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L’évolution des rapports entre les deux acteurs

THÉORIQUES : LA CONSTRUCTION DU

Chapitre 2 : La caractérisation des acteurs du sujet : Définition des notions de

B) L’évolution des rapports entre les deux acteurs

Comme le présentent les travaux (Dollet, 2002 ; Mach, 2002 ; Doucin, 2007) les entreprises et les ONG se fréquentent depuis quelques années, elles dialoguent et constituent même des collaborations. En effet, on observe depuis les années 1990 une rupture dans le modèle antagoniste qui existait entre les deux acteurs qui aujourd’hui « coexistent avec un intérêt

nouveau envers l’autre » (Sachet-Millat, Dupuis 2014). On note également depuis la fin du vingtième siècle « l’amorce d’un dialogue, voire même d’un rapprochement » (ibid.). Ryfman (2014), souligne que « l'idée d'actions communes entre privé marchand et privé non lucratif constitue désormais une réalité quasi banalisée ». En effet pour l’auteur « les rapports

ONG/entreprises ne se résument plus à un antagonisme marqué ou au guichet de financement » (ibid.). Les entreprises ont désormais intégré les bénéfices et la plus-value du dialogue et des partenariats avec la sphère non gouvernementale (Capron, Quairel-Lanoizelée, 2010).

L’article 14 des principes de l’Organisation de Coopération et de Développement

Économiques (OCDE) à l’attention des entreprises multinationales invite les firmes (1976 ;

2011) à « s’engager auprès des parties prenantes concernées en leur donnant de réelles

possibilités de faire valoir leurs points de vue lorsqu’il s’agit de planifier et de prendre des décisions relatives à des projets ou d’autres activités susceptibles d’avoir un impact

significatif sur les populations locales ». Dans la même approche, le Pacte Mondial (2010) inscrit les entreprises dans une dynamique où elles « doivent de plus en plus travailler en

partenariat avec l’État, la société civile, les collectivités locales et d’autres acteurs ». On comprend que les firmes sont conviées et stimulées à se rapprocher des ONG au profit des postures antagonistes ou de défiance. Par ailleurs, l’Agenda 21 élaboré lors de la Conférence

des Nations Unies sur l’Environnement et le Développement à Rio De Janeiro en 1992

explicite l’importance et l’impact des ONG qui « jouent un rôle vital pour ce qui est de

modeler et d'appliquer la démocratie participatoire » (article 27.1) et notamment vis-à-vis du

secteur privé, c’est-à-dire les entreprises, qui devront « renforcer les mécanismes de partage

de données d'expérience et d'information sur le développement durable » (article 40.24) et

pourront s’appuyer sur « la conclusion d'arrangements avec les organisations non

gouvernementales pour le partage d'information et l'organisation d'activités de donateurs aux fins du partage d'information sur les projets de développement durable » (article 40.24). Le guide SD 21000 cristallise l’émergence de cet acteur dans la visière des entreprises qui devront « s’intéresser à de nouveaux acteurs de la société civile, comme les ONGs, qui

cherchent à établir un dialogue constructif et des partenariats avec les entreprises ».

Enfin, pour l’Ifri-Institut de l’entreprise (2005) plusieurs constats signalent le rapprochement

entre les deux entités. En effet, il souligne la prise en compte des ONG dans les réflexions stratégiques et les pratiques RSE des entreprises. Il note également l’apparition des fonctions

comme ‘chargé de partenariat entreprise’ au sein des organisations non gouvernementales.

Enfin, les partenariats entre les deux univers naissant depuis le début du XXIème siècle confortent le rapprochement collaboratif entre les deux acteurs.

ONG et entreprises ont connu des rapports tendus et hostiles, néanmoins leur relation a évolué, conduisant ces dernières à collaborer. Nous allons à présent détailler les motivations de chacune.

3.1.2 Les motivations des entreprises et des ONG dans la collaboration

Les collaborations entre les deux acteurs que nous détaillerons par la suite ne sont plus

marginales et s’inscrivent aisément dans le paysage socio-économique dans lequel évoluent

les entreprises. Pour Benninger et Robert (2007), plusieurs facteurs expliquent ces rapprochements comme la « multiplication d’actions directes orchestrées par des ONG

nationales ou internationales » qui ont fait prendre conscience aux firmes qu’ils s’agissaient

d’un acteur pertinent et « menaçant ». Les auteurs citent à titre d’exemple l’affaire qui a

opposé Nike à de nombreuses ONG qui ont dénoncé les conditions de travail de ses sous-traitants. Suite à ces nombreux plaidoyers, les auteurs soulignent que la « société a connu une baisse de ses bénéfices de 50 % entre 1997 et 1998 ainsi qu’une chute vertigineuse de la

valeur de son action, passant de 76 dollars en 1997 à 27 en 2000 » (ibid.).

