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1.2. Mariologie africaine dans la phase de la naissance de la théologie africaine

1.2.3. Les recherches mariologiques durant la période de l’élaboration effective de la

Après les débats sur les fondements des années soixante, où des propositions concrètes dans différentes disciplines théologiques ont développé des visions, des concepts, des vocables techniques et des méthodes d’approche, la théologie africaine est entrée dans sa phase d’élaboration effective, celle de maturation et d’approfondissement. Pendant cette époque, des recherches sont menées ou approfondies dans les domaines particuliers ou branches de cette théologie188. Ce stade, en épousant un caractère contextuel, sera un rejet de la théologie

d’adaptation et fera un choix privilégié pour la théologie de l’inculturation, de la libération et de la reconstruction. Les recherches mariologiques seront présentes dans les courants théologiques africains qui se sont développés durant cette étape, particulièrement dans la théologie africaine de l’inculturation.

1.2.3.1. La mariologie africaine dans le discours de la théologie africaine de

l’inculturation.

La mariologie africaine s’est située dans la foulée de la théologie africaine de l’inculturation qui, elle-même, avait pris naissance dans le contexte général de la contestation de la domination occidentale et de l'affirmation de l'identité (culturelle) africaine. C'est une recherche pour réhabiliter l'Africain et les cultures africaines méprisées et dominées par la culture et le christianisme de l'Europe occidentale. Comme pour la théologie africaine de l’inculturation, l’axe principal autour duquel se construit cette mariologie est la culture. Dans

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cette approche théologique, la culture africaine et les religions traditionnelles africaines (RTA) révélant l'africanité se présentent comme pôles nécessaires pour l'intelligence et l'expression de la foi chrétienne en Afrique noire. Les discours mariologiques de l'inculturation constituent une prise en compte de la culture africaine dans la profession de la foi en Marie et une mise en relief de sa mission dans l’histoire du salut. Pour dire ce que Marie est "pour eux", certains des théologiens/es africains recherchent dans la tradition culturelle africaine des éléments qui peuvent exprimer le mystère de Marie. Ils examinent les catégories culturelles africaines qui peuvent entrer en dialogue avec la mariologie en général, pour aboutir à une mariologie africaine inculturée. D’autres cherchent, comme ils l’ont fait avec Jésus-Christ, à répondre à la question: Qui est Marie pour les Africains et les Africaines ? Ainsi trouvent-ils un élément de réponse en étudiant la problématique de la dénomination de Marie. Car pour eux, le nom, comme le dit Jacques Fédry qui parle de l’anthroponomie en Afrique, « c’est le moi social, le moi relationnel : l’être reconnu, appelé, désigné, cité, loué ou dénigré, béni ou maudit, célébré et chanté. Le nom est soumis au respect de la hiérarchie sociale dans son emploi »189. La Vierge Marie est ainsi

désignée sous les titres de "Maman", d’"ancêtre" et bien d’autres. Compte tenu des critères d’ancestralité en Afrique, prendre Marie pour ancêtre est discutable à notre avis. Ces critères portent sur la longévité, la sagesse, la descendance nombreuse, la transmission de la vie, la qualité de la vie et de la mort190. La Vierge Marie ne semble pas remplir certains de ces critères.

189 J. FÉDRY, « Le nom, c’est l’homme. Données africaines d’anthroponomie », dans, L’Homme, 3/2009, n°191,

p.77-106, URL :www.cairn.info/revue-l-homme-2009-3-page-77.htm, consulté le 24 avril 2015.

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Cependant, le titre de "Maman" est celui qui, sans aucun doute, parle le plus à l’esprit et au cœur de l’Africain191. Cela se justifie dans la mesure où les essais mariologiques africains trouvent

un consensus sur l’importance de la maternité dans la vie des Africains et Africaines, d’autant plus qu’elle est une catégorie culturelle qui a une signification particulière pour eux192. Cette

importance sera expliquée davantage dans le chapitre réservé à l’inculturation de certains mystères marials. Signalons en passant que l’inculturation est le champ de la mariologie africaine le plus développé. Plusieurs mystères marials ont ainsi fait l’objet de tentatives d’inculturation. Parmi ceux-ci, on peut noter la maternité mariale, l’Immaculée conception, la médiation mariale, les apparitions mariales, etc.

