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Le Chili compte environ 16,3 millions d’habitants. Au point de vue ethnique, la majorité des Chiliens sont métis (66%), suivis des Européens (25%), des Amérindiens (6%) et des Proche Orientaux23.

Le Chili est une terre de migrants, hispanophones pour une grande partie, mais aussi, italophones, germanophones, Libanais et Croates. Puis, à partir de 1850, à la demande des autorités chiliennes préoccupées par le vide du pays, une colonisation allemande importante s’effectue dans la Région des Lacs. Par ailleurs, un peuplement croate se produira plus tardivement en Patagonie, sur un substrat indien résiduel, très faible.

En 1871, l’armée chilienne se modernise grâce à une forte présence militaire allemande. Les capitaux anglais très importants et les sociétés étrangères se trouvant dans les mines et dans l’élevage des moutons, notamment en Patagonie, revêtent une autre forme de présence de l’étranger au Chili, jusqu’en 1914. Toutes ces colonies vont s’organiser chacune, avec leurs écoles, leurs sociétés culturelles.

Cependant, la richesse linguistique apportée par ces migrants semble avoir été ignorée par les autorités chiliennes qui n’ont pas encore valorisé, ni exploité toutes ces compétences plurilingues, disséminées dans la société.

Il existe également deux types de populations autochtones : les Amérindiens du continent et les Polynésiens de l’Île de Pâques. Le Chili, avant l’arrivée des Espagnols, était habité par plusieurs peuplades indiennes : Diaguitas et Atacameños dans le Nord, Picunchas, Pehuenches, Tehuelches, Huilliches, Onas, Patagones, Alacalufes au Centre et dans le Sud. Entre les fleuves Maule et Bío-Bío, vivaient les Mapuches, farouches guerriers et résistants, que les Espagnols nommèrent les Araucanos (Araucans). Le métissage araucan/espagnol est la souche principale de l’identité chilienne.

Parmi les dix langues différentes au Chili et sur le territoire insulaire, le chango, l’atacameño, le diaguita, le selk’nam, le yagan, le chono et le kaweshkar ont disparu sans laisser de traces ! Il en subsiste cinq : le mapudungun, l’aymara, le quechua, le huiliche et le vananga rapanui.

23 LECLERC Jacques. « L’aménagement linguistique dans le monde ».

Données démolinguistiques du Chili disponibles sur : http://www.tlfq.ulaval.ca/axl/amsudant/chili.htm. TM

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Le mapudungun (langue de la terre) est la langue des Mapuches (gens de la terre). Elle est parlée par 400 000 locuteurs sur une population totale de 928 060 habitants. (Ould, Diaz, 2005 : 149). Ils vivent dans la Région Métropolitaine de Santiago et dans le sud du pays. Cette langue se maintient surtout au niveau familial, elle s’est transmise essentiellement par voie orale et elle n’est pas utilisée dans les administrations. Le mapudungun est enseigné dans certaines écoles du sud du pays.

Les Mapuches ont une représentation culturelle de leur langue, ainsi, la difficulté du passage à l’écrit est plus culturelle qu’idiomatique. La culture orale est jouée, mise en scène : les rogations d’une machi (prêtresse) sont plus qu’un produit verbal, les dialogues, les objets, les gestes, les sons, les émotions cohabitent et ne peuvent être amenés à l’écrit.

Il existe un rapport de force entre l’espagnol, langue dominante et le mapudungun, langue vernaculaire dominée. Les problèmes d’exclusion, de diminution, de détérioration fonctionnelle affectent le mapudungun et le transforment en un instrument peu apte à devenir langue officielle. Une société bilingue, où le mapudungun serait langue co-officielle avec l’espagnol, dans l’administration et dans l’éducation, reste donc un concept utopique au Chili. Pour les Mapuches, l’acculturation s’est faite par l’imposition de la société hispanophone sur la leur.

Après avoir rejeté l’identité chilienne jugée incompatible avec l’identité autochtone, les Mapuches ont fini par s’en emparer pour se réclamer toutefois d’une chilénéité particulière. Ils reformulent l’identité chilienne sur des critères linguistiques, sur le bilinguisme. Les Mapuches, en effet, campent leur identité par les deux langues qu’ils parlent, la langue de la terre (le mapudungun) et la langue du pays (l’espagnol). Le bilinguisme, et ce faisant la langue du conquérant, à présent les définit. Cependant, la langue mapudungun et la langue espagnole n’ont pas le même statut. La langue vernaculaire n’a pas à se vérifier par une pratique, elle est, pour les Mapuches, une potentialité, symbolique certes, mais qui ne demande qu’à être réactivée.

