• Aucun résultat trouvé

1.2. Réformes scolaires et formation des enseignants : une synchronisation introuvable

2.1.2. Interprétation des entretiens semi directifs

2.1.2.6. Décontextualisation et recontextualisation : transmission d’un écosystème

Le repérage de toutes les variabilités, ainsi que de toutes les complexités comportementales et contextuelles autorise à prendre la barre, afin de redresser les velléités au sein de la formation didactique pour la reconstruire professionnellement.

La tradition chilienne indique que la formation des enseignants s’est débattue entre, d’une part, une pléthore de généralité pour les enseignants du primaire et un excès de spécialité pour les professeurs du secondaire et, d’autre part, une tension permanente entre la discipline et la pratique pédagogique.

Une perspective de réorganisation des programmes de formation, garante de viabilité, ébaucherait des schémas curriculaires, gravitant autour de concepts centraux et mettant en relation les contenus disciplinaires entre eux. Une telle organisation se doit d’être accompagnée de stratégies d’enseignement, visant la compréhension profonde des thèmes significatifs. En d’autres termes, un professeur ne peut enseigner correctement que, dans la mesure où, à l’apprentissage du procédé, il peut ajouter celui d’élaboration de connexions entre les contenus.

Cette alchimie de l’enseignement et de l’apprentissage s’obtient à travers la connaissance des apprenants, de la complexité de l’environnement social et de la diversité des contextes, mais aussi grâce à la maîtrise des différents types d’intelligence. Elle exige, en plus, une formation des professeurs dont le va-et-vient didactique-pédagogie-didactique soit le fondement. Ce système de double cordage exige l’implication des finalités suivantes dans toute formation : une vision éthique personnelle sur l’éducation, une maîtrise de l’exercice professionnel de l’enseignant, englobant la gestion des objectifs, des moyens, des méthodes, une recherche régulatrice autonome et un travail en collaboration.

Pour dépasser la tension entre la théorie et la pratique et les rééquilibrer, il faut lancer des passerelles, telles que les simulations, les métaphores, les démonstrations, les résolutions de problèmes en groupe, la cocréation de nouveaux types d’outils pédagogiques, les répertoires d’observation de cours et les grilles d’autoévaluation, entre autres.

D’où la nécessité de transformer le paradigme de l’enseignant, non plus le professeur d’anglais, d’allemand, de français, mais le professeur de langues enseignant l’anglais, l’allemand, le français, avec interdiction de se confiner à un seul espace culturel. Ce professionnel est avant tout un médiateur de valeurs qui se trouve au croisement de défis comme la citoyenneté, la démocratie, le respect des différences, la préservation de l’environnement, le rôle de la loi, la liberté de presse, l’héritage culturel partagé, les nouvelles technologies de l’information et de la communication, etc.

Il n’est pas dans les moyens d’une réforme scolaire de surmonter les contradictions, ayant leurs racines dans les ambivalences internes des sociétés. C’est pourquoi Robert Hari évoque le « rocher de Sisyphe » à propos des réformes scolaires : il faut toujours pousser ce rocher vers le haut car il ne cesse de dévaler la pente dès que les efforts se relâchent ! Les générations successives se retrouvent donc souvent face aux mêmes tâches, parce que ce rocher ne cesse de redescendre le long de la pente éducative ! (Hari, 1982 : 143-160).

TM

PDF Editor

– 107 –

Le paradoxe du management de l’innovation en éducation oscille sans cesse dans un mouvement dialectique, entre le mode en cascade à diffusion immédiate, et le processus épidémique à transmission lente.

Au début de l’innovation, concernant l’enseignement du français au Chili, les enseignants n’ont pas été associés au dispositif d’élaboration des Nouveaux Programmes de Français, volontairement parce qu’il fallait tourner la page et partir sur d’autres bases. La prise en compte de leur réalité s’est faite, à travers la conscience de leurs pratiques actuelles. L’hypothèse émise par le SCAC était, qu’en concevant des programmes volumineux, dirigistes, explicites, cela aurait un effet sur les pratiques. Elle ne s’est pas tellement vérifiée jusqu’à présent. Plusieurs enseignants qualifient pourtant les Nouveaux Programmes de Français de:

(…) pratiques, dynamiques, vivants, modernes, motivants et applicables. Ils rassemblent les professeurs perdus et sans perspectives nouvelles. C’est un cadeau pour nous, une opportunité, une ligne pour enseigner le français, parce qu’avant on faisait ce qu’on pouvait58.

Nous constatons de même, que les stages régionaux de formation continue en 2003 et en 2004, ont eu pour point de départ des thèmes didactiques, bloquant d’emblée les enseignants. Il semblerait pertinent de partir à l’envers : aller sur le terrain, faire des visites et des interventions dans les classes ; proposer des outils pour guider la réflexion des enseignants, tels que des questionnaires, des sujets d’études menés sur la base de l’expérience d’un ensemble de classes, des observations filmées de cours, etc... Là encore, il n’existe pas de rejet de la part des enseignants, pour qui les stages régionaux sont

(…) des espaces de rencontres, d’échanges, d’interactions injectant des vitamines aux professeurs isolés dans leur région. Ces formations donnent une orientation claire. Souvent, les professeurs parlent, parlent et perdent le sens59.

Les écarts existants sont donc à aménager, de façon à ce que les enseignants s’approprient cette innovation. Cette démarche suppose une transformation de la proposition curriculaire en projets d’enseignement et la participation directe des professeurs en intégrant leurs réflexions, en créant des espaces d’analyse des pratiques. De ces échanges, peut naître le changement des comportements et des pratiques professionnelles.

Le RPL est une modalité de formation allant dans le sens d’une relation plus égalitaire, fondée sur une analyse partagée du travail. Certains enseignants de français en ont eu l’expérience et nous ont rapporté l’histoire de quelques réseaux pionniers.

À Coquimbó, les professeurs de français du primaire et du secondaire se réunissaient pour préparer ensemble l’année scolaire, mais le français a été mis de côté par le DAEM, le réseau a disparu.

À Concepción, le réseau se réunissait mensuellement, il échangeait des ressources pédagogiques, pratiquait la langue, il était même reconnu par le DAEM, qui avait mis en place une plage de temps pour faciliter les réunions. Il a également disparu60.

La formation initiale et le perfectionnement de l’action d’enseigner semblent être plus opérationnels, lorsque le moyen de diffusion se décline par contamination progressive, en proposant des solutions contextualisées, en accord avec les caractéristiques spécifiques de l’expérience éducative des acteurs, eux-mêmes intégrés dans une participation directe de la mise en place de l’innovation.

58 Résultats des analyses d’entretiens menés auprès de douze enseignants de français de plusieurs régions du Chili, de

mai à juillet 2005.

59 Id. que note n° 58. 60 Id. que note n° 58.

TM

PDF Editor

– 108 –

Cette diffusion plus souterraine aurait-elle davantage de succès dans la recherche de ce que Philippe Perrenoud nomme

(…) l’introuvable synchronisation entre les réformes scolaires et les rénovations de la formation des enseignants ? 61