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THÉORIQUES : LA CONSTRUCTION DU

Chapitre 2 : La caractérisation des acteurs du sujet : Définition des notions de

C) Focus sur les stratégies « BOP »

Les stratégies « BOP » renvoient au principe du « Bottom of the Pyramide » (ci-après « BOP »). Mise en lumière dans les travaux de Prahalad et Hart (2002), le « bottom of the pyramid » traduit par « bas de la pyramide » ou encore « base de la pyramide », désigne les populations vivant avec quotidiennement moins de deux dollars.

Figure chap.3.1 : The economic pyramid (Inspiré de la pyramide de Prahalad, and Hart, Stuart, 2002. The Fortune at the Bottom of the Pyramid, Strategy Business, issue 26, 2002)

Les auteurs démontrent à travers cette pyramide, la présence d’une population nombreuse à très faible pouvoir d’achat. En effet, Prahalad (2009) précise qu’il s’agit de considérer

l’existence de « 4-5 billion poors who are unserved or underserved by the large organized

private sector, including multinational firms ». Ces 4 ou 5 milliards de « pauvres » en dehors du sillage des entreprises du secteur privé fondent le BOP.

Prahalad (2004) expose ce que les entreprises ont à gagner en s’intéressant à ce BOP. En d’autres termes, si elles adaptent leurs produits, ces milliards d’individus sont de potentiels clients pour les entreprises.

Ainsi, une stratégie BOP se matérialise par « la volonté d’une entreprise privée de commercialiser ses produits ou services auprès de populations pauvres de façon viable, c’est

-à-dire économiquement profitable et pérenne » (Huet, Labarthe, Abeille, 2010). La démarche BOP doit donc proposer à ce segment de la pyramide des produits et des services en vue de corriger leur situation (Prahalad, Hammond, 2002). L’objectif d’une dynamique BOP tend à définir cette base de la pyramide comme des « marchés émergents » c’est-à-dire des « marchés potentiels majeurs considérant que la quantité peut faire le marché » (Texier, 2012). Néanmoins, il ne faut pas s’obstiner à dénicher de nouveaux consommateurs, mais plutôt à trouver une voie de convergence entre ces populations, l’entreprise et ses produits (Anderson, Markides, 2007).

Afin d’être cohérents, les produits à destination du BOP doivent revêtir selon Anderson et

Markides (2007) plusieurs caractères. Les auteurs parlent de l’ « accessibility »,

(l’accessibilité financière pour les populations), de l’ « acceptability » (l’acceptabilité du

produit par les acteurs économiques), de l’ « availability » (la disponibilité et l’accès au

produit) et enfin de l’ « awareness » (la connaissance du produit). Perrot (2010) esquisse les

notions d’ « accessibilité financière » c’est-à-dire d’adaptabilité du prix aux consommateurs,

mais aussi aux entreprises, d’ « accessibilité sociale et culturelle », il vise ici la désirabilité du

produit et finalement d’ « accessibilité physique » qui se retrouve dans une distribution

pertinente. Payaud et Ag Alhousseini (2013) présentent une liste non exhaustive de ce que concerne le produit BOP. Ils le définissent comme un « apport de biens et services à bas prix, mais à qualité correcte » qui porte « sur des besoins fondamentaux » qui peuvent aussi avoir

un impact sur l’« augmentation des revenus » et l’« amélioration des conditions de vie » en

tenant compte « du respect du territoire » et en participant « à la création d’un éco-système ».

S’agissant de la mise en place de ces stratégies, Huet et al., (2010) identifient quatre étapes :

l’évaluation des opportunités, la mise en place d’une expérimentation, la construction d’une activité commerciale durable et l’entretien de la démarche. Par ailleurs, la question de la viabilité économique dans ce type de démarche demeure. Les auteurs cités ci-dessus admettent « qu’une entreprise n’a pas vocation à financer le développement de produits ou services non viables économiquement », se pose alors la question de savoir si l’entreprise peut « se permettre d’entrer dans unecoûteuse phase d’apprentissage qui lui permettrait in fine de cibler le segment BOP de manière plus globale et profitable ? ».

