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3.3. Marie et les femmes dans le combat féministe en Afrique

3.2.2. La mission de Marie comme invitation à la révision de la mission des femmes dans

De nos jours, la position des femmes, dans plusieurs domaines de la vie nationale en Afrique, reste préoccupante et faible en comparaison avec celle des hommes. Bien que plusieurs constitutions africaines garantissent l’égalité des droits politiques et autres, la réalité des faits révèle que le taux de participation des femmes, à la vie politique et publique, est très minime et toujours confiné à des postes de second plan. De même au niveau de la vie de l’Église, cette participation est à dénoncer. Il est vrai, soutient Albertine Tshibilondi, que les femmes œuvrent tant dans les communautés ecclésiales vivantes de base qu’à la paroisse, dans la catéchèse, l’enseignement, l’animation liturgique, l’encadrement des jeunes. Elles s’occupent également des œuvres sociales et caritatives269. Claire Mbuyi ajoute qu’elles prennent en charge le

protocole dans les paroisses, la collecte des fonds, le nettoyage de l’église. Elles sont également membres des mouvements d’action catholique.270 En d’autres cas, affirme Madame Mujinga,

268F.-M. TSHIBANGU MWELE KABONGA, Marie Mère de Dieu, Mère de l’Église Famille de Dieu et la culture

Luba-Kasaï. Essai de mariologie inculturée, op.cit., p.64-73.

269 A. TSHIBILONDI NGOYI, « L’égalité hommes et femmes dans l’Église catholique en Afrique. Cas de la République Démocratique du Congo », dans Lumen vitae, Pape François : « l’Église est un mot féminin », vol.19, n°3, 2014, p.301-302.

270 C. MBUYI BANZA, « Le rôle de la femme dans la société et ses implications pour la planification pastorale», dans F. MALOLO, A. RAMAZANI, M. MOERSCHBACHER, L. SANTEDI (dir.), Pour une institution des laïcs

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elles animent des sessions, des retraites et des groupes, conseillent les familles, participent à des congrès et aident l’autorité ecclésiastique surtout dans l’approche des problèmes féminins271.

Cependant, ces rôles sont mineurs. Car lorsqu'on jette un coup d’œil sur l’organigramme de la majorité des diocèses en Afrique, la présence des femmes est quasi inexistante dans le haut rang. Elles sont dans les rôles subalternes. Plus on monte dans la hiérarchie, moins on rencontre de femmes au plan de prise des décisions et les plus hautes charges ne leur sont pas confiées272.

C’est dans ce contexte que des voix s’élèvent pour présenter le rôle de Marie, dans la vie et la mission de Jésus, comme fondement de la participation des femmes dans la mission aujourd'hui. C’est le cas chez Teresa Okure pour qui l'évidence des textes du Nouveau Testament, qui révèlent le rôle de Marie dans la vie et la mission de Jésus, a des implications sur la participation des femmes dans la mission de l’Église à tous les niveaux. Pour elle, tous les chrétiens, hommes et femmes, sont appelés à participer à la mission de Jésus dans l'Église, comme Marie le fit. Comme Marie, les femmes ont eu des expériences et des rencontres avec Dieu et avec le Christ qu'elles se sentent appelées à mettre au service de la mission de l'Église. Trop souvent, on leur enlève l'opportunité de le faire, simplement parce qu'elles sont des femmes 273.

Dosithée Atal lance la même affirmation en soutenant que la figure de Marie, selon le plan de l’Histoire du salut, doit permettre de repenser le rôle et la place des femmes (africaines) dans l’Église et la société, et qu’aujourd’hui, la société, le monde et l’Église doivent restituer aux

271 MUJINGA, « La femme et son rôle dans l’apostolat de l’Église. Exposé critique », dans Ministères et services dans l’Église. Actes de la Huitième Semaine Théologique de Kinshasa, Kinshasa, Faculté de Théologie Catholique,

1979, p.110-113.

272 C. MBUYI BANZA, « Le rôle de la femme dans la société et ses implications pour la planification pastorale», op.cit., p. 168-170. Nous précisons ici qu’Albertine Tshibilondi, Claire Mbuyi et Mujinga parlent du contexte

congolais. Cependant leurs arguments peuvent valoir pour toutes les femmes en Afrique.

273 T. OKURE, « The Mother of Jesus in the New Testament, implication for women in mission », in Journal of inculturation theology, vol.2, 1995, p.196-210. Il s’agit de notre propre traduction.

