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Le régime unifié des fusions transfrontalières prévu par le Règlement SE

Chapitre II : Les innovations apportées par le Règlement SE

Section 2 : Le Règlement SE, vecteur de mobilité transfrontalière et de concentration juridique

A) Le régime unifié des fusions transfrontalières prévu par le Règlement SE

227. La directive 78/855/CEE a permis d’harmoniser les législations des

différents Etats membres concernant la fusion interne. De nombreuses options sont laissées aux Etats membres mais elles ne permettent pas de réglementer l’ensemble d’une fusion transfrontalière.

228. En revanche, le régime applicable à la constitution d’une SE par voie de

fusion transfrontalière, nivelle les difficultés engendrées par la seule application du système de résolutions des conflits. Ce système rendait extrêmement complexe ce type d’opération, comme nous avons pu l’observer précédemment.

229. L’application des règles de conflit est fondée sur la technique de la

projection. Cette technique exige pour la réalisation des fusions transfrontalières que les droits internes des Etats membres soient suffisants, quant aux conditions et aux effets de la fusion. En l’occurrence, le Règlement SE organise toutes les étapes d'une fusion transfrontalière résidant dans la découverte de la loi applicable. Il a rendu l’opération juridiquement réalisable dès 2001, et en France dès le 8 octobre 2004 date à laquelle des règles d’adaptation au droit français ont été prises345.

230. Tout d’abord, le Règlement SE délimite les contours des opérations visées.

Ce texte est le premier à avoir donné une définition de la fusion commune à tous les Etats signataires346. Dans le cadre de la constitution d’une SE par voie de fusion

345

La procédure est allégée dans les cas visés par l’article 31 § 2 du Règlement SE. Il s’agit de la fusion entre une société mère et sa filiale à 100 %, et même de la fusion absorption effectuée par une société qui détient 90 % ou plus mais pas la totalité des actions ou autres titres conférant un droit de vote dans l’assemblée générale d’une autre société.

346 Le rapport LENOIR propose d’élargir la notion de fusion, en y englobant les apports partiels d’actif, afin

d’aller « dans le sens d’un accroissement de la mobilité, mais aussi de la compétitivité des entreprises ». Cet élargissement vaudrait aussi bien pour la notion qui apparait dans le Règlement SE, que pour celle qui apparait dans la directive fusion transfrontalière 2005, cf. N. LENOIR, (table animée et introduite par),

transfrontalière, tous les Etats de l’Union reconnaissent le même principe de cette fusion et de dévolution universelle du patrimoine347. Elle consiste en la transmission sans liquidation du patrimoine, de la société absorbée ou des sociétés parties par création d’une société nouvelle, vers la société absorbante ou la société nouvelle348.

231. Le Règlement SE, dans son article 17, envisage aussi bien la fusion

absorption que la fusion par création d’une société nouvelle349. Selon le premier mécanisme prévu par ce Règlement, la société absorbante prend la forme d’une SE simultanément à la fusion. Aux termes du second mécanisme, la société issue de l’opération prend la forme d’une SE350.

232. La première opération visée est celle par laquelle une ou plusieurs sociétés

transfèrent à une autre, par suite d'une dissolution sans liquidation, l'ensemble de leur patrimoine (actif et passif). Une attribution aux actionnaires de la ou des sociétés absorbées d'actions de la société absorbante et, éventuellement, d'une soulte en espèces ne dépassant pas 10 % de la valeur nominale des actions attribuées ou, à défaut de valeur nominale, de leur pair comptable, leurs sont proposées351.

233. La seconde opération est celle par laquelle plusieurs sociétés transfèrent à une

nouvelle société, par suite de leur dissolution sans liquidation, l'ensemble de leur patrimoine (actif et passif) moyennant l'attribution à leurs actionnaires d'actions de la nouvelle société et, éventuellement. Une soulte en espèces ne dépassant pas 10 % de la valeur nominale des actions attribuées ou, à défaut de valeur nominale, de leur pair comptable352, peut leur être proposée.

« Les formes de sociétés : de la SE à la SPE », in Les nouveaux outils de la mobilité des entreprises en

Europe : fusions transfrontalières, SE, SPE, Rev. Lamy droit des aff., n° 37, avril 2009, p. 86.

347 Ces mécanismes sont les mêmes que ceux décrits par la directive 78/855/CEE relative aux fusions

internes. Leurs définitions correspondent aux mêmes mécanismes visés par le Règlement SE. Cependant, ce dernier ne laisse pas aux Etats membres de lattitude quant à l’acceptation du principe même de fusion transfrontaliere et de dévolution universelle du patrimoine.