En soulignant que « context changes, the logic of business does not change », Garette, et Karnani, (2010), rappellent que l’on ne peut ignorer l’intérêt économique de ces démarches,

essentiel à la pérennité de l’entreprise. Cependant, les entreprises devront « accepter un

allongement de la durée de retour sur investissement par rapport à ses standards habituels » (Huet, Labarthe, Abeille, 2010).

Cette posture tend à générer de la performance sociétale, car les entreprises s’impliquent dans

la société, elles ont d’ailleurs tout « intérêt à associer [leur] stratégie BOP à une

démarche de responsabilité sociale et environnementale » (Huet, Labarthe, Abeille, 2010), on parlera alors de RSE-BoP (Martinet, Payaud, 2010).

Les stratégies BOP permettent de nouer une relation privilégiée avec les parties prenantes externes et notamment les ONG. En effet, outre une implication sociétale, une logique BOP permet « d’inclure la communauté locale dans la chaîne de la valeur » (Payaud, Ag

Alhousseini, 2013), d’« intégrer l’ensemble de l’écosystème », en effet, « la contribution des

ONG, institutions locales et autres acteurs de l’écosystème apparaît comme un facteur de réussite des stratégies BOP » (Huet, Labarthe, Abeille, 2010).

ONG et entreprises se rencontrent alors autour d’expressions mécénales, mais aussi

stratégiques. Les collaborations stratégiques entre les deux acteurs frôlent l’univers mercantile

et marchand des firmes, c’est ainsi qu’il peut être qualifié d’inhabituel au regard de la relation communément caritative entre les firmes et la sphère non gouvernementale. Nous allons ci-après nous intéresser aux expressions partenariales.

3.2.3 Les expressions partenariales

Avant de s’intéresser aux partenariats entre les ONG et les entreprises, il nous semble important de délimiter la notion de partenariat. Il n’existe pas de définition communément acceptée, en effet, le sens dépend du contexte (Koch, 2005).

Long et Arnold (1995) entendent par partenariat toute coopération consentante en vue de réaliser un objectif. Koch (2005) résume à travers une revue de littérature, les caractéristiques propres aux partenariats. Elle mentionne le « caractère volontaire » de l’union, l’« interdépendance entre les partenaires », les « initiatives communes de représentants de différents secteurs de la société », l’« apport de ressources de la part de chaque partenaire », la « participation de chaque partenaire au processus de décision », la « volonté d’atteindre

un objectif réaliste et potentiellement mesurable propre au partenariat », et finalement le « calendrier défini d’un commun accord ». Rappelons qu’à l’origine les échanges entre les entreprises et les ONG étaient marqués d’une profonde ignorance ou alors d’une véritable défiance (Binninger, Robert, 2007). Il est alors difficile de concevoir qu’ONG et entreprises puissent collaborer, pourtant leurs postures se sont métamorphosées. Binninger et Robert (2007), évoquent une « incursion des ONG dans la sphère des entreprises » et en effet,

malgré leur rôle de dénonciation et de garde-fou de la société, entreprises et ONG ont désormais de nouvelles relations et collaborent ensemble (Mach, 2002).

Par souci de clarté nous distinguons la notion de partenariat de la notion de collaboration. La littérature est maigre sur le sujet, néanmoins, nous positionnons le partenariat comme étant

une forme de collaboration, au même titre que le mécénat, le dialogue, etc… Ces partenariats

peuvent être associés à des régulations civiles de notre société en marge de la régulation légale (Bendell, 2000). Mach (2002), insiste sur le caractère direct de ces échanges entre les sociétés et les ONG.