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femmes le respect qui leur est dû et le rôle qui leur est dévolu dans la marche de l’Histoire humaine et de l’histoire du salut274. Sous le même angle, pense Marie-France Bayedila, la

mission particulière de Marie peut aider aujourd’hui à combattre les stéréotypes qui empêchent les femmes africaines d'accomplir la mission qui est la leur, celle de gouverner, elle aussi, l’Afrique, de la rebâtir et d’orienter autrement son destin275.

Conclusion :

Au menu de ce troisième chapitre, il était question de jeter un regard sur la relation entre la Vierge Marie et les femmes en Afrique. En dépit du silence observé dans la littérature théologique en Afrique sur ce sujet, nous avons épinglé, un tant soi peu, deux domaines où se localise un tel rapport : l’inculturation des mystères marials et la mission de la Vierge Marie. Dans le premier cas, nous avons fait écho à certains mystères marials qui ont été inculturés à partir des catégories culturelles liées au rôle des femmes dans la société, à leur statut et aux mythes ayant trait à l’état de leur corps. Parmi ces vérités de foi, nous avons choisi la maternité et la médiation mariales ainsi que la virginité perpétuelle de Marie. Dans le deuxième cas, nous avons décrit comment la présence de la Vierge Marie est évoquée pour servir de source d’inspiration aussi bien à la dénonciation de la situation vécue par les femmes dans ce continent qu’à l’invitation lancée à l’Église et à la société de revoir le rôle et la place des femmes.

274 D. ATAL SA ANGANG, « Le cœur de la maman dans le secret du Fils. La mission de la Bienheureuse Vierge

Marie, Mère de Dieu, à la lumière de la tradition culturelle africaine », dans Ephemerides Mariologicae, n°51, 2001, p.393-400.

275 M-F. BAYEDILA BAWUNINA, « Les mères de Jésus-Christ. Fondements pour une éthique de la féminité

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Par ailleurs, il est important de louer ces amorces d’inculturation qui tentent de prendre à contre- pied la manière dont la figure de Marie a été présentée avec les traces de la culture de l’évangélisateur. Elles révèlent les richesses contenues dans les cultures africaines, richesses qui peuvent aider la mariologie en général, l’enrichir, la faire comprendre, mieux l’enraciner dans les cœurs des Africains/es. Néanmoins, nous endossons dans une certaine mesure les critiques que certains penseurs africains ont lancées à la théologie (mariologie) africaine de l’inculturation telle que nous l’avons signalé supra. Sans toutefois rejeter la mariologie (théologie) inculturée, il est nécessaire de l’inviter à aller de pair avec le processus irrépressible de la libération complète de l’Afrique de l’oppression structurelle multiforme et de la marginalisation socio-économique. Il conviendra également qu’elle accentue l’orientation de sa réflexion vers le souci de relever le défi lié aux multiples problèmes économiques, politiques, sociaux et culturels que rencontrent les nations africaines.

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CHAPITRE QUATRE

MARIOLOGIE ET PROBLÈMES DE SOCIÉTÉ EN

AFRIQUE

Certains courants théologiques contextuels africains portent un regard critique sur la mariologie historique et inculturée. Ils pensent que celle-ci, dans une certaine mesure, néglige l’expérience humaine contemporaine et porte, du fait de son histoire, des aspects oppressifs276.

Ainsi, s’élaborent de nouvelles approches qui tentent de faire le lien entre la mariologie africaine et les problèmes que traversent plusieurs pays de ce continent. Ces tendances, qui se réclament de nouvelles orientations de la théologie africaine de la libération et de la reconstruction, tout en formulant des critiques à l’égard de la théologie africaine de l’inculturation dans le sens qu’elle néglige les difficultés qu’éprouve l’Afrique, tentent de montrer qu’il n’est pas possible aujourd’hui de parler de la figure de Marie et de pratiquer sa dévotion sans penser à leur incidence sur la vie en société.

Les nouveaux paradigmes marials et leur perspective libératrice qu’essaient d’élaborer ces courants prennent deux directions : la première se veut être la construction d’une nouvelle herméneutique qui devrait guider toute la réflexion mariale en Afrique. La seconde fait une nouvelle lecture des apparitions et visions mariales en leur donnant une interprétation sociopolitique.

276 Nous situons ici la mariologie africaine dans une perspective contextuelle telle que Fleyfel le démontre pour

toutes les théologies contextuelles, A. FLEYFEL, La théologie contextuelle arabe. Modèle libanais, Col. Pensée religieuse et philosophique arabe, Paris, L’Harmattan, 2011, p.50.

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