348 H. LE NABASQUE, « L’incidence des normes européennes sur le droit français applicable aux fusions

et au transfert de siège social », op. cit., p. 81. Dans son article, l’auteur cite des Etats membres qui n’acceptent pas le principe même de fusion transfrontalière, mais également ceux qui s’opposent pas à ce principe mais à celui de la transmission du passif.

349 Dans les premières versions du Règlement, la fusion absorption n’était pas envisagée.

La directive 2005/56/CE envisage les mêmes opérations.

350 Aux termes de l’article 2 § 1 du Règlement, les sociétés anonymes qui figurent à l'annexe I, constituées

selon le droit d'un État membre et ayant leur siège statutaire et leur administration centrale dans la Communauté, peuvent constituer une SE par voie de fusion si deux d'entre elles au moins relèvent du droit d'États membres différents.

351

Conformément à l’article 3 § 1, de la directive 78/855/CEE.

352

234. Par conséquent, les différentes définitions de la fusion ne sont plus un

obstacle au succès d’une fusion transfrontalière, les Etats connaissent le même principe de dévolution universelle.

235. Le Règlement SE précise les régles applicables à la constitution d’une SE par

voie de fusion transfrontalière. Ce régime est unifié, afin qu’une telle opération ne soit plus semée d’embuche (les différentes législations étant insuffisantes en la matière)353. Force est de constater que la confrontation des ordres juridiques peuvent conduire à des impasses. Surtout, lorsqu’il existe des divergences entre les différents systèmes qui peuvent avoir vocation à s’appliquer.

236. Afin de résoudre les conflits de lois en matière de fusion, certains aspects de

l’opération faisaient l’objet d’une application distributive et d’une application cumulative, des différentes lois en présence. Ce dernier aspect pouvait conduire à la confrontation de lois contradictoires, amenant l’application de la loi la plus restrictive354. La mise en place de règles matérielles par le Règlement annule ces contraintes.

237. Quant aux aspects de la procédure, qui font l’objet d’un renvoi aux droits

nationaux (des fusions entre SA), ils ne posent pas de difficultés puisque ces différents points ont fait l’objet d’une harmonisation par la troisième directive 78/855 du 9 octobre 1978 relative aux fusions entre SA355.

238. Il semblerait que le renvoi aux droits nationaux, pour les modalités relevant

de la parité d’échange, soulève une difficulté. La méthode de calcul peut être différente selon la loi applicable dont les sociétés relèvent356. Il est aussi reproché à la directive relative aux fusions transfrontalières, de peu détailler les aspects comptables de la fusion. Il ne prévoit rien non plus en cas de différence entre les modalités de valorisation de

353 « Le Règlement ne pouvait pas faire l’économie d’un régime précis des opérations de fusions destinées à

donner naissance à une SE », cf. J. BEGUIN, « Le rattachement de la société européenne », in La société

européenne. Organisation juridique et fiscale, intérêts, perspectives, sous la direction de K. Hopt, M.

Menjucq, et E. Wymeersch, (éd.), Paris, Dalloz, coll. « Thèmes et commentaires », 2003, p. 31.

354

« Une application cumulative signifie que c’est la loi la plus restrictive qui l’emportera », cf. J.-M. BISCHOFF, « Aspects de droit international », in La société européenne, colloque organisé le 7 février

2002 par le Centre du droit de l’entreprise de l’université Robert Schuman (Strasbourg III) avec la participation de la Quinzaine européenne, Petites affiches, 2002, n° 76, p. 43.

355 « Là où c’est l’application distributive des lois en présence qui joue, il n’y a plus d’obstacle et on peut

très bien maintenir le système. C’est ce qu’a réalisé le règlement », J.-M. BISCHOFF, ibid, p. 43.

356 N. LENOIR, (table animée et introduite par), « Les formes de sociétés : de la SE à la SPE », op. cit., p.

titres, des actifs et des passifs transférés, selon la loi applicable aux différentes sociétés participantes357.

239. Les modalités de constitution d’une SE par voie de fusion, est une

combinaison de règles matérielles et de renvois vers la loi de l’Etat du siège des sociétés participantes.

240. En pratique, il résulte de l’article 18 du Règlement SE que chaque société

promouvant l’opération, d’être soumise à la législation applicable à la fusion de SA de l’Etat dont elle relève, pour les modalités non couvertes ou partiellement couvertes par le Règlement358. Cet article pose ici la règle de conflit, qui est qualifiée de claire et précise359. Le Règlement SE a recours à la méthode conflictuelle, en accordant compétence aux lois des Etats où leurs sièges se situent, afin de régir de manière distributive certains aspects de la fusion360. En effet, elle y a notamment recours pour ce qui concerne la protection des différents intérêts pouvant être afféctés lors de la constitution d’une SE par voie de fusion transfrontalière361.

