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4.2. Les visions et les apparitions mariales comme lieu d’interprétation des problèmes de

1.1.1. Le rôle de la Vierge Marie dans l’œuvre des conquérants

La présence de la Vierge Marie en Amérique Latine a été rendue possible respectivement grâce aux conquérants, aux colonisateurs et aux missionnaires car selon Pierre Chaunu318,

l’Amérique Latine a d’abord été conquise avant d’être colonisée et christianisée. Durant ces étapes, c’est-à-dire, celles de la conquête, de la colonisation et de l’évangélisation, la figure de la Vierge Marie a joué un rôle de premier plan. En effet, les premiers conquérants avaient une dévotion particulière à Marie. D’après Pacheco319, cette dévotion se manifestait chez les

conquistadors par la mise sous la protection de Marie de leurs entreprises, le recours à elle dans les peines et difficultés éprouvées, la reconnaissance de ses faveurs quand ils sortaient sains et saufs au milieu des périls qui les menaçaient. L’auteur ajoute à ce qui précède que l’image de la Vierge Marie accompagnait leurs expéditions et que certains d’entre eux réservaient une partie de leurs impôts à Notre-Dame ou ordonnaient dans leur testament de faire célébrer de

318 P. CHAUNU, Histoire de l'Amérique latine, op.cit., p.19-20.

319 J.-M. PACHECO, « La dévotion mariale en Colombie », dans H. DU MANOIR, Maria, Études sur la Sainte

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nombreuses messes en l’honneur de la Vierge Marie pour le repos de leurs âmes. L’épopée de Christophe Colomb et de ses troupes illustre bien ce qui précède comme le signale Linda Hall qui fait allusion à l’omniprésence de l’imagerie mariale dans leurs voyages. Elle ajoute que la Vierge Marie était invoquée avant, pendant et après le voyage demandant sa protection contre tout danger marin. D’ailleurs, le bateau de Christophe Colomb et compagnie portait le nom de

Santa Maria. Ainsi soutient-elle que « la Vierge Marie avait une place centrale dans leur vie et

dans leur action : non seulement elle nourrissait et confortait ceux qui étaient loin de chez eux, mais aussi, en des circonstances et en des territoires non familiers et dangereux, elle les animait aussi comme une guerrière les conduisant contre des forces hostiles »320.

Par ailleurs, les conquérants ont d’une manière ou d’une autre contribué à l’expansion de la dévotion mariale. Cela se vérifie dans la mesure où leur travail avait une dimension religieuse. En effet, ils étaient mandatés par des souverains espagnols et portugais, en l’occurrence le roi Ferdinand d’Aragon et la reine Isabelle de Castille, qui, à leur tour, avaient l’aval du Pape Alexandre VI à condition que les conquérants puissent œuvrer à l’expansion de la doctrine ecclésiale catholique321. Ivone Gebara et Maria Clara Bingemer appuient ce qui précède quand

elles affirment que la dimension religieuse de l’expérience des conquistadors était intimement liée aux intérêts économiques des couronnes espagnole et portugaise, puisque l’adhésion à la foi chrétienne faisait partie de cette entreprise de conquête. Augmenter le nombre des chrétiens voulait signifier augmenter le nombre des sujets du roi. Ces éléments étaient interconnectés au 16ème siècle322. Dans cette logique, Christoph Colomb et son équipe vont imposer, à l’honneur

320 LINDA B. HALL, Mary, Mother and Warrior. The Virgin in Spain and the Americas, Austin, University of

Texas Press, 2004, p.45-69. Il s’agit ici de notre propre traduction.

321 C. PRUDHOMME, Missions chrétiennes et colonisations XVI-XXème siècles, op.cit., p.26-27. 322 I. GEBARA, M-C. BINGEMER, Mary, Mother of God, Mother of the Poor, op.cit., p.129-132.

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de la Vierge Marie, les noms marials aux villes et aux îles qu’ils vont découvrir notamment

Santa Maria de la Concepción, Santa Maria de Guadalupe, Santa Maria de Monserrate, Santa Maria Redonda, et Santa Maria la Angigua. D’ailleurs affirme Linda Hall, Christophe Colomb

croyait qu'il détenait une mission messianique. Sous sa signature il écrivait « Xpo ferens », c'est- à-dire, porteur du Christ. Il s'identifiait ainsi à la Vierge, la vraie porteuse du Christ. En fait, son prénom, Christophe, signifiait aussi porteur du Christ323.

Cependant, d’après Ivone Gebara et Maria Clara Bingemer, cette première conquête dans son aspect religieux ne s’est pas faite en douceur dans la mesure où il y avait beaucoup de violence religieuse consistant à détruire la culture indigène au nom de la pureté et de la vérité du christianisme. Pour aider les indigènes à ne pas perdre leur âme et à conquérir le ciel, les conquérants ont détruit leurs dieux et leurs cultes. Dans ce processus, les maîtres classaient Marie de leur côté contre les Indiens infidèles. Ils considéraient leur travail comme celui de la Vierge, dont le souci était de protéger les croyants espagnols et portugais et de convertir les Indiens à la foi de son Fils divin. Leur guerre était sainte et la Vierge les protégeait dans leurs durs efforts pour amener les Indiens à la foi. Ainsi, croyaient-ils, toutes les méthodes utilisées contre les infidèles n’étaient pas seulement approuvées par Marie, mais elles étaient même le travail de la Vierge, en vue de l’expansion du Royaume de son Fils324.

323 LINDA B. HALL, Mary, Mother and Warrior. The Virgin in Spain and the Americas, op.cit., p.45-69. 324 I. GEBARA, M-C. BINGEMER, Mary, Mother of God, Mother of the Poor, op.cit., p.129-132.

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1.1.2. La place de la Vierge et du culte marial dans le travail des

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