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La recherche de la complémentarité à travers la théorie des ressources

THÉORIQUES : LA CONSTRUCTION DU

B) La recherche de la complémentarité à travers la théorie des ressources

La notion de ressource apparaît dans les travaux de Penrose (1959) qui est appréhendée

comme un patrimoine d’actifs que détient l’entreprise et qui une fois maîtrisé peut lui

permettre d’optimiser sa performance. L’auteur discerne : les ressources tangibles ; les

ressources intangibles ; les ressources stratégiques. Pour Penrose (ibid.), les ressources tangibles se matérialisent dans le patrimoine factuel et observable de l’entreprise. On y distingue alors les ressources financières, les ressources physiques et matérielles et les ressources humaines. À l’inverse, les ressources intangibles de par leur aspect immatériel sont moins facilement identifiables. Il s’agit des ressources organisationnelles comme la connaissance ou bien la compétence, les ressources technologiques ou encore les ressources en lien avec le patrimoine renom de l’entreprise à savoir sa réputation ou sa marque. Enfin, les ressources dites stratégiques sont les ressources maîtrisées par la firme qui lui apportent un avantage concurrentiel. Hofer et Schendel (1978) proposent une typologie des ressources et

démontrent qu’elles peuvent être : financières ; humaines ; physiques ; organisationnelles ;

technologiques. Cette typologie est complétée par Grant (1991) qui ajoute à ces cinq catégories une sixième famille : la réputation.

C’est à partir des travaux de Penrose que la théorie des ressources (ressource-based view) va

être développée. En 1984, Wernerfelt s’interroge sur la performance durable des entreprises. Classiquement, la pérennité d’une entreprise reposait sur le secteur et la place qu’y occupait la firme ainsi que les biens et les services commercialisés par cette dernière. À partir de la typologie de Penrose (1959), Wernerfelt (1984) explique que les organisations développent en interne des ressources qui une fois optimisées, octroient un avantage concurrentiel. Cet avantage est lié aux ressources de la firme, mais aussi à sa manière de les mobiliser. C’est à partir des travaux de Wernerfelt (ibid.) que Barney (1991) va enrichir cette théorie. En effet, pour l’auteur l’essor de l’entreprise dépend de la prise en compte des ressources dont disposent l’entreprise et la manière dont elle s’en sert. Pour l’auteur, l’entreprise détient différents types de ressources sur lesquelles elle peut dégager un avantage concurrentiel. Il fait référence aux ressources physiques, aux capitaux financiers, et au capital humain qui outre les compétences des collaborateurs correspondent à l’agilité de l’entreprise à prévoir et administrer les évènements qui se matérialisent dans son environnement (Galbreath, 2005). Barney (1991) propose une typologie des critères qui rendent une ressource spécifique et par conséquent génère un avantage concurrentiel. Pour Gaffard (1990) les ressources spécifiques

sont des « ressources qui n’existent que par leur participation à des processus particuliers dont elles sont la manière d’être et qui sont de ce fait totalement intransférables d’un processus à l’autre ». Barney (1991) propose un modèle pour qualifier une ressource de spécifique (VRIN) : Tout d’abord, elle doit créer de la valeur en étant moteur d’opportunité (valeur), elle doit de plus présenter un certain degré de rareté (rareté), mais aussi être difficilement reproductible, (inimitabilité), enfin, elle ne dit pas entrer en concurrence avec une ressource qui pourrait la remplacer (non-substituabilité)11.

Dans la même lignée, Hamel et Prahalad (1990) exposent le concept de compétences distinctives ou compétences fondamentales qui correspond à la capacité de la firme à optimiser l’utilisation des ressources en vue de réaliser ses objectifs tout en se démarquant de ses concurrents. Pour les auteurs, une compétence est fondamentale si elle est difficilement imitable par la concurrence ou si sa maîtrise est complexe, si de plus elle crée des opportunités de marché et si enfin elle participe manifestement à la valeur des produits

proposés par l’entreprise.

Pour Cappelletti et Noguera (2005), « les approches “ressource-based” affirment l’idée d’une logique de développement interne à l’entreprise comme source fondamentale de la construction d’un avantage concurrentiel durable et de développement de la création de

valeur organisationnelle ». Selon Lisein et al., (2009) reprenant les travaux de Grant (1991), la théorie des ressources correspond aux choix de l’entreprise qui met en équilibre ce qu’elle

sait faire, c’est-à-dire les ressources et les compétences qu’elle peut mobiliser, avec ses

besoins. Par ailleurs, comme le soulignent Cappelletti et Noguera (ibid.) « la théorie des

ressources fait de la capacité à activer les phénomènes d’apprentissage collectif le fondement

de la performance stratégique ». Ainsi pour les auteurs le véritable enjeu stratégique pour une firme réside dans son agilité à « acquérir et maîtriser des ressources et compétences » qui vont lui permettre de « se différencier de ses concurrents, de déployer ses activités, d’innover ou de disposer d’une flexibilité suffisante pour d’adapter aux exigences fluctuantes de l’environnement » (ibid.). En effet, comme le soulignent Maurel et Tensaout (2014) « l’appropriation de ces ressources est source d’avantages concurrentiels soutenables ». En ce sens, Uzan (2011) démontre en utilisant le cas de l’entreprise Renault, que l’apprentissage organisationnel de la RSE constitue une ressource stratégique pour la firme.

