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1.1. Aperçu historique de la théologie africaine contemporaine

1.1.3. Principaux courants de la théologie africaine

Les violons ne s’accordent pas entre historiens et historiennes de la théologie africaine au sujet du nombre de courants ou axes majeurs de cette théologie. Certains, comme Ngindu Mushete, en distinguent trois, à savoir la théologie missionnaire, la théologie dite africaine et la théologie noire sud-africaine ou Black Theology120. D’autres admettent deux orientations

générales, l’une de l’inculturation (Bimwenyi Kweshi, Mukuna Mutanda, E. Uzukwu)121 et

l’autre de la libération (Engelbert Mveng)122. D’autres encore comme Étienne Kaobo Sumaïdi

en distinguent quatre, en l’occurrence l’inculturation, la théologie noire, la libération et la reconstruction123.

119 A. NGINDU MUSHETE, Les thèmes majeurs de la théologie africaine, op.cit., p.57-62. 120 Ibidem, p.21-49.

121 O. BIMWENYI KWESHI, Discours négro-africain. Problème de fondements, Paris, Présence africaine, 1981 ;

P. MUKUNA MUTANDA, « Genèse et évolution de la théologie africaine », dans Théologie africaine. Bilan et

perspectives, Actes de la Dix-septième Semaine Théologique de Kinshasa, Kinshasa, FTCK, 1989, p.27-56 ; E.

UZUKWU ELOCHUKWU, « Le devenir de la théologie catholique en Afrique anglophone », dans J. DORÉ (dir.),

Le devenir de la théologie catholique mondiale depuis Vatican II ,1965-1999, op.cit., p.61-90.

122 E. MVENG, « La théologie africaine de la libération », dans Concilium, 219, 1988, p.31-51. 123 E. KAOBO SUMAIDI, Christologie africaine (1956-2000). Histoire et enjeux, op.cit., p.56.

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Pour notre part, tout en prenant en compte des courants précédents, nous pensons en retenir cinq, à savoir la théologie de l’adaptation ou des pierres d’attente, la théologie de l’incarnation ou de l’inculturation, la théologie noire ou Black theology, la théologie de la libération et la théologie de la reconstruction.

1.1.3.1. Théologie de l’adaptation ou des pierres d’attente

Les tenants de cette théologie (Tempels, Mulago, Kagame, Lufuluabo, Nothomb) rêvent d’une Église à couleur africaine, d’un christianisme à visage africain. Il s’agit de comprendre le destinataire de l’Évangile, de pénétrer sa mentalité, sa culture, sa philosophie et de greffer le message chrétien à l’âme du prosélyte124. Cette théologie établit une continuité entre le

christianisme et la foi chrétienne. Elle invite les cultures africaines sur le champ de l’évangélisation afin que le peuple récemment converti pense et vive le christianisme avec son âme propre125. L’adaptation est la présentation du message chrétien dans son aspect le plus en

harmonie avec les aspirations du peuple à gagner au Christ126. Pour y arriver, ces théologiens et

théologiennes envisagent de « creuser, fouiller, déblayer avec patience le terrain rocailleux des superstitions, et d’entreprendre un laborieux pèlerinage aux sources de la pensée nègre pour y trouver les valeurs préchrétiennes, pour y découvrir les valeurs de l’âme africaine qui sont compatibles avec la foi chrétienne »127.

124 A. NGINDU MUSHETE, Les thèmes majeurs de la théologie africaine, op.cit., p.34-49. 125 G. TCHONANG, « Brève histoire de la théologie africaine », op.cit., p.178.

126 V. MULAGO, « Nécessité de l’adaptation missionnaire chez les Bantus du Congo », dans COLLECTIF, Des

prêtres noirs s’interrogent, op.cit., p.22-23.

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Le principal mérite de cette théologie, selon Ngindu Mushete, est de nous avoir rappelé la nécessité de l’incarnation du message évangélique dans les cultures autres que l’européenne. Cette théologie a eu une influence sur l’africanisation du personnel ecclésiastique, de la pastorale, de la catéchèse, de la liturgie, etc.128 Cependant, on lui a reproché, non seulement sa

méthode théologique basée sur le concordisme, mais aussi un christianisme enveloppé et structuré par la conceptualité philosophique et métaphysique de la culture occidentale. Par conséquent, elle est encore inapte à rendre compte de l’impératif de libération de l’homme africain, à mettre en lumière la force subversive de l’Évangile contre les forces de mort qui enserrent l’Afrique129.