Les Huilliches (gens du Sud) sont quelques milliers de locuteurs dans la région de Los Lagos. Il font partie de la famille araucane comme les Pehuenches (gens du pignon), les Lafkenches (gens de la mer) et les Pikunches (gens du Nord).

L’aymara est parlé par environ 30.000 locuteurs sur une population totale de 48.447 habitants, dans la région de Tarapacá au Nord (57% autour d’Iquique). Cette langue est absente de la vie publique. Toutefois, un effort d’éducation bilingue est mené dans les zones autour d’Iquique (Isluga, Cariquima). En 2000, les premiers professeurs pour un enseignement bilingue ont reçu leur diplôme. Dans la zone d’Arica, se trouvent également trois écoles bilingues. Au niveau familial, les adultes parlent aymara à leurs enfants (32%), souvent bilingues récepteurs, mais une fois que ceux-ci vont étudier dans les villes, ils ont honte de leur langue, de leurs traits marqués, provoquant rire et discrimination. Cette langue est devenue vernaculaire, sauf lors de la grande foire commerciale entre le Pérou, la Bolivie et le Chili, où elle devient la langue véhiculaire officielle.

Le quechua, encore présent dans la région nord du Chili, est actuellement en voie d’extinction. Le vananga rapanui, une langue austronésienne, est la langue parlée dans L’Île Rapa Nui, baptisée Île de Pâques par les premiers visiteurs européens, y ayant mis pied un jour de Pâques. Les Pascuans ont des racines communes avec les peuples des autres îles du Pacifique Sud. Ils se sentent d’ailleurs modérément chiliens. La langue et la culture rapanuis doivent s’affronter à des pressions provenant de langues plus puissantes : l’espagnol ou l’anglais. Seulement 5% des élèves du lycée de l’Île de Pâques parlent vananga rapanui, ils étaient 70% à le parler dans les années 1970 ! Si des mesures radicales ne sont pas prises, cette langue ira aussi vers l’extinction.

TM

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Cette tendance à la marginalisation et à la disparition des langues d’origine va de pair avec la diminution des communautés autochtones et avec leur besoin de s’intégrer comme personnes plus que comme peuples, au miracle économique en trompe l’œil de la vie nationale.

L’emprise des réformes éducatives au Chili constitue une difficulté pour élargir l’offre linguistique, qu’il s’agisse des langues autochtones ou des langues étrangères. Toutefois, le système éducatif chilien est en train de prendre conscience de ce contexte sociolinguistique et, au nom de l’équité et de la qualité, constituant les piliers actuels de la Réforme Éducative, il commence à intégrer, peu à peu, le multiculturalisme et le multilinguisme existants.

La loi indigène ainsi que la Réforme de l’Éducation, mise en marche en 1993, ont permis de créer un espace à l’intérieur du système éducatif, afin de mener à bien des expériences d’éducation interculturelle et bilingue avec des communautés indigènes (…)

Même si elle est remise en question, par certains secteurs indigènes, pour avoir été conçue sans consulter les communautés ethniques, la Réforme Éducative a cependant créé des espaces dans le système scolaire, dans lesquels incorporer l’éducation interculturelle, notamment à travers l’autonomie curriculaire des établissements et à travers les objectifs transversaux fondamentaux des programmes. (Ould, Diaz, 2005 : 153).

La nouvelle Loi Générale d’Éducation (désormais LGE) reconnaît huit langues autochtones. Le Ministère de l’Éducation a mis en place un Programme Interculturel Bilingue, dans le cadre de celui-ci, le sous-secteur « Langues autochtones : mapudungun, quechua, aymara, vananga rapanui » a été intégré aux curricula, depuis 2006. La spécificité de l’enseignement des langues indigènes agglutinantes, les caractéristiques propres de celles-ci, comme la tradition orale riche en gestes y sont respectées et tentent d’éviter, de ce fait, une application ou une traduction pure et simple en espagnol.

La construction de ce curriculum pour langues autochtones part de la prémisse que les champs sémantiques des idiomes révèlent des mondes culturels. Ce qui augure d’une volonté réelle d’intégration interculturelle de la part des politiques éducatives actuelles et donc d’un espace ouvert à la mise en place d’une politique linguistique pour le développement national.

1.2. Réformes scolaires et formation des enseignants : une synchronisation