• Aucun résultat trouvé

1.2. Marie en Amérique Latine : de la période des indépendances à nos jours

1.2.1. Durant la période des indépendances

Au début du 19ème siècle, l’Amérique Latine a connu un ensemble de soulèvements qui

vont aboutir au démantèlement des Empires coloniaux espagnols et portugais et à la formation des États sud-américains actuels. Leurs auteurs furent d’abord les élites créoles. Parmi les

331 C. BOFF, Mariologia sociale. Il significato delia vergine per la societa, op.cit., p.226. Précisons ici qu’il s’agit de notre propre traduction.

121

facteurs qui ont favorisé leur déclenchement par ces élites, on note leur sensibilité aux injustices du système colonial, l’indépendance américaine (1775-1782), la situation internationale créée par la Révolution française et l’Empire napoléonien et le souci de s’approprier les richesses du pays333. Durant cette période des indépendances, une note mariale accompagne les luttes pour

l’accès à la souveraineté nationale des pays de l’Amérique Latine. On la remarque d’abord à travers la dévotion personnelle des leaders de ces indépendances. On la voit également par le truchement de certains de leurs gestes qui dévoilent le caractère nationaliste et patriotique de leur dévotion mariale. La Vierge n'était pas seulement un chef militaire, mais aussi une protectrice dans les conflits334. On la voit dans cette idée avancée par Gomez Ferreyra Avelino

Ignacio335 au sujet de la Vierge Marie durant la période de l’indépendance argentine. Pour lui,

l’histoire de la libération de ce pays, les luttes pour son indépendance sont intimement liées à la dévotion et à l’intercession de la Très Sainte Vierge. Il mentionne que les principaux héros de ces combats furent si dévots à Marie que de supprimer ou de prétendre diminuer l’importance de la Vierge dans l’histoire politique est presque impossible. Parmi ces leaders, il cite le général Belgrano (1770-1820) que l’auteur qualifie de véritable modèle de dévotion mariale. Il le désigne ainsi à cause de la défense qu’il a faite du mystère de l’Immaculée-Conception et de l’installation du consulat qu’il a mis sous la protection de la Vierge Marie. Il avait aussi placé sous la protection de Marie sa campagne militaire au Paraguay et avait nommé la Vierge de la Merci « Générale de l’armée ». Marie-Thérèse Vallet renchérit l’idée précédente en voyant un

333 J. LYNCH, The Spanish American Revolutions, 1808-1826 (2nd edition), W. W. Norton & Company, 1986,

p.17-19. Voir aussi « guerres et mouvements d’indépendances de l’Amérique Latine », voir le lien,

http://www.larousse.fr/encyclopedie/divers/guerres_et_mouvements_d_ind%C3%A9pendance_de_lAm%C3%A9 rique_latine/124906, consulté le 02 mars 2015.

334 LINDA B. HALL, Mary, Mother and Warrior. The Virgin in Spain and the Americas, op. cit., p.169-206. 335 I. GOMEZ FERREYRA AVELINO « La dévotion mariale en Argentine » dans H. DU MANOIR, Maria, Études

122

nationalisme certain dans la dévotion mariale du général Belgrano. Elle illustre cela par le choix fait par ce dernier des couleurs du drapeau argentin, couleurs du ciel, parce qu’elles sont celles du manteau de la Vierge Marie336. Outre Belgrano, le général Domingo French (1774-1825) fit

nommer la Vierge de Lujan Patronne du troisième régiment qu’il commandait. Afin d’accomplir le vœu fait à la Patronne, après sa victoire au siège de Montevideo, il envoya au sanctuaire de Lujan trois drapeaux et fit célébrer une messe d’action de grâce. Un autre général, Dorrego, appartenait au Tiers Ordre de la Merci et faisait fréquemment célébrer des messes au sanctuaire de Lujan337.

La dimension sociopolitique de la dévotion mariale, durant la période des indépendances, est aussi très en vue au Mexique, grâce à Notre-Dame de Guadalupe, devenue depuis lors emblème national. Dans ce pays, lorsqu’on parle de la Vierge de Tepeyac durant cette période, on l’associe d’abord à la figure du père Miguel Hidalgo, chef des insurgés lors de la première tentative d’indépendance, en 1810. Avec lui, la Guadalupe est devenue la bannière des insurgés, l’étendard d’un combat politique et de l’indépendance338. Le père Miguel Hidalgo y Costilla

l'invoquait aussi en incitant les indigènes du centre du Mexique à la rébellion et en leur donnant une bannière de la Vierge de Guadalupe. Marie fut déclarée "la patronne de la liberté" et sa fête fut déclarée fête nationale. Ce prêtre avait réuni le peuple avec le cri de guerre : "Vive la Vierge

336 M.-T. VALLET, « Marie, évangélisatrice des peuples amérindiens », dans J. COMBY, Théologie, histoire et

piété mariale, Actes du Colloque de l’Université Catholique de Lyon, Lyon, Profac, 1997, p.339-350.

337 I. GOMEZ FERREYRA AVELINO « La dévotion mariale en Argentine », op.cit., p.321-349.

338M. DEL CARMEN SERVITJE MONTULL, « Mary of Guadalupe, icon of liberation or image of oppression? » dans PILAR AQUINO M. &ROSADO-NUNES M.J. (dir.), Feminist Intercultural Theology. Latina Explorations

for a Just World, New York, Orbis Books, Maryknoll, 2007, p.231-247; J. RODRIGUEZ, Our Lady of Guadalupe. Faith and Empowerment among Mexican-American Women, Austin, University of Texas press, 1994, p.236-237.

123

de Guadalupe et mort aux machupines". À ses partisans, il faisait porter son symbole sur leurs sombreros339.

Après l’assassinat de Miguel Hidalgo et de certains de ses partisans, la figure de la Vierge Marie a continué à inspirer les autres adeptes de l’indépendance de ce pays. C’est le cas du général Agostin de Jturbide qui, après avoir mené à bien le processus d’indépendance en 1821, s’est dirigé à Tepayac pour présenter son juste hommage à la protectrice de la révolution. C’est également le cas du premier président de la République, Manuel Félix Fernández (1824-1829) qui avait choisi le nom Guadalupe Victoria comme nom de guerre en l'honneur de la patronne du mouvement insurgé et en l’honneur de la victoire de sa cause340.

Pour reconquérir le Mexique, le successeur de Guadalupe Victoria, le Général Vincente Guerrero, président de 1829 à 1846, déposa, au pied de la Vierge de Guadalupe, les étendards des ennemis comme trophée de guerre. Après deux ans de combats contre les États-Unis, le 2 février 1848 fut signé le « Traité de Guadalupe Hidalgo ». Après la conférence de paix, les plénipotentiaires des deux pays se rendirent à Tepeyac pour se prosterner devant la Mère des Amériques et ils prièrent en silence, tandis qu’une cloche sonnait l’Angélus341.

Outline

Documents relatifs