1.1.3.2. La théologie de l’incarnation ou de l’inculturation.

Les bases de cette théologie sont jetées par les travaux des théologiens Anselme Tatiana Sanon130 et Jacob Agossou131. Ils seront suivis par la déclaration des évêques d’Afrique et

Madagascar présents au quatrième synode épiscopal mondial de 1974132. Leur message va

récuser la démarche théologique de l’adaptation et promouvoir celle de l’incarnation, en considérant la culture comme terreau de l’incarnation de l’Évangile et de la pratique sacramentelle, et lieu de la refonte du donné révélé133. Plus tard, le concept d’incarnation fera

place à celui d’inculturation qui « signifie que le christianisme doit être planté dans l’humus de

128 A. NGINDU MUSHETE, Les thèmes majeurs de la théologie africaine, op.cit., p.34-49. 129 G. TCHONANG, « Brève histoire de la théologie africaine », op.cit., p.179.

130 A. TATIANA SANON, Tierce église ma mère ou la conversion d’une communauté païenne au Christ, Paris,

Beauchesne, 1972.

131 J. AGOSSOU, L’homme et le Dieu créateur selon les sud-dahoméens. De la dialectique de la participation

vitale à une théologie anthropocentrique, Paris, Beauchesne, 1972.

132 « Promouvoir l’Évangélisation dans la coresponsabilité. Déclaration des évêques d’Afrique et de Madagascar

présents au quatrième synode épiscopal mondial », dans Documentation catholique 1664 (1974), p. 995-996.

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la culture africaine, de sorte qu’il soit transformé en chair africaine, et qu’en même temps il transforme cette chair, notamment la culture africaine »134. Pour Jean-Paul Messina, « il y a

donc, dans l’inculturation, un principe dialectique et dynamique. C’est d’abord l’Évangile qui rejoint la culture pour se laisser traduire dans le langage de celle-ci ; c’est ensuite la culture elle- même qui en sort rénovée »135. Pour le contexte africain, ce processus a aussi permis de

reconnaître sa culture, de l’accepter et d’affirmer qu’elle peut accueillir et véhiculer l’Évangile à l’instar de toutes les autres cultures dites chrétiennes. Ainsi, « derrière le problème de l’inculturation de l’Évangile en situation africaine, il y a la recherche de la légitimation de sa culture. Dans ce sens, ce processus devient une levée progressive ou brutale de l’interdit sur la culture des Africains et des Africaines et sa libération par rapport à la culture occidentale »136.

Ici, l’annonce de l’Évangile prend au sérieux l’aire culturelle africaine avec ses langues, ses symboles, ses rites et sa vision du monde, pour permettre l’accueil et l’adoption de la Bonne Nouvelle du Salut en Jésus le Christ.

Par ailleurs, face à la prolifération vertigineuse de la pauvreté endémique et de l’annihilation anthropologique du négro-africain, face aux multiples problèmes aux niveaux économique, politique, social et culturel que rencontre la majorité des pays africains, la théologie de l’inculturation reçoit des critiques acerbes. Déjà en 1985, Éloi Messi Metogo prenait ses distances vis-à-vis d’une théologie de l’inculturation qui part des valeurs culturelles traditionnelles exaltées. Il proposait « de redéfinir les valeurs dans un contexte nouveau, et abandonner les incantations sur l’âme noire »137. Kä Mana fait de même en voyant dans

134 B. BUJO, Introduction à la théologie africaine, op.cit., p.65.

135 J.P. MESSINA, Culture, christianisme et quête d’une identité africaine, Paris, L’Harmattan, 2007, p.129. 136 F. OUAMBA, « Les enjeux de l’inculturation en Afrique », voir le lien http://www.eglise-reformee-

mulhouse.org/el/eld2.htm, consulté le 11 novembre 2014.

