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1.1. Aperçu historique de la théologie africaine contemporaine

1.1.2. Caractéristiques de la théologie africaine

Depuis les années 1970, la théologie africaine est qualifiée de contestataire et revendicative110. On la qualifie également d’une théologie ouverte à l’œcuménisme, à la culture,

aux problèmes du monde et au multilinguisme.

106 O. BIMWENYI KWESHI, Discours négro-africain. Problème de fondements, Paris, Présence Africaine,1981. 107T. TSHIBANGU TSHISHIKU, « Les tâches de la théologie africaine : question aux théologiens africains », dans

BTA, vol.1, 1979, p.23-33.

108 R. LUNEAU, Paroles et silences du Synode africain (1989-1995), Paris, Karthala, Renaud-Bray, 1997, p.10.

Voir aussi, M. CHEZA, Synode africain : histoire et textes, Paris, Karthala, 1996, p.272-273.

109 J.-M. ELA, « Identité propre d’une théologie africaine », dans C. GEFFRE (dir.), Théologie et choc des cultures.

Colloque de l’Institut Catholique de Paris, Paris, Cerf, 1984, p.36-44.

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1.1.2.1. Une théologie contestataire et revendicative

Cette théologie est contestataire dans la mesure où, pour se faire reconnaître comme telle, elle a dû s’affranchir de la tutelle occidentale. Ses théologiens et théologiennes ont contesté la conception européocentrique de leurs confrères occidentaux. Celle-ci pose deux problèmes : le premier est le risque d’identification de l’universalité à la civilisation occidentale ; le deuxième est qu’au nom de l’appropriation de l’universalité, les autres expressions culturelles du monde sont facilement exilées à la périphérie, alors que toutes les théologies sont à la fois situationnistes et contextuelles et participent au bien du corps mystique du Christ qu’est l’Église111. Elle est revendicative parce qu’elle stipule le principe du droit à la différence,

principe qui découle de la réponse que l’Africain est appelé à donner à la révélation chrétienne. Ce droit à la différence n’est ni incompatible avec l’unité dans la foi, ni avec le principe de communion de foi112.

1.1.2.2. Une théologie œcuménique

Engelbert Mveng soutient qu’on doit comprendre cette théologie qui est œcuménique, comme la « dynamique d’unité, de réconciliation et de solidarité à l’africaine qui plonge ses racines dans la pure tradition des ancêtres ». Pour lui, « l’Afrique doit inventer ses voies vers l’œcuménisme, et procéder à la libération des Églises enchainées par des rivalités, des divisions et des luttes pour le pouvoir »113. D’autres éléments qui justifient cet aspect œcuménique sont

révélés par Emmanuel Elochukwu Uzukwu qui insiste sur le fait que les problèmes qui font surgir le discours théologique négro-africain sont vécus en commun par tous les chrétiens et par

111Idem.

112 A. NGINDU MUSHETE, « Unité de la foi et pluralité en théologie : un malentendu théologique », dans

Théologie du Tiers-Monde. Du conformisme à l’indépendance, Paris, L’Harmattan, 1977, p. 233-237.

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toutes les chrétiennes. La méthode en théologie et les sources même de la théologie africaine sont partagées par tous les théologiens et théologiennes africains. De même, le témoignage primordial des premiers martyrs chrétiens d’Afrique a été rendu aussi bien par les protestants que par les catholiques. Il y a aussi la collaboration de toutes les confessions dans l’Association œcuménique des théologiens du Tiers-Monde et dans l’Association œcuménique des théologiens africains qui montre combien les théologiens sont décidés à témoigner et à travailler ensemble114.

1.1.2.3. Une théologie multilingue

Le multilinguisme dans la théologie africaine est le plus visible au niveau de la liturgie où les Églises africaines utilisent les diverses langues locales, régionales ou nationales. Au niveau de l’expression théologique, elles empruntent toujours, jusqu’à présent, les langues des pays étrangères (français, anglais, espagnol et portugais…). Toutefois, pour faciliter la circulation des réflexions théologiques, les théologiens africains optent pour la publication, dans une même revue, des articles en plusieurs langues. De même certains livres sont traduits d’une langue à une autre, toujours dans le même souci de la propagation des discours théologiques africains115. On soutient aussi que cette théologie « est vécue en langues indigènes, dans les

villages et les quartiers, avant d’être traduite en langues étrangères par ses propres héritiers légitimes, les théologiens [et théologiennes] africains »116.

114 E. UZUKWU ELOCHUKWU, « Le devenir de la théologie catholique en Afrique anglophone », dans J. DORÉ

(dir.), Le devenir de la théologie catholique mondiale depuis Vatican II- 1965-1999, col. Sciences Théologiques et religieuses, Paris, Beauchesne, 2000, p.226-227.

115 E. KAOBO SUMAIDI, Christologie africaine (1956-2000). Histoire et enjeux, op.cit., p.36.

116 E. MVENG, Théologie, libération et cultures africaines : dialogue sur l’anthropologie africaine, Yaoundé,

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1.1.2.4. Une théologie de la culture

Le rejet des théories missionnaires de l’implantation et de l’adaptation a conduit les théologiens et théologiennes africains à élaborer une théologie de la culture et des religions non chrétiennes résolument inductives. Leur démarche était fondée sur une conviction majeure : « on ne peut parler valablement du sens de Dieu dans une autre culture que si l’on est soi-même enraciné dans sa propre culture »117. Ici, l’expérience humaine et religieuse des peuples africains

constitue le lieu privilégié à partir duquel le Christ peut être rencontré et reconnu par les Africains et les Africaines. Il s’agit de penser, de comprendre et de confesser Jésus-Christ présent dans l’histoire et la culture africaines. Ainsi la mission chrétienne ne part plus, comme jadis, de l’universalité abstraitement affirmée du christianisme, mais de sa particularité118.

1.1.2.5. Une théologie ouverte aux problèmes du monde

Depuis quelques décennies, suite aux multiples problèmes que rencontrent les pays africains, les théologiens s’interrogent à savoir s’il faut rester seulement dans un univers religieux à trois dimensions à savoir le péché, les sacrements et la grâce. Ils sont parvenus à l’idée selon laquelle on ne peut pas séparer les questions de la foi en milieu africain, des questions posées par tout un processus de recolonisation en cours dans les pays du continent. Car l’Église d’Afrique est interpellée par une série de problèmes, notamment le racisme, la pauvreté grandissante des masses paysannes, le matérialisme, les coups d’état militaires,

117 A. NGINDU MUSHETE, Les thèmes majeurs de la théologie africaine, op.cit., p.51. 118 Ibidem, p.52-56.

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l’instabilité politique et économique et la corruption…Dans ce contexte, l’Église doit trouver une manière adéquate d’annoncer l’Évangile, de proclamer la primauté du Christ libérateur. Sans justice ni paix, l’évangélisation perdra de sa crédibilité. C’est un devoir de vigilance et de courage. L’Église doit sortir des sentiers battus d’une praxis qui l’enferme dans une sorte de sommeil dogmatique à l’égard des violations de l’humain, des brimades aveugles, des mutilations, des structures d’inégalité et de domination parmi les peuples où le système néo- colonial étend des tentacules immenses119.

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