société offre. Ils peuvent sécuriser leurs

315

V. PIRONON, ibid, p. 458.

En cas de problèmes relatifs à l’application des accords entourant la joint venture, une interprétation qui préserve le devoir de loyauté sera réalisée.

C’est logique, puisque les règles d’interprétation des opérations de joint venture, sont fondées sur l’économie générale de l’opération, son équilibre particulier (contrôle de la société) et les pratiques habituels en ce domaine.

316 Voir infra. 317 Voir infra. 318

Lorsque des partenaires sont des sociétés et qu’ils établissent un pouvoir égalitaire dans une autre société, cette dernière s’analyse en une filiale commune.

319 En effet, le recours à un statut réglementé est rationnel si elle permet d’organiser le contrôle conjoint de

l’entreprise et de prendre en compte le fait que les parties puissent aménager contractuellement leurs relations.

Une structure adaptée à une opération de coopération, est une structure fondée sur l’intuitu personae et l’esprit de coopération, V. PIRONON, Les joint ventures : contribution à l'étude juridique d'un instrument

de coopération internationale, op. cit., p. 218.

320

activités par des aménagements mis en place dans le Règlement, ceci vise à faciliter la réalisation d’une SE filiale et d’une SE holding.

§ 2 : La constitution d’une SE par voie de holding ou de filiale

200. Bien que la création d’une holding et d’une filiale étaient possibles par

d’autres moyens, passer par la constitution d’une SE facilite la tâche aux partenaires désirant créer une holding ou une filiale, sur base des dispositions existantes dans le Règlement SE (A). Cette facilité est d’autant plus évidente pour ce qui est des règles applicables à la souscription des titres (B).

Outline

Documents relatifs