137 E. MESSI METOGO, Théologie africaine et ethnophilosophie. Problèmes de méthodes en théologie africaine,

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l’inculturation un mouvement d’une certaine élite africaine, mouvement dont l’impasse illustre les difficultés qu’il y aurait à vouloir décider de penser la foi chrétienne selon la logique des traditions culturelles dont on ne se demande pas préalablement si elles traduisent ou non les options réelles des peuples au nom desquels on parle, et si elles correspondent à leurs visées de fond et aux structures concrètes de leur imagination138. Kambale Kandiki soutient que cette

théologie conforte la bonne conscience des bourreaux des masses paysannes africaines, condamnées à vivre dans des conditions socio-économiques déshumanisantes qui dénaturent l’image de Dieu en l’homme. Il la considère comme une réflexion théologique qui sous-tend une exaltation démesurée de l’exhumation folklorique, voire passéiste, des valeurs culturelles négro-africaines. Ainsi elle ne revêt aucune valeur opératoire susceptible de contribuer à la transformation qualitative de la pratique politique et socio-économique africaine contemporaines139. Ces critiques seront à la base de la naissance de la théologie de la libération.

1.1.3.3. La théologie noire ou Black theology

Née aux États-Unis, la théologie noire apparaît dans les années 60 autour de deux figures de la lutte contre le racisme blanc, Malcolm X et Martin Luther King. Pour Bruno Chenu, tout, dans cette théologie, peut se résumer en cette question qui porte gravement la problématique générale : « Comment parler de Dieu (King) dans un monde qui ne rend pas justice aux Noirs (Malcon X) ? »140. L’influence de la théologie noire américaine (et spécialement les écrits de

138 KÄ MANA, Christ d’Afrique. Enjeux éthiques de la foi africaine en Jésus-Christ, Paris-Nairobi-Yaoundé-

Lomé, Karthala, Ceta-Clé, Habo, 1994, p.30-34.

139 V. KAMBALE KANDIKI, « Les Églises africaines pour une nouvelle approche de la théologie de la libération

», dans F. HOUTART (dir.), Théologie de la libération, Paris, Montréal, L’Harmattan, 2000, p.101-124.

140 B. CHENU, « Vitalité de la théologie noire-américaine. La montée de la sève féminine », dans Telema, 2, 1995,

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James H. Cone141) est entrée en Afrique du Sud vers les années 70 avec le durcissement du

système de l’Apartheid. Elle a favorisé le développement de la théologie noire sud-africaine dont le berceau sera le Mouvement de la conscience noire fondé par Steve Biko en 1976142. Ce

mouvement s’est développé parmi les Noirs des villes, surtout parmi les étudiants, pour faire prendre conscience à la communauté noire de sa situation, de son identité et des moyens de provoquer le changement. Le mouvement fit preuve d’un puissant dynamisme qui rassembla Africains, Métis et Indiens à la recherche de nouvelles voies pour combattre l’Apartheid, depuis l’interdiction de l’African national congress (ANC) et du Panafrican Congress (PAC). Par ses membres, le mouvement plongeait ses racines dans les Églises. Il s’agissait en fait d’un réveil spirituel et d’une redécouverte de la culture africaine, d’une sorte de « Renaissance noire », de l’élaboration d’une philosophie et d’une praxis pour la libération143.

Le message central de cette théologie se résume à travers trois concepts-clés de la théologie noire américaine : négation, affirmation et libération. La négation concerne la dénonciation de la théologie que lui a léguée la chrétienté occidentale : « Une théologie de compromis et de soumission, une spiritualité individualiste orientée vers un autre monde, une théologie qui se désintéresse des réalités de notre monde, sauf quand il s’agit de proclamer que l’ordre existant est voulu par Dieu »144. L’Apartheid est alors dénoncé comme une hérésie, et l’on recourt à

l’analyse critique pour démasquer les mécanismes d’oppression, y compris le rôle de la

141 J. COME JAMES, «Black theology: Its Origin, Method and Relation to Third World Theologies », dans BTA,

vol.VI, 11, 1984, p.22-28, voir aussi R. FRIEDLI, «Théologie pertinente en Afrique Australe. Remarques à propos des efforts de contextualisation dans la Black Théologie », dans Les Quatre Fleuves 10, 1979, p.83-90.

142S. BIKO, Conscience noire. Écrits d'Afrique du Sud, 1969-1977, Paris, Éditions Amsterdam, 2014.

143 B. CHENU, Théologies chrétiennes des tiers-mondes. Théologies latino-américaine, noire sud-africaine,

africaine, asiatique, Paris, Centurion, 1987, p.110-112.

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théologie blanche qui masque le crime de l’Apartheid145. Ainsi, la théologie noire apparaît ici

comme une théologie de désaliénation, de protestation à l’égard d’un système d’apartheid verrouillé par la religion. Elle dévoile le péché du « capitalisme racial » qui lie oppression raciste et exploitation économique146.

