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1.2. Réformes scolaires et formation des enseignants : une synchronisation introuvable

1.2.2. Mémoire des réformes éducatives globales

1.2.2.1. La Réforme des années 1980

Cette Réforme a provoqué un éclatement du système éducatif chilien, doublé d’une restructuration radicale de sa gestion. L’administration éducative étatique s’est régionalisée par la création de Secrétariats Régionaux Ministériels d’Éducation (désormais SEREMI) dans chacune des 15 régions et de Directions Provinciales d’Éducation (désormais DEPROV). La Constitution Politique dictée en 1980 a réajusté les prescriptions sur la liberté d’enseignement et sur le rôle de l’État en éducation, à travers la Loi Organique Constitutionnelle de l’Enseignement (désormais LOCE). Au cours de cette même année, est décrétée la municipalisation de l’éducation : les écoles primaires et les lycées publics dépendront dorénavant des municipalités.

[Celles-ci] se sont vues attribuer la gestion des infrastructures et de l’équipement, de l’administration financière et du personnel des établissements, lequel obtint le statut juridique de travailleurs du secteur privé. (Nuñez, 1997).

Les enseignants sont donc devenus, d’après les propos de Jacqueline Gysling,

(…) des employés privés soumis à la loi féroce du Gouvernement Militaire, en termes de conditions contractuelles. (…) Ils étaient congédiés fin janvier, pour être employés à nouveau début mars, ils ne bénéficiaient donc pas de vacances payées et ils vivaient dans l’incertitude de retrouver un emploi à la rentrée scolaire ! (J.G. Annexe n°4 : 266).TM

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En même temps, le système des subventions à l’éducation particulière se modifiait pour encourager la création de nouvelles écoles privées gratuites et pour maintenir celles qui existaient déjà. Le découpage des réseaux éducatifs s’est fait en fonction de la dépendance économique et financière de l’établissement. Il existe cinq types de dépendances :

- la Corporation Municipale reçoit des subventions de l’État en fonction des élèves inscrits et elle dépend de la municipalité, tout en s’organisant de façon autonome en dehors de la mairie.

- La Direction d’Administration d’Éducation Municipale (désormais DAEM) est une structure interne à la municipalité, elle reçoit des subventions de l’État tout comme l’antérieure. Elle est administrée par la municipalité.

- L’établissement Particulier Subventionné dépend d’un soutien privé (personne naturelle, association…), et il reçoit une subvention de l’État. Son organisation, sa gestion et son administration sont privées.

- L’établissement Particulier Non Subventionné est complètement autonome au niveau économique, il ne reçoit aucune subvention de l’État.

- La Corporation Privée appartient à des Confréries ou à des Associations d’Entreprises. Ce sont des lycées professionnels ou techniques, ils ne reçoivent pas de subventions de l’État28.

Dans cette configuration des réseaux éducatifs, le MINEDUC possède le rôle de superviseur technique. L’État n’est donc plus considéré comme bienfaiteur, mais comme régulateur, donnant des lignes d’orientations pour vérifier la qualité des services qu’il achète.

C’est un des « sept paradoxes capitaux » de la Réforme Éducative chilienne dont parle Mauricio Rojas :

(…) c’est le changement culturel le plus transcendantal de toutes les actions mises en œuvre par Pinochet, puisqu’avec cette stratégie, l’éducation publique proprement dite est éliminée de fait, pour inaugurer l’ambiguë éducation municipale. (…) Il s’agit, en définitive, d’imposer le modèle privé de compétition par-dessus l’idéal public d’universalité et de solidarité. (Rojas, 2002).

Néanmoins, la gestion de l’éducation par la municipalité n’est pas une innovation du régime Pinochet, elle existait déjà au moment de la Colonie, lorsque les cabildos, sorte de conseils de la ville, géraient les Écoles des Premières Lettres. Les Constitutions Politiques post- indépendance, tout comme les Lois d’Instruction Primaire de 1860 et de 1920 ont également assigné aux municipalités un rôle de soutien en faveur des écoles. Cela permet de nuancer le lien quasi exclusif entre la municipalisation de l’éducation chilienne et le Régime Militaire.

Par contre, contrairement aux autres périodes historiques, la municipalisation a été menée de façon très pragmatique.

L’Article n°20 indique que le Ministère de l’Éducation sera le successeur et assurera la continuité légale du Ministère de l’Éducation Publique antérieur ; en supprimant le mot « Publique », l’étatisme sectoriel qui a marqué l’éducation chilienne pendant de longues décennies se termine. La Loi établit trois niveaux d’organisation de base : - le Ministre et son cabinet ;

- le Sous-Secrétariat avec les Divisions de l’Éducation Générale, de l’Éducation Supérieure, de l’Extension Culturelle, de la Planification et du Budget, les

28 Classement établi par le SCAC en 2003 : poste du service logistique.

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Départements Juridiques, les Départements de l’Administration Générale et le Centre de Perfectionnement, d’Expérimentation et de Recherche Pédagogiques (désormais CPEIP) ;

- Les Secrétariats Régionaux Ministériels planifient, édictent les normes et supervisent le développement du processus éducatif dans les établissements situés au sein de leur territoire juridique, en s’assurant de la réalisation des objectifs et des politiques éducatives et de leur adéquation correcte aux besoins et aux intérêts régionaux. Les Départements Provinciaux d’Éducation sont des organismes déconcentrés fonctionnellement et territorialement des SEREMI, ils sont chargés de la supervision et du soutien technico-pédagogique, de l’inspection administrative et financière des établissements subventionnés de leur juridiction. (Soto, 2000 : 183-184).

L’Éducation Supérieure est également réorganisée par la Réforme de 1980. La législation facilite la création d’Universités pour les cursus de haut prestige, d’Instituts Professionnels axés sur la formation des enseignants et de Centres de Formation Technique à caractère privé, sans subventions de l’État. Il s’agit donc d’un marché académique ouvert et coûteux, dans lequel les institutions se font concurrence pour attirer les étudiants.

En 1980, le système d’Éducation Supérieure comprenait huit universités au Chili, en 1995, il en existait déjà soixante-huit, dont quarante-trois privées. La pédagogie est proposée n’importe où ! Comme il n’y a pas de bons professeurs d’université, la formation initiale des futurs enseignants est mauvaise. (J.G. Annexe n°4 : 272).

Les nouveaux plans et programmes de cette Réforme se sont caractérisés par trois volets :

(…) la priorité d’une indication d’objectifs ou de conduites à atteindre sur la sélection des contenus ; la marge de liberté d’option méthodologique pour les professeurs ; la flexibilité permise aux établissements pour structurer les plans d’études. (Nuñez, 1997).

C’est une autre antinomie du système éducatif chilien prônant un libéralisme affiché sur les braises toujours ardentes d’un autoritarisme enraciné.

1.2.2.2. Politiques éducatives des années 1990 : ambitions d‘une Réforme en