241. A compter de la délivrance du « certificat de conformité » et de l’achèvement

des mesures de publicité, les étapes de la procédure qui ne font pas l’objet de règles matérielles dans le Règlement SE. Elles sont régies par la loi du futur siège de la SE362. Les points de la procédure qui suivent, tels que ceux qui sont relatifs au contrôle de la réalisation de la fusion et à la constitution de la SE, font suites à l’achèvement des différentes étapes décrites dans l’article 18 du Règlement.

357

M. MENJUCQ, (table animée et introduite par), Les fusions transfrontalières », in Les nouveaux outils

de la mobilité des entreprises en Europe : fusions transfrontalières, SE, SPE, Rev. Lamy droit des aff., n°

37, avril 2009, p. 74.

358 H. LE NABASQUE, « L’incidence des normes européennes sur le droit français applicable aux fusions

et au transfert de siège social », op. cit., p. 81. Dans son article, l’auteur énumère brièvement l’ensemble des opérations issues des règles matérielles énumérées par le Règlement ; mais également celles qui sont régies par le droit de national des sociétés qui participent au projet de fusion.

359 J. BEGUIN, « L’avènement de la société européenne », op. cit., p. 76. 360

M. MENJUCQ, « La société européenne », op. cit., p. 225.

361

F. COLLIN, J.-Ph. DOM et J.-C. PAROT, « La société européenne », Actes pratiques sociétés éditions

du juris-classeur, mai-juin 2002, p. 5 ; C. GOYET, « Présentation du Règlement du Conseil relatif au statut

de la société européenne (societas europaea), Aspects de droit international », in La société européenne,

Petites affiches, 2002, n° 76, p. 23.

La directive 2005/56/CE relative aux fusions transfrontalières, en fait de même ; Directive n° 2005/56, article 4-2; cf. M. MENJUCQ, (table animée et introduite par), Les fusions transfrontalières »,op. cit., p. 74 s.

362

242. Les règles matérielles élimine les obstacles sur la résolution des conflits363. Des difficultés s’élevaient aux différents points de la procédure, en rapport avec l’établissement du projet du traité et ceux relatifs aux effets de la fusion. Ces obstacles naissaient par l’application cumulative des dispositions nationales propres à chacune des sociétés participantes. Le Règlement SE a fait disparaitre cet aspect au profit de règles matérielles. Le contenu du projet de fusion est détaillé dans l’article 20 du Règlement SE, tandis que les effets attachés à la fusion sont précisés dans l’article 29. L’application cumulative des droits nationaux est ainsi évitée. Pour autant, le manque de clareté d’une des dispositions du Règlement peut obstruer la réussite de la création d’une SE par voie de fusion transfrontalière. Il s’agit de l’une de ses étapes incontournables, celle de la prise de décision d'une fusion transfrontalière, ayant pour objectif la création d’une SE.

243. Les différentes étapes de constitution d’une SE, sont issues d’une

combinaison de dispositions nationales (dans les conditions harmonisées de la directive n° 78/855/CEE sur les fusions internes) et de règles matérielles issues du Règlement SE.

C’est une source de simplification et de sécurité importante pour le praticien qui dispose désormais de règles claires sur les dispositions applicables à chaque étapes de la procédure364. De manière similaire la 10e directive a calqué la procédure de fusion transfrontalière sur celle mise en place par le Règlement SE. Effectivement, elle réalise une même combinaison de règles de conflit de lois et matérielles365. Il est intéressant de souligner que l’article 5 de la directive n° 2005/56/CE portant sur les mentions du projet commun, est largement inspiré de l’article 20 du Règlement SE. De même que le déroulement de la procédure de fusion est calqué sur les dispositions du Règlement SE en sus de quelques aménagements366.

363 La directive 2005/56/CE relative aux fusions transfrontalières, en fait de même pour déterminer les

conditions de la mise en œuvre de ces opérations.

364

O. DU MOTTAY et F. FAGES, « Société européenne et fusions transfrontalières », in Société

européenne, Droit et patrimoine, n° 163, octobre 2007, p. 77.

Voir supra pour les autres étapes de la procédure.

365

M. MENJUCQ, (table animée et introduite par), Les fusions transfrontalières », op. cit., p. 74 s.; directive n° 2005/56, considérant n° 3.

366 M. MENJUCQ, ibid, p. 74 s.

La procédure de fusion transfrontalière résultant de l’application de 10e directive, parait pour certains points moins complexe que celle qui est applicable à la constitution d’une SE par voie de fusion.

B) La levée de l'unanimité dans la prise de décision d'une fusion transfrontalière

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