L’affirmation a des liens avec la création des Noirs. Cette théologie affirme que les Noirs ont été créés à l’image de Dieu, que leur couleur est un don de Dieu, pas une malédiction biologique. L’affirmation de sa dignité et de la prise de conscience des valeurs africaines qui sont les siennes.

La caractéristique majeure de cette théologie étant la révolte contre l’oppression selon Desmond Tutu, les théologiens et théologiennes sont totalement engagés dans la lutte pour la libération des Noirs soumis à l’exploitation des Blancs en Afrique du Sud. Ici, Dieu est le Dieu des pauvres et des opprimés. L’image du Dieu libérateur du Noir domine le paysage de la théologie noire d’Afrique du Sud147.

Ainsi, la théologie noire, ayant dépoussiéré le Dieu chrétien devient une théologie de la libération. Ici, l’Exode exprime une symbolique fondamentale, un mouvement qui traverse l’histoire. Cette théologie cherche à instaurer un ordre social entièrement nouveau. Cette libération concerne aussi bien l’homme noir que l’homme blanc, ainsi que l’Évangile148.

145ELOCHUKWU E. UZUKWU, « L’Afrique anglophone », dans J. DORÉ (dir.), Le devenir de la théologie catholique mondiale depuis Vatican II, 1965-1999, col. Sciences théologiques et religieuses, Paris, Beauchesne,

2000, p.241.

146 B. CHENU, Théologies chrétiennes des tiers-mondes. Théologies latino-américaine, noire sud-africaine,

africaine, op.cit., p.113.

147 ELOCHUKWU E. UZUKWU, « L’Afrique anglophone », op.cit., p.240-243.

148 B. CHENU, Théologies chrétiennes des tiers-mondes. Théologies latino-américaine, noire sud-africaine,

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1.1.3.4. La théologie de la libération

Celle-ci a pour source d’inspiration les théologiens de l’Amérique du sud et présente l’histoire du peuple de Dieu comme une histoire de libération. Elle est mise en avant-plan par plusieurs théologiens et théologiennes africains, en particulier Jean-Marc Ela, Engelbert Mveng, Benoît Awazi Mbambi Kungua. Jean-Marc Ela part de la démonstration de la manière dont les sociétés africaines postcoloniales sont dans une relation de grave dépendance économique et politique et à la merci des dictateurs et des multinationales qui les exploitent. Tout en les dénonçant, il fait découvrir « l’Afrique d’en bas », celle des pauvres, des laissés pour compte. C’est là que surgit pour lui la tâche et l’engagement de l’Église. Celle-ci doit jouer un rôle prophétique afin que l’Évangile du Christ triomphe et soit Bonne Nouvelle pour ces milliers de personnes qui souffrent chaque jour. La théologie et la pratique de la foi doivent permettre à « cette Église d’en bas » d’être vraiment libérée. En outre, pour lui, si Dieu est venu sauver l’humain tout entier, il faut par conséquent mettre un terme à la théologie du salut des âmes qui « veut conduire les âmes au ciel comme si la terre n’existait pas ». Il prône alors l’urgence pour l’Afrique d’entrer dans une réflexion où les plus importantes questions seront moins l’avenir de l’âme que l’engagement d’un peuple dans la lutte pour sa libération de la pauvreté, de la misère des injustices liées aux gestions calamiteuses des politiques néo-coloniales149. Engelbert Mveng

soutient qu’à travers la théologie de la libération, il est question de « l’accomplissement de la libération totale de l’homme [l’humain] dans sa rencontre quotidienne avec Dieu »150. Il élabore

une spiritualité de la rencontre comme condition de transformation des structures politiques,

149 Pour un approfondissement des thèses de l’auteur, se référer à ses principaux ouvrages : Le cri de l’homme

africain, Paris, Harmattan, 1980; Ma foi d’Africain, Paris, Karthala, 1985; Repenser la théologie africaine. Le Dieu qui libère, Paris, Karthala, 2003.

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économiques et sociales. Il suggère une pratique rigoureuse des béatitudes, qui selon lui, est garante de la réconciliation et de la libération du cosmos tout entier151.