11D’abord qualifier de modèle VRIN le modèle de Barney (1991) sera ensuite qualifié de VRIO, le « O »

renvoyant à la capacité organisationnelle (politiques internes, procédures) de l’organisation (O) à mettre en œuvre les éléments visés par le modèle, à savoir la Valeur (V), la rareté (R) et l’inimitabilité et la non- substituabilité (I) qui est ajoutée à cette catégorie (Prévot et al., 2010).

Ces nouvelles ressources et compétences qui améliorent le capital de l’entreprise découlent

de l’apprentissage organisationnel. Selon Argyris et Schön (2001) une entreprise apprend dès

lors qu’« elle acquiert de l’information sous toutes ses formes, quel qu’en soit le moyen

(connaissances, compréhensions, savoir-faire, techniques ou pratiques) ». On parle alors d’apprentissage organisationnel. Nous retenons la définition de Kœnig (2006) pour qui

l’apprentissage organisationnel est « un phénomène collectif d’acquisition et d’élaboration de

compétences qui, plus ou moins profondément, plus ou moins durablement, modifie la gestion des situations et les situations elles-mêmes ».

Pour ces auteurs les modes d’apprentissage sont variés. En effet, certaines de ces compétences

sont innées à l’organisation, d’autres sont importées de par des échanges avec des

organisations extérieures et enfin certaines se développent durant l’activité de la firme.

Dans cette approche de la théorie des ressources, Pfeffer et Salancik (1978) ont développé la théorie de la dépendance des ressources. Pour les auteurs les entreprises sont dépendantes de l’environnement dans lequel elles gravitent. Néanmoins, il est possible pour les firmes de générer une contre-dépendance. En effet, selon Pfeffer et Salancik les firmes ont des besoins en termes de ressources, de compétences ou encore de connaissances. Leur performance dépend alors de l’équilibre entre la gestion de leurs besoins ainsi que la recherche de l’ensemble des acteurs qui appartiennent à leur environnement. Pour les auteurs, il est primordial de cartographier l’environnement de l’entreprise et de s’adapter avec les attentes des autres acteurs en les anticipant et en les rendant dépendants à leur tour. C’est en ce sens

que l’« identification des groupes sociaux dont dépend l’organisation » (Maurel, Tensaout,

2014) ainsi que l‘« ajustement des actions à leurs demandes […] rendent la “légitimité

sociale” une ressource stratégique dont dépend l’organisation pour sa survie » (ibid.).

En parallèle de la théorie des ressources existe une autre conception que nous jugeons complémentaire qui est l’approche relationnelle notamment développée par Dyer et Singh

(1998). Bien qu’elle concerne les relations inter-entreprises, cette approche nous semble

pertinente, car elle consiste à intégrer que « les compétences des entreprises ne reposent pas uniquement sur des ressources possédées en propre » (Prévot et al., 2010). En ce sens, les entreprises ont recours à « des alliances dans la création et le développement de leurs compétences » (ibid.).

Comme le soulignent Prévot et al., (2010) en reprenant les travaux de Dyer et Singh (1998) cette approche relationnelle est source de quatre avantages concurrentiels, appelés « rente relationnelle », à savoir : «

- la mise en place d’actifs spécialisés spécifiques à la relation de coopération ;

- la mise en œuvre de processus de partage et d’échange d’information (apprentissage

conjoint) au sein de la relation ;

- l’existence d’effets de synergie liés à la complémentarité des ressources des partenaires de

la relation ;

- et la mise en place de mécanismes de gouvernance adaptés à la relation privilégiant la résolution amiable entre les partenaires de même que le recours à des mécanismes informels de management de la relation » (ibid.).

Ainsi le recours aux partenariats pour acquérir des compétences dans le cadre de la théorie des ressources permet aux entreprises d’optimiser leur performance et de dégager des avantages concurrentiels, mais aussi d’opérer matériellement les lignes de leurs stratégies RSE. Pour ce faire elles doivent adapter leur gouvernance qui ne peut plus se suffire du modèle traditionnel, trop étroit pour contenir les attentes des parties prenantes. En ce sens l’effacement des frontières internes propres aux entreprises dites réseaux suppose une gouvernance flexible, une gouvernance en réseau qui au sein d’un écosystème fait cohabiter des acteurs qui s’apportent mutuellement.