Pour l’Ifri-Institut de l’entreprise (2005), les gains de la collaboration sont doubles et profitent

aux deux acteurs. En effet, « l’ONGgagne à la prise en considération de ses préoccupations

par l’entreprise, et l’entreprise, en modifiant son comportement, est mieux considérée par ses

parties prenantes » (ibid.).

Nous verrons les motivations des entreprises (A) puis celles des ONG (B). A) Les motivations des entreprises

L’intérêt pour les entreprises réside dans l’expertise et les compétences apportées par la

sphère non gouvernementale (Carroll, 1991). En effet, les coopérations permettent aux firmes de profiter des compétences des ONG (Condomines et al., 2016). Les ONG permettent également aux entreprises d’approfondir et d’améliorer leur capital image et réputation (Lafrance, Lehmann, 2005) et de réduire les risques économiques produits par une crise sociétale (ibid.).

Par ailleurs, les ONG sont pour les entreprises des « intermédiaires sur le terrain entre des populations destinataires de ses services et des bailleurs de fonds » (Baddache, 2007). Benninger et Robert (2007) expliquent que les ONG ont un rôle de garde-fou du capital réputation des entreprises, car en plus de détenir l’appui et la reconnaissance du grand public, elles possèdent une proximité pertinente avec le terrain et des informations de qualité. Pour

les auteurs, les entreprises s’engagent, car elles recherchent de l’expertise, mais aussi parce qu’elles souhaitent s’inscrire dans une dynamique de développement durable tout en insufflant « des valeurs de citoyenneté » (ibid.) en interne aux collaborateurs. En effet, ils expliquent que par ces collaborations avec les ONG, les firmes vont pouvoir « valoriser leur

image de citoyenneté en élaborant des positionnements ‘responsables’ » (ibid.). Pour Capron et Quairel-Lanoizelée (2010) les firmes « en s'affichant ouvertement avec des organisations connues et appréciées du grand public » pourront optimiser et renforcer « leur image de marque » aussi bien en interne à l’égard des collaborateurs qu’en externe auprès de

l’opinion publique et des consommateurs.

De même, pour Bauer et Schmitz (2012), les entreprises pourront trouver au travers des ONG des acteurs qui auront l’indépendance nécessaire pour discuter leurs politiques, leurs

stratégies et leur permettre d’optimiser leur RSE. Mais pour Benninger et Robert (2007) «

dans la majorité des cas, les principales raisons restent centrées sur la quête de légitimité et sur la préservation des actifs immatériels ». Cependant, ces collaborations qui permettent à la firme de prendre du recul sur ses activités lui permettent de prévenir les griefs.

Enfin, les collaborations avec les ONG nourrissent les notations extra-financières effectuées par les agences de notation. En effet, les évaluations réalisées par les agences de notation sociétale sont depuis ces dernières années en plein essor (Bessire, Onnée 2006). Les ONG qui « agissent en tant que promoteurs de la RSE » (ibid.) représentent à travers les partenariats

qu’elles réalisent avec les firmes « des indicateurs pertinents […] pour apprécier les niveaux

d’engagement pris avec les parties prenantes et plus généralement pour évaluer la

performance sociétale de l’entreprise » (Benninger, Robert, 2007).

Au travers d’un état de l’art, Bowen, Newenham-Kahindu et Herremans (2010) proposent une

typologie de l’engagement des entreprises auprès des communautés locales et par conséquent

des ONG (Sachet-Milliat, Dupuis, 2014). Ils mettent en exergue trois types de stratégie

d’engagement : le transactionnel, le transitionnel et le transformationnel.

Le transactionnel se résume par des relations majoritairement unidirectionnelles où l’entreprise a principalement un rôle de financeur. Le transitionnel se réalise par des dialogues et des échanges entre entreprises et ONG, néanmoins, les sociétés préservent leur gouvernance. Le transformationnel consiste à intégrer les ONG dans la gouvernance d’entreprise.

Cette matrice nous permet de qualifier les partenariats et de les positionner sur des postures transactionnelles, transitionnelles et transformationnelles.