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La mesure segmentée de la performance globale par les outils traditionnels

THÉORIQUES : LA CONSTRUCTION DU

Chapitre 2 : La caractérisation des acteurs du sujet : Définition des notions de

A) La mesure segmentée de la performance globale par les outils traditionnels

Nous verrons tout d’abord, les outils comptables (1), puis les outils de pilotage par les tableaux de bord (2), mais aussi les outils de diagnostic et de reporting (3), les outils

d’évaluation externe (4), les guides et référentiels (5).

1) Les outils comptables

Nous ferons tout d’abord une présentation globale de l’approche comptable (a) puis nous

ferons un focus sur la Triple Bottom Line (b). a) Présentation globale de l’approche comptable

Les travaux académiques sur l’évaluation de la performance singularisent l’approche comptable des autres outils. En effet, Quairel-Lanoizelée et Capron (2006) classent les

différents procédés d’évaluation sociétale en isolant « ceux qui cherchent l’intégration par

une approche monétaire ou « comptable » et ceux qui cherchent à construire l’intégration par un ensemble cohérent d’indicateurs ». Bollecker (2007) fait la distinction entre les outils qui

se « se fondent sur la valorisation financière de la performance sociétale grâce à des systèmes comptables ».

Inspiré de la comptabilité traditionnelle, il convient de différencier la comptabilité environnementale et la comptabilité sociale ou sociétale.

La comptabilité environnementale est « un système d’information efficient sur le degré de

raréfaction des éléments naturels engendré par l’activité des entreprises, utilisable pour réduire cette raréfaction et pour informer les tiers… L’objectif est double : d’une part,

évaluer les coûts engagés par une entreprise pour protéger l’environnement, d’autre part, estimer les coûts de dégradation de l’environnement par celle-ci ». (Christophe, 1995). Alors que la comptabilité sociale, parfois intitulée comptabilité sociétale est « un système

d’information qui vise à exprimer la contribution, négative ou positive de l’entreprise à son environnement, inversement, de saisir les effets de la société sur l’entreprise. Elle doit permettre à la direction de l’entreprise à la fois de gérer ses responsabilités dans les

domaines sociaux et sociétaux et d’en rendre compte aux tiers concernés » (Capron, 2000). Reprenant les travaux de Shocker et Sethi (1973), Trébucq (2006) entend par comptabilité sociétale celle qui « peut être définie comme l’ensemble des informations permettant

d’évaluer la manière dont l’entreprise remplit et respecte son contrat social ». b) Focus sur la Triple Bottom Line (TBL)

Le concept de la Triple Bottom Line (TBL) est amorcé par Elkington en 199719. Pour Asselot (2011) la TBL « vise donc à calculer un triple résultat correspondant aux trois P : “ People, Planet, Profit “ ». Pour Savitz (2006) cette technique « capture l’essence du développement durable en mesurant l’impact des activités d’une entreprise dans le monde à la fois en termes

de profitabilité et de valeur pour les actionnaires qu’en terme de capital social, humain et

environnemental ». Elkington (1997) explique dans son ouvrage que la bottom line, littéralement « la ligne du bas du bilan », c’est-à-dire le résultat de la firme, a longtemps dominé la manière de concevoir la comptabilité et la performance alors que pour l’auteur la comptabilité est une construction sociale subjective qui varie selon les époques. Asselot (2011) explique que cette subjectivité a longtemps dominé et a ignoré les impacts de

l’entreprise sur ses environnements. Il ajoute en ce sens que la comptabilité traditionnelle

n’inscrit pas les coûts des externalités générées par les impacts sociaux et environnementaux. Elkington (1997) distingue ainsi trois bottom lines. Tout d’abord, la bottom line économique,

qui doit mettre en équilibre l’économique et la durabilité en y intégrant la notion de capital

humain. Il distingue également, la bottom line sociale qu’il faut entendre au sens large du