Benoît Awazi Mbambi Kungua réagit face à l’inaptitude des grandes théories à transformer les sociétés africaines, aux échecs des politiques postcoloniales à lutter contre la marginalisation de l’Afrique par la mondialisation technocratique, marchande et néolibérale. Il propose sur le plan épistémologique les méthodes de « survie », développées par les sociétés africaines étranglées. Cette survie, selon lui, se déploie dans la résistance politique et économique, mais plus encore dans la capacité légendaire de l’âme africaine à entrer en communion avec le divin. Cette résistance se traduit dans les communautés négro-africaines par une propension croissante à la pratique d’exorcismes et de prières de délivrance, comme on le voit dans plusieurs églises pentecôtistes qui donnent une place prépondérante à la guérison spirituelle, signe de la capacité négro-africaine de se construire une destinée spécifique, loin de la prétention globalisatrice de la technoscience et des forces de mort qui l’assaillent152.

La théologie africaine de la libération n’échappe pas non plus aux critiques. Les ténors de la théologie de la reconstruction reprochent à ce courant d’être insuffisant, parce qu’il ne s’attarde presque uniquement qu’à l’Occident comme bouc émissaire des malheurs africains153. Cet

accent unilatéral, lorsqu’il s’agit d’établir les responsabilités dans la crise multisectorielle que traverse l’Afrique, néglige et feint d’ignorer de manière presqu’aberrante la responsabilité des

151 G. TCHONANG, « Brève histoire de la théologie africaine », op.cit., p.181-183.

152 B. AWAZI MBAMBI NKUNGWA, Le Dieu crucifié en Afrique, Paris, L’Harmattan, 2008, p. 172.

153 KÄ MANA, Théologie africaine pour temps de crise : Christianisme et reconstruction de l'Afrique, Paris,

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Africains eux-mêmes154. Ils dénoncent aussi la déficience de l’engagement social et politique

concret des théologiens de la libération.

1.1.3.5. La théologie de la reconstruction.

L’idée de la théologie de la reconstruction a été lancée par le théologien protestant kenyan Jesse Mugambi, lors de la Sixième Assemblée générale de la Conférence des Églises de toute l’Afrique (CETA) tenue à Lomé en 1987. Pour lui, « l’Afrique aujourd’hui requiert une théologie de reconstruction à l’instar de celle dont le roi Josias avait besoin en 622155». Il prône

le passage de la théologie de la libération à la théologie de la reconstruction. Le concept a été repris et hissé au plus haut point de la conceptualisation théologique par le philosophe et théologien congolais Kä Mana qui, tout en projetant la reconstruction globale de l’Afrique, propose de penser le christianisme comme faisant partie intégrante de l’Afrique. Car, dit-il, « aujourd’hui, le christianisme est devenu essentiellement une affaire interne à l’Afrique. Il est nôtre156 ». L’ère de l’incarnation de la foi dans les cultures africaines est révolue, de même que

celle des pamphlets contre l’œuvre missionnaire et coloniale157. Il s’attaque à l’imaginaire social

négro-africain constitué de six mythes qui sont des représentations chimériques de la réalité : les mythes de l’Occident, de l’identité africaine, de l’indépendance, du pluralisme politique et de la démocratie. Il appelle à la transformation de ces mythes qui hantent les Africains en

154 G. TCHONANG, « Brève histoire de la théologie africaine », op.cit., p.183-184.

155 J-N.K. MUGAMBI, « L’avenir de l’Église et l’Église de l’avenir en Afrique », dans A. KARAMAGA, J.-B.

CHIPENDA, J. MUGAMBI, C.-K. OMARI, L’Église d’Afrique, pour une théologie de la reconstruction, Nairobi, Défis africains, CETA, 1991, p.36-37.

156 KÄ MANA, Christ d’Afrique. Enjeux éthiques de la foi africaine en Jésus-Christ, op.cit., p.8. 157 Ibidem, p.93-99.

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« problèmes qui nous font réfléchir, convertir les problèmes qui nous font réfléchir en énergies qui nous font agir, changer les énergies qui nous font agir en nouvelle raison de vivre et de mourir, en nouveaux motifs d’espérer et de croire fondamentalement158». D’où, il faut « sortir

de l’ère du rêve, de l’illusion et des cris de révolte pour nous mettre à l’exercice de la pensée lucide, de l’action sans complexe et de la reconstruction de nos sociétés159».

Comment la mariologie africaine s’est-elle illustrée, aussi bien dans ce parcours historique de la théologie africaine que dans ses différents courants ? Le point qui suit tente de répondre à cette question.

1.2. Mariologie africaine dans la phase de la naissance de la

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