1.2.3.2. La mariologie africaine dans le discours de la théologie africaine de la libération et de la reconstruction

Contrairement à l’inculturation qui est le domaine de la mariologie africaine le plus en vue, la présence mariale dans le discours de la théologie africaine de la libération et de la reconstruction émerge à peine. Elle se situe dans le sillage des critiques faites à l’encontre de la théologie (mariologie) africaine de l’inculturation. On reproche à celle-ci de faire une promotion exagérée des valeurs culturelles négro-africaines et de ne pas être enracinée dans les réalités africaines infra-humaines. Parce que séparée de l’action, elle s’est écartée des réalités

191 D. ATAL SA ANGANG, « Culture africaine et réflexion théologique sur la Vierge Marie, Mère de Jésus », dans

E. PERETO, L’Immagine teologica di Maria oggi. Fede e cultura. Attidel X Simposio internazionale Mariologica (Rome 4-7 ottobe 1994). Edizioni Marianum, p.157-158.

192 J.R. MAVINGA, La médiation maternelle de Marie. Du magistère pontifical et conciliaire (1878-1987) à

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existentielles négro-africaines contemporaines193. Mettant l’accent sur une liturgie friande de

manifestations extérieures, liturgie qui plonge les fidèles chrétiens dans la culture de la résignation et de l’apathie sociale, elle ne permet pas aux peuples de comprendre clairement le lien qui doit exister entre les forces spirituelles dans leur vie et les solutions essentielles à élaborer face aux problèmes économiques, politiques et sociaux194.

C’est dans cette optique que les mariologues africains vont trouver la nécessité de rupture épistémologique et la recherche de nouveaux paradigmes pouvant guider toute réflexion mariale en Afrique. Ils vont proposer une nouvelle lecture sociopolitique de certains mystères marials.

Conclusion

Ce premier chapitre nous a permis de montrer que la mariologie africaine a évolué au rythme du développement de la théologie africaine. Après avoir présenté les étapes essentielles, les principaux courants et les caractéristiques de cette théologie produite en Afrique subsaharienne, nous nous sommes appliqué à situer le discours marial africain dans chacune de ces étapes. Ainsi dans le processus de la naissance de la théologie africaine, notre étude a fait état de la présence mariale dans l’ouvrage qui a scellé l’acte fondateur de cette théologie. Les prières conclusives de cet ouvrage adressées, à la Vierge Marie, avec leur caractère contestataire, endossent la problématique générale qui caractérisera le début de cette théologie. Quant à la période de l’exploration du fondement épistémologique de la théologie africaine, c’est à travers les recherches du statut du dogme et du langage qui les exprime que la mariologie africaine sera

193 V. KAMBALE KANDIKI, « Les Églises africaines pour une nouvelle approche de la théologie de la libération

», op.cit., p.105. 194Ibidem, p.101-124.

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perceptible. Elle le sera aussi en lien avec la prise en compte, par les théologiens et théologiennes africains, du Concile Vatican II et de ses orientations concernant le développement de tout discours marial. Lorsque la théologie africaine va s’élaborer effectivement, les recherches mariologiques s’orienteront d’un côté vers l’inculturation de certains mystères marials, et de l’autre côté vers la libération et la reconstruction comme réaction à la mise de côté des problèmes sociétaux par la mariologie africaine de l’inculturation.

Par ailleurs, la figure de la Vierge Marie ainsi que le culte qu’on lui rend ont joué un rôle de premier plan dans l’évangélisation du continent africain. L’expérience de cette présence mariale a été valorisée et mise par écrit aussi bien par les missionnaires que par d’autres théologiens et théologiennes africains. Elle constitue d’une certaine façon les premières ébauches de la mariologie en Afrique que les différents courants de la théologie africaine susmentionnés vont revisiter.

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CHAPITRE DEUX

LA DÉVOTION MARIALE DANS L’ÉVANGÉLISATION

MISSIONNAIRE EN AFRIQUE

Ce chapitre veut faire une analyse du rôle de la figure de Marie et de la dévotion mariale durant la période de l’évangélisation du continent africain. Il examine respectivement les facteurs d’expansion du culte marial ainsi que la propagation de cette dévotion à travers les méthodes d’évangélisation.

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