terme, c’est-à-dire tenant compte de la société et des collaborateurs et la bottom line

environnementale. Pour l’auteur, il y a entre ces bottoms lines, qui représentent des performances distinctes, des « shear zones », que l’on peut entendre comme des zones de confusion ou encore des zones de frottement (Asselot, 2011) et ainsi il y aurait des interrelations entre le plan économique et le plan environnemental, entre le plan environnemental et le plan social et le plan économique et le plan social. Par ailleurs, l’auteur

propose à travers la TBL d’incorporer l’ensemble des bottom lines en une « seule et même

réflexion qui utilise des outils de comptabilisation de contrôle et de reporting unifiés » (Asselot, 2011).

2) Les outils de pilotage par les tableaux de bord

Le tableau de bord prospectif ou Balanced Scorecard (ci-après BSC) de Kaplan et Norton (1992) est un outil de pilotage de la performance qui une fois adapté apparaît comme ajusté aux enjeux du développement durable. Traditionnellement, le BSC permet le contrôle de mesures réparties en quatre axes portant sur : les résultats financiers ; la satisfaction des clients ; les processus internes ; l’apprentissage organisationnel. Dans cette conception classique de l’outil, il est difficile de l’utiliser pour mesurer la performance globale, car le centre d’attention de l’instrument est tourné essentiellement vers l’intérêt financier (Berland, 2007), mais on lui reconnaît la particularité d’utiliser des indicateurs non-financiers. C’est ainsi que de nombreux auteurs vont modifier le BSC afin de le rendre compatible avec les enjeux de responsabilité sociale des entreprises et que le Sustainability Balanced Scorecard (Hockerts, 2001) ou que le Total Balanced Scorecard (Supizet, 2002) verront le jour. Trebucq (2009), à la suite d’une revue de littérature, propose une synthèse des transformations possibles du BSC : « - option 1: insérer une ou plusieurs thématique(s) sociétale(s), et ce, d'une manière transversale aux quatre perspectives classiques ; - option 2 : rebaptiser, ou qualifier différemment, une ou plusieurs des perspectives existantes ;- option 3 : insérer une ou plusieurs perspectives supplémentaires ; - option 4 : modifier l'ordre usuel des perspectives. »

Naro (2006) souligne qu’initialement le Balanced Scorecard servait à aligner l’entreprise avec sa stratégie, on parle alors de contrôle diagnostic (Simons, 1995). Ce type d’examen est

Mooraj et al., (1999) le Balanced Scorecard permet également un contrôle interactif au sens

de Simons (1995), c’est-à-dire basé sur le « dialogue pour convaincre, mobiliser les

énergies, canaliser les idées nouvelles » (Berland et al., 2005). Naro et Travaillé (2011), démontrent que le Balanced Scorescard autorise pour la même entreprise les deux approches

et que ces deux contrôles ne s’excluent pas (2013). Néanmoins, pour les deux auteurs, dans le

cadre de la performance globale et par conséquent celui du développement durable,

l’approche interactive permet « le dialogue et les débats contradictoires autour des enjeux

conflictuels » (Travaillé et Naro, 2013). Ainsi, l’approche classique du contrôle interactif du Balanced Scorescard démontre des faiblesses qu’il convient d’interroger. En effet, la pluralité des parties prenantes aux multiples attentes « souvent conflictuelles » (ibid.) remet en question l’évaluation de la performance globale. Ils proposent alors une version alternative de l’outil, le « paradoxal scorecard »,qui dans une démarche interactive présente la particularité d’être « volontairement déséquilibré » (ibid.) et mettrait en lumière les « contradictions inhérentes aux enjeux conflictuels des trois dimensions du développement durable et des attentes différenciées des Parties Prenantes » (ibid.)

