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3.3. La portée libératrice des dogmes marials en Amérique Latine

3.3.2. L’Assomption et l’Immaculée Conception comme couronnement de la préférence de

La grandeur libératrice des dogmes de l’Assomption et de l’Immaculée conception se découvre par le biais de l’interprétation qui les révèle comme couronnement de la préférence de Dieu pour les pauvres et tremplin pour la lutte contre les structures de péché. Cette considération, pour l’Assomption, s’explique à partir du lien entre ce dogme et celui de la

412 A. GONZÁLEZ DORADO, De María conquistadora a María liberadora. Mariología popular

latinoamericana, op.cit, p. 72. Lire aussi S. RENDINO, Our Lady of Ocotlân and Our Lady of Guadalupe: Investigation Into the Origins of Parallel Virgins, op. cit., p.116-136.

413 L. BOFF, El rosto materno de Dios, Madrid, Paulinas, 1981, p.221-223, Idem, Chemin de croix de la justice,

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Résurrection de Jésus. En effet, cette relation montre que ces deux vérités de foi participent au même mystère : « le triomphe de la justice de Dieu sur l’injustice humaine, la victoire de la grâce sur le péché »414. Et l’Assomption révèle justement, pour le cas de Marie, ce triomphe.

Car, ce dogme montre que cette femme, qui a donné naissance dans une étable, dont le cœur fut transpercé par une épée de douleur, qui a partagé la pauvreté, l’humiliation, la persécution et la mort violente de son fils, qui fut à côté de lui au pied de la croix, mère du condamné, a été exaltée415. Par conséquent, l’Assomption est la culmination glorieuse du mystère des

préférences de Dieu pour ce qui est pauvre, petit et désemparé dans ce monde, pour y faire briller sa présence et sa gloire. Vue à la lumière de la résurrection de Jésus, elle est espérance et promesse pour les pauvres de tous les temps et pour ceux qui se solidarisent avec eux, qu’ils auront part à la victoire finale du Dieu incarné. Elle est également voie pour l’Église, peuple de Dieu, qui trouve dans ce mystère marial l’horizon d’espérance eschatologique qui lui marque sa place au milieu des pauvres, des marginalisés, de tous ceux que la société laisse de côté. « Marie prolonge, depuis son assomption glorieuse, la tâche de lutter contre les structures de péché qu’elle avait connues durant sa vie mortelle »416. C’est dans cette optique que l’Église

d’Amérique Latine a trouvé dans l’option pour les pauvres, dans le souci et la défense des plus opprimés et des plus « sans défense » de l’humanité, le chemin pour participer à la gloire de l’Époux qui vient continuellement à sa rencontre417.

414 J. SOBRINO, El Resucitado es el Crucificado, Diakonía (Managua) 21(abril 1981), p. 25-40, lire aussi D.

IRARRAZAVAL, « Mary in Latin American Christianity », dans D. IRARRAZABAL, S. ROSS, M-T. WACKER (éd.), The many faces of Mary, dans Concilium, vol.4, p. 95-105, L. BOFF, Chemin de croix de la justice, op.cit., p.79-83.

415 I. GEBARA, M.-C. BINGEMER, Maria, Mujer profética. Ensayo teologico a partir de la mujer y de América

Latina, op.cit., p.132-136, idem, Mujer profética, op.cit., p.60.

416 V. CODINA, Mariología desde los pobres, in « Pastoral Popular », Santiago de Chile vol. XXXVII/3,1986,

p.43-50. Voir le lien http://servicioskoinonia.org/relat/139.htm consulté le 20 mars 2015.

417I. GEBARA, M.-C. BINGEMER, Maria, Mujer profética. Ensayo teologico a partir de la mujer y de América Latina, op.cit., p.132-136, idem, Mujer profética, op.cit., p.60.

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Par ailleurs, l’aspect de la préférence de Dieu pour les pauvres dans l’interprétation du dogme de l’Immaculée Conception ressort par le truchement de son lien avec le peuple dont Marie est la figure et le symbole, et en relation avec Dieu en qui elle croit et qui l’a choisie avec une vocation et une mission déterminées dans le contexte de l’histoire du salut. Dans cette optique, la Vierge, l’Immaculée Conception, est la pauvre Marie de Nazareth, servante du Seigneur, femme du peuple, insignifiante dans la structure sociale de son temps. La Mère de Jésus, honorée à travers ce dogme, vient d’un petit peuple méprisé par les puissants418. Ainsi, on peut soutenir

qu’elle porte alors sur elle la confirmation de la préférence de Dieu pour les plus humbles, les petits et les opprimés. Celui qu’on appelle « privilège marial » est en vérité « le privilège des pauvres ». La grâce, dont Marie est remplie, est patrimoine de tout le peuple. Marie – la « tapeinosis » de Nazareth – sur qui descend avec prédilection le regard du Très-Haut, constitue pour l’Église un modèle et un stimulant à être toujours plus Église des pauvres419.

De plus, d’après Victor Codina,

l’Immaculée ne signifie pas simplement une absence de péché personnel en Marie, pas plus qu’une simple plénitude statique de la grâce en elle, sinon l’insertion dynamique de Marie depuis ses origines dans l’histoire du salut. Dit d’une autre façon, la plénitude de grâce de Marie se manifeste en une lutte constante contre le péché de ce monde, en une coopération à son niveau, dans l’œuvre de l’Agneau qui enlève le péché du monde (Jn1, 29). Formulé d’une autre manière, Marie lutte contre les structures de péché de son monde, contre l’oppression, contre tout ce qui dresse les obstacles à la réalisation du plan de Dieu. Ainsi, si la grâce est participation de la justice de Dieu qui nous fait saints, logiquement le fait de ne pas collaborer pour que la justice se fasse s’oppose au plan de Dieu. Ainsi la foi en l’Immaculée Conception de Marie devra s’exprimer dans l'opposition envers toutes les structures du péché420.

418 S. DE FIORES, SALVATORE MEO, Nuevo diccionario de mariología. Paulinas, Madrid 1988, v. dogmas,

p.935.

419I.GEBARA, M.-C. BINGEMER, Maria, Mujer profética, op.cit., p.56-57.

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C’est la mission à la quelle Puebla appelle l’Église de l’Amérique Latine lorsque cette conférence soutient que l’intercession puissante de la Vierge Marie permettra à l’Église « de surmonter les structures de péché dans lesquelles se déroule notre vie personnelle, familiale et sociale et d’obtenir la grâce de la véritable libération qui vient de Jésus-Christ »421.

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