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b) Le secret de l’instruction et la chronique judiciaire

6. Le droit à l’anonymat dans la chronique judiciaire

6.4 La recommandation du Conseil de l’Europe sur la diffusion d’informations par les médias en

lien avec les procédures pénales

La recommandation (2003)13 du Conseil de l’Europe757 a été élaborée par le groupe de spécialistes sur la liberté d’expression et les autres droits fondamentaux (MM-S-FR) « en vue de tendre à assurer un équilibre entre la liberté d’expression dans les médias en vertu de l’article 10 de la Convention et deux autres droits fondamentaux : le droit à un procès équitable en vertu de l’article 6 de la Convention et le droit au respect de la vie privée, en vertu de l’article 8 [CEDH] »758. Le Comité des Ministres y a ainsi reconnu les intérêts conflictuels garantis par les articles 6, 8 et 10 CEDH et a énoncé les principes relatifs à la diffusion d’informations sur les procédures pénales, qui exigent le respect de la présomption d’innocence du suspect ou de l’accusé. Bien que dénuée de force juridique, cette recom-mandation revêt néanmoins une certaine importance du fait de sa capacité d’influencer l’orientation des États membres en la matière, en ce qu’elle matérialise les principes sous-jacents à la position de la Cour. Elle rappelle à juste titre que les médias ont le droit d’informer le public en vertu du droit de celui-ci à recevoir des informations, et souligne l’importance des reportages qui portent sur les procédures pénales et qui visent à informer le public et à lui permettre d’exercer un droit de regard et de contrôle sur le fonctionnement du système judiciaire pénal. En outre, la recommandation met en exergue le caractère essentiel de l’information pour le public en ce qu’elle accentue la fonction dissuasive du droit pénal. L’annexe de cette recommandation souligne d’ailleurs l’importance du « droit du public à recevoir des informations sur les activités des autorités judiciaires et des services de police à travers les médias, ce qui implique pour les journa-listes le droit de pouvoir librement rendre compte du fonctionnement du système de justice pénale »759.

Au fond, la recommandation établit quelques critères substantiels et procéduraux, dont les États contractants devraient tenir compte lorsqu’ils édictent des normes sur l’information médiatique. L’un de ces critères

757 R (2003)13 du Conseil de l’Europe sur la diffusion d’informations par les médias en relation avec les procédures pénales adoptée par le Comité des Ministres le 10 juillet 2003, lors de la 848e réunion des Délégués des Ministres.

758 55ème réunion du Comité directeur sur les moyens de communications de masse (CDMM) du 29 mai-1er juin 2001, CDMM(2001)14. V.a. Le rapport de la 1ère réunion du groupe de spécialistes sur la liberté d’expression et les autres droits fondamentaux.

759 Cour eur. D.H., Dupuis et autres c. France, précité note655, § 42.

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porte notamment sur le respect de la présomption d’innocence. Dans le principe n° 2 de son annexe, la recommandation prévoit ainsi que « des opinions et des informations concernant les procédures pénales en cours ne devraient être communiquées ou diffusées à travers les médias que si cela ne porte pas atteinte à la présomption d’innocence du suspect ou de l’accusé »760. La violation de ce principe peut engager la responsabilité de l’État, comme il se dégage de l’arrêt Allenet de Ribemont c. France761.

Concernant les procédures pénales en cours, la protection de la vie privée, garantie à l’article 8 CEDH, figure au principe n° 8. Hormis l’identification suite à l’exécution des peines, la recommandation semble silencieuse sur la question de citer le nom des prévenus, ce qui nous laisse croire que c’est aux États contractants d’en décider. Néanmoins, le commentaire explicite que « la simple identification du nom du prévenu ou du condamné peut constituer une sanction plus sévère qu’une peine infligée par un tribunal pénal », ce qui vaut aussi pour l’image762.

Au surplus, le principe n° 10 prévoit que, « dans le cadre des procédures pénales, en particulier celles impliquant des jurys ou des magistrats non professionnels, les autorités judiciaires et les services de police devraient s’abstenir de fournir publiquement des informations qui comportent un risque d’influence préjudiciable substantielle sur l’équité de la procé-dure »763. L’exigence d’assurer l’impartialité a été mise en évidence dans l’affaire Buscemi c. Italie764 dans le cadre de laquelle la campagne de presse avait été menée par les autorités. Or, comme il ressort de l’affaire Baragiola c.

Suisse, lorsqu’une campagne émane de la presse, la Cour est moins stricte quant à la question de savoir si l’impartialité est mise en jeu ou non par rapport à un cas où un communiqué de presse proviendrait des autorités765. Au principe n° 6 de sa recommandation 2003, le Comité des Ministres exige qu’une communication régulière sur l’avancement des procédures

760 Annexe à la R (2003)13, Principes concernant la diffusion d’informations par les médias en relation avec les procédures pénales, Principe n° 2.

761 Cour eur. D.H., Allenet de Ribemont c. France, précité note51. V. supra.

762 § 26 du Commentaire sur la recommandation, in Exposé des motifs de la R (2003)13. La protection du nom est couvert par la garantie découlant de l’article 8 CEDH, v. notamment Cour eur. D.H., Burghartz c. Suisse, précité note153 et Unal tekeli c. Turquie, du 16 novembre 2004, n° 29865/96.

763 Annexe à la R (2003)13, cité, Principes concernant la diffusion d’informations par les médias en relation avec les procédures pénales, Principe n° 10.

764 Cour eur. D. H., Buscemi c. Italie, du 16 septembre 1999, n° 29569/95, § 68–69.

765 Commission eur. D.H., Baragiola c. Suisse, précité note697. V.n. lemmenS/vandrooGHenBroecK, précité note359.

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pénales en cours soit assurée afin de concilier les exigences de la liberté d’expression et les garanties liées à un procès équitable.

De même, dans sa recommandation 2011, le Comité des Ministres insiste sur le rapport fragile qui existe entre la presse et les procédures pénales, en précisant que « les médias, aussi bien nouveaux que traditionnels, jouent un autre rôle important dans une société démocratique : celui d’informer le public des procédures pénales. Dans l’exercice de leur responsabilité éditoriale, les médias devraient veiller à ne pas perturber le cours de la justice, à ne pas compromettre le bon fonctionnement du pouvoir judi-ciaire et à ne pas porter atteinte au droit des personnes impliquées, au respect de leur vie privée et à la sécurité. Ils sont notamment tenus de respecter la présomption d’innocence du suspect ou du prévenu. Une attention particulière devrait être portée à la préservation de la dignité des personnes vulnérables, des victimes, des témoins et des proches des per-sonnes concernées par les procédures pénales. Cela n’empêche toutefois pas de donner des informations dans l’intérêt du public »766.

766 R (2011)7, précité note203, § 87.

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