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Se référer uniquement au droit conventionnel ou au droit national ne serait pas suffisant pour pouvoir dégager de manière satisfaisante les enjeux qui se présentent. De même, l’étude d’un seul système juridique national ne permettrait pas de prendre en compte les particularités étatiques. C’est la raison pour laquelle nous procéderons à la comparaison des droits suisse et italien en la matière. Outre la proximité géographique et linguistique entre

26 F. palaZZo, « Charte européenne des droits fondamentaux et droit pénal », RSC 2008, p. 1–13, p. 4.

27 F. palaZZo, M. papa, Lezioni di diritto penale comparato, 2ème éd., 2005, Giappichelli, Turin, p. 25.

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ces deux pays, la familiarité avec le droit suisse et l’actualité incessante du sujet en Italie ont été déterminantes dans ce choix28.

La finalité de cette étude n’est pas de présenter simplement les solu-tions envisagées, mais de parvenir à une réflexion par la méthode com-parative pour résoudre une même difficulté. La relation ambiguë entre l’information judiciaire et les règles procédurales (non seulement pénales mais aussi administratives et civiles) concerne tous les ordres juridiques qui garantissent la liberté d’expression et qui se soucient d’assurer une justice équitable. Dès lors, le rapport entre le procès pénal et l’information est un problème crucial, qui préoccupe tant la Suisse que l’Italie. Par consé-quent, une approche comparative se justifie par l’émergence croissante des informations transnationales au sens de la pensée luhmanienne29. Aussi, le conflit entre la liberté d’expression et la présomption d’innocence requiert une confrontation des diverses manières de l’appréhender en fonction du contexte. Tant les techniques que les objectifs visés peuvent diverger et éventuellement s’influencer. Il nous a paru opportun de confronter les deux ordres juridiques pour déterminer les causes du conflit et de compa-rer les solutions proposées. Par ailleurs, une analyse purement nationale ne pourrait pas mettre en évidence les divergences liées à la doctrine de la marge d’appréciation et l’impact plus ou moins important du droit pénal dans la garantie des droits fondamentaux. Enfin, une confrontation entre au moins deux ordres juridiques30 semble nécessaire pour évaluer le degré d’influence, au niveau national, de la position de la Cour européenne des droits de l’homme et des garanties conventionnelles.

Concernant la méthode comparatiste, il nous faut préciser que nous ne nous contenterons pas de dresser un panorama détaillé des deux systèmes nationaux. En effet, une analyse de la situation dans chacun de ces deux ordres ne permettrait pas de saisir les subtilités de la problématique, ni même de démontrer l’utilité de la recherche. Afin de parvenir à une étude comparée satisfaisante, notre point de départ et de référence sera la CEDH.

Nous pourrons ainsi définir, au fur et à mesure, les convergences et les

28 C’est essentiellement à partir de l’opération Mani pulite, que la médiatisation des procès pénaux en Italie ne cesse de croître. V. notamment, Tangentopoli, le nom donné par la presse au début des années 90 pour désigner les enquêtes sur la corruption, la concussion et les financements illicites dans les partis politiques italiens.

29 N. luHmann, Die Realität der Massenmedien, Opladen, Westdeutscher, 1995, p. 17 ; v. a.

G. reSta, précité note21, p. 20 et 21.

30 Sur le choix étroit des éléments de comparaison, v. G. dannemann, « Comparative Law : Study of Similarities or Differences ? » in The Oxford Handbook of Comparative Law, M. reimann, R. Zimmermann eds., Oxford UP, Oxford, 2006, p. 383 sq., p. 407–411.

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divergences des deux ordres juridiques par rapport au niveau de garantie établi par la CEDH, mais aussi entre les deux ordres nationaux, et ce afin d’expliquer les différences31.

La présente thèse aura donc pour objet l’étude des sources juridiques suivantes :

• la CEDH, ainsi que la jurisprudence de la Cour et de son prédéces-seur, la Commission européenne des droits de l’homme (ci-après : la Commission) au niveau régional ;

• le droit suisse en référence à la jurisprudence du Tribunal fédéral suisse (ci-après : le TF) ;

• le droit italien en référence à la jurisprudence de la Cour constitu-tionnelle italienne et à celle de la Cour de cassation.

L’analyse se divisera essentiellement en trois parties.

Dans la première partie, nous examinerons l’appréhension du conflit par la CEDH et la jurisprudence y afférente. Seront présentés à cette fin les droits qui entrent en ligne de compte avec le régime des restrictions que la CEDH prévoit à leur égard. Puis, nous traiterons de l’effet horizontal de la liberté d’expression et de la présomption d’innocence, ainsi que de l’éventuelle classification entre ces droits avant d’aborder la question du conflit proprement dit. Enfin, nous étudierons la relation entre le droit pénal et les droits fondamentaux puisqu’une atteinte à la présomption d’innocence, commise par voie de presse, trouve son pendant en droit pénal dans l’incrimination de la diffamation.

Dans la deuxième partie sera examinée la marge d’appréciation accordée aux États par la Cour à l’égard du conflit en question. Nous y aborderons en outre son impact sur la sécurité juridique et la façon dont les États parties opèrent pour régler les conflits de droits fondamentaux.

La troisième partie portera sur la manière dont les ordres juridiques suisse et italien appréhendent ledit conflit. La description des droits fon-damentaux, leur classification et l’étude de leur effet horizontal en droit national précéderont l’analyse de l’approche des tribunaux. Viendront ensuite le régime de la diffamation, en particulier par voie de presse, et l’examen de la question de la compatibilité.

En conclusion, nous essaierons d’extraire de nos développements un éventuel alignement des jurisprudences nationales sur celle de la Cour

31 Pour cette méthode v. D. nelKen, « Comparing Criminal Justice », in The Oxford Handbook of Criminology, M. maGuire, r. morGan, r. reiner (éd.), 3rd ed., OUP Oxford, 2002, p. 175–

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de Strasbourg, en examinant la marge d’appréciation accordée aux États contractants, en vue de parvenir à une harmonisation de la résolution du conflit. Enfin, nous tenterons de proposer un modèle de résolution du conflit en question en nous centrant sur la diffamation par voie de presse.

Nous examinerons essentiellement l’aspect du conflit opposant la liberté de la presse au respect de la réputation, qui se rattache à la pré-somption d’innocence. L’approche comparative permettra à nouveau de déterminer l’influence de l’effet horizontal des droits constitutionnels.

Le secret des sources journalistiques en tant que tel ne sera pas abordé, même si parfois nous nous y référerons. Nous ne traiterons pas non plus des droits des victimes, étant donné que notre étude se focalisera sur les droits de la défense. En outre, notre analyse portera essentiellement sur la presse classique, même si l’émergence croissante des médias en ligne est indéniable. Enfin, la question de la rectification en cas de diffamation ne sera pas examinée.

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