S’agissant des motivations des acteurs dans les partenariats, les entreprises recherchent des

compétences, une citoyenneté et un nouveau souffle durable (Binninger, Robert, 2007). Pour les ONG, en se rapprochant des entreprises corollairement elles se rapprochent d’informations clés et de la gouvernance des entreprises. Les firmes sont de même des sources de financement non négligeables (Burchell, Cook 2013). Comme exposé par Mach, A. (2002) les

partenariats peuvent être orientés vers l’activité de l’entreprise et/ou l’activité de l’ONG.

Cette première distinction au sein des partenariats nous a semblé pertinente, nous avons néanmoins souhaité approfondir le sujet. En effet, la littérature expose plusieurs types de partenariat. Au regard de nos lectures académiques et des pratiques professionnelles (Mach, 2002, IMS Entreprendre pour la Cité, 2004, Ifri-Institut de l’entreprise, 2005, Novethic,

Etudes/manifeste, 2006 Groupe Initiative, 2008), nous proposons une harmonisation qui tend à distinguer : le partenariat ponctuel ; le partenariat produit ; le partenariat stratégique.

Le partenariat ponctuel peut être perçu comme « des actions communes autour d’une campagne à caractère unique à des fins de sensibilisation et d’information » (Sachet-Milliat,

Dupuis, 2014). L’engagement dans ces partenariats est peu contraignant pour les entreprises

et les ONG qui s’unissent temporairement dans une mission de sensibilisation. Le partenariat

produit ou le produit partage a été abordé dans les expressions stratégiques, néanmoins, outre la dimension mercantile de ce rapport, il permet une collaboration entre l’ONG et l’entreprise

qui travailleront sur la dimension éthique d’un produit ou d’un service vendu. Enfin, le

partenariat stratégique fait référence à « la mise en place d’actions conjointes, permettant

d’atteindre tel ou tel objectif partagé tout en conservant l’identité, les valeurs et l’indépendance de chacune des deux parties[…]. Ils incluent des échanges de connaissances et d’expertises, un travail commun dans une même direction et la construction de relations

durables. » (ORSE, 2005). Depuis cette dernière décennie, ces partenariats tendent à se développer et à se pérenniser, on parle également de partenariat en co-création.

Il apparaît aussi que les ONG et les entreprises matérialisent des collaborations mécénales, mais aussi stratégiques et partenariales. L’ensemble de ces expressions a pour clé de voûte le dialogue qui est une matérialisation collaborative existant entre les ONG et les firmes.

3.2.4 Les expressions orales : le dialogue comme matérialisation collaborative du rapport ONG entreprises

On note une omniprésence de la notion de dialogue entre les ONG et les entreprises. En effet, la littérature académique met en exergue l’interaction du dialogue entre les deux acteurs. Capron et Quairel-Lanoizelée (2010) soulignent que les entreprises ont « compris l'intérêt de nouer des dialogues » avec la sphère non gouvernementale et qu’elles s’inscrivent désormais dans « une logique de dialogue » (ibid.). La littérature professionnelle et institutionnelle nous permet de dresser le même bilan. Effectivement, après étude des référentiels internationaux et européens ainsi que des principaux outils et normes RSE, nous remarquons que les entreprises sont invitées à dialoguer avec leurs parties prenantes.

Le dialogue est donc la clé de voute des relations entre les deux entités qui doivent échanger pour co-construire. Néanmoins, le dialogue n’est pas clairement et unanimement défini dans la littérature académique et le constat se répète pour la littérature professionnelle. En effet,

bien qu’exprimé dans les référentiels de la RSE, comme ceux de la Global Reporting

Initiative, du Pacte Mondial de l’ONU, de la norme ISO 26000, du Livre vert de 2001 de la Commission européenne ou encore des Principes directeurs relatifs aux entreprises et aux droits de l'hommede l’OCDE, la définition de « dialogue »n’est pas clairement qualifiée.

Nous verrons tout d’abord, les apports de la littérature académique sur la notion de dialogue

avec les parties prenantes (A), puis l’état du dialogue dans les référentiels internationaux et européens (B), et nous nous concentrerons sur l’état du dialogue dans les outils et les normes RSE (C).

A) Apports de la littérature académique sur la notion de dialogue avec les parties