3) Les outils de diagnostic et de reporting

Parmi les outils de diagnostic et de reportingnous exposons tout d’abord le Global Reporting Initiative (GRI) qui est un standard international de reporting qui tend à jauger la performance

globale de l’entreprise et par conséquent sa performance sociétale. Chauvey, Giordano-Spring

et Naro (2004) ont souligné à travers une étude empirique que ces principes étaient peu appliqués par les entreprises de leur échantillon bien que ces dernières les reconnaissaient.

Dans sa quatrième version, l’outil est présenté comme une « aide (pour) les organisations à

définir leurs objectifs, à mesurer la performance et à gérer le changement afin d’accroître la

durabilité de leurs opérations » (G4, Lignes directrices pour le reporting développement durable). Selon Trebucq (2009), il s’agit désormais d’un outil « assez bien diffusé parmi les entreprises cotées françaises ».

Nous retenons ensuite le bilan sociétal conceptualisé et préconisé par le Centre des Jeunes Dirigeants. Il est à distinguer du bilan social qui permet la mesure sociale d’une entreprise par

la réalisation et le contrôle d’indicateurs sociaux (Naro, Noguera, 2005). Conçu et pensé à

l’origine en 1996 par le Centre des Jeunes Dirigeants de l'économie sociale (CJDES), le bilan

sociétal est construit comme un outil d’auto-évaluation, qui s’intéresse à la posture sociétale des firmes. Le CJDES (2008) le définit comme « outil participatif d'évaluation en vue de

l'amélioration des pratiques » dont l’objectif est « de vérifier la responsabilité d'une organisation sur son territoire, ainsi que l'adéquation entre les valeurs affichées et la réalité des pratiques » (ibid). L’intérêt de l’outil est qu’il « repose essentiellement sur le regard croisé des acteurs : les différentes parties prenantes de l'entreprise répondent aux mêmes questions sur son fonctionnement, son activité et ses impacts » (ibid). Le bilan sociétal

s’organise autour de 400 questions abordant les thématiques sociales, sociétales,

environnementales et économiques de l’entreprise. Il propose par ailleurs une méthode

d’évaluation reposant sur 15 critères : l’activité de l’entreprise ; la citoyenneté et la

participation internes ; la citoyenneté externe ; la compétitivité ; la convivialité ; la créativité

et l’esthétique ; l’efficacité et l’efficience ; l’employabilité et le développement des

compétences ; l’éthique, la précaution et la prévention ; la satisfaction ; la sécurité et la santé ;

la solidarité ; l’utilité sociale et collective ; la viabilité. Comme l’expose le schéma ci-dessous,

les parties prenantes sont au cœur de la démarche du bilan sociétal qui à travers un « dialogue multi parties prenantes, vise à l'amélioration de la responsabilité d'une organisation dans son milieu » (ibid).

Par la suite le Bilan Sociétal a inspiré de nouveaux outils (Capron, 2012) comme la norme SD

21000, l’AFAQ 26000 ou encore le Global Performance System (GPS) du CJD qui peut être

appréhendé comme une évolution du bilan sociétal. Il est défini par le Cercle des Jeunes Dirigeants comme : « un outil de diagnostic et d’évaluation ;un module de pilotage des plans

d’action ; un moyen de partager des bonnes pratiques ; un rapport éditable en ligne ; un benchmark entre entreprises de même secteur et/ou de même taille ».

4) Les outils d’évaluation externe

Stéréotypant les outils évoqués ci-dessus comme des procédés de mesure principalement interne, nous signalons qu’il existe aussi des outils d’évaluation essentiellement externe qui peuvent être assimilés à un « objectif de notation sociétale qui renvoie à un contrôle externe de la performance sociétale d'une organisation par le prisme des marchés boursiers »

Zahm et al., (2013).

5) Les guides et référentiels

Bien qu’ils ne soient pas qualifiés d’« outils de mesure », mais de « lignes directrices »

(Dohou-Renaud, Berland, 2007), la norme ISO 26000 et le guide SD 21000 participent à conduire les entreprises dans des postures favorisant la performance globale.