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4 Ancrage de la recherche au sein des didactiques

4.5. Quid des pratiques de formation ?

4.5.1. Principales tendances

Il est de l'ordre du truisme d'affirmer que les pratiques des formateurs varient mais Leclercq (2007, p. 33) relie cette diversité, pour les formations de base, à « la nature de l'organisme porteur du dispositif, [au] type de publics ciblés, [à] la spécificité du contexte local, [aux] caractéristiques des actions ». Dans une publication de 2006, cette chercheure détermine différents critères pour caractériser les pratiques de formation, qu'on peut réorganiser en fonction de trois aspects principaux : le type d'activités186, le type de support187, le type de progression188. À partir de ces trois critères, elle dégage différents modèles d'interventions qui ont marqué l'histoire de la formation des migrants et qui s'expriment toujours sous la forme de tendances dans les pratiques des formateurs. On peut résumer les caractéristiques de ces trois modèles au sein du tableau suivant :

Type d'activités Type de supports Type de progression Modèle hiérarchisé - Apprentissage de règles

grapho-phonologiques et du codage alphabétique des mots.

- Entraînement des capacités instrumentales de façon graduée et isolée

- Pas ou peu de confrontation aux écrits sociaux

- Conception algorithmique ou linéaire : du simple au complexe (lettre, syllabe, mot, phrase, texte)

Modèle

communicatif axé sur le sens

- Compréhension en situation

- Lecture importante par rapport à l'écriture, lire = deviner ?

- Recours dominant aux écrits sociaux

- Conception modulaire : organisation en fonction de situations de

communication

Modèle intégrateur - Tâches de lecture et

d’écriture contextualisées, situées dans une optique de communication.

- Interactions lecture- écriture

- Temps d'entraînements spécifiques aux différentes composantes langagières

- Activités langagières en situation.

- Importance de l’acculturation aux écrits sociaux et culturels

- Conception modulaire : organisation en fonction de situations de

communication

- Accent plus marqué sur l’étayage du formateur et des pairs.

Tableau 7 : trois modèles historiques pour les pratiques d'alphabétisation, adapté de Leclercq (2006)

Toujours dans cette intervention, Leclercq propose une analyse du modèle dominant dans le référentiel associé au DILF (pp. 49-50) : elle montre la superposition du modèle communicatif et du modèle intégrateur, avec une prédominance du premier d'entre eux sur le second.

186. Sont-elles plutôt centrées sur les correspondances grapho-phonologiques ou sur la compréhension en situation ? L’entraînement de capacités instrumentales spécifiques (lexique, morphologie, syntaxe, grapho-phonologie) est-il plutôt isolé ou intégré à des situations ? Quelle place est attribuée à la production d’écrit ?

187. Sont-ils plutôt créés pour la cause ou issus des pratiques sociales de références ? Quelle place est accordée à l’acculturation aux écrits sociaux et au monde de l’écrit de façon générale ?

Un an plus tard, elle identifie trois autres tendances qu'elle articule en termes d'opposition189 ou de tensions (Leclercq, 2007, p. 34). Ces tendances complètent celles décrites précédemment en ce qu'elles adoptent une approche plutôt psychopédagogique, voire idéologique :

• une première tendance oppose « un modèle déficitaire et psychologisant (« curatif » chez Coquelle, 1996) » à « un modèle plus contextualisé, social et citoyen » ;

• une seconde oppose « un modèle caritatif ou humaniste d'aide aux pauvres et aux exclus » à « un modèle centré sur l'efficacité, la rationalité et sur une certaine technicisation de la formation » ;

• la dernière se concentre autour du modèle scolaire, « référence constante » et pourtant rejetée parce que jugée « inadaptée ». Autour de cette référence au modèle scolaire, des méthodologies actives, par exemple, basées sur des projets, seraient revendiquées par les formateurs190.

Avant Leclercq, Astolfi (2003, p. 2) avait aussi vivement décrié le fait que la formation de base « relève trop souvent d'un modèle ''déficient'' et ''curatif'' qui fait [des apprenants] des sortes de malades ou de handicapés, que l'on soigne par un retour sur les ''bases'' et ''pré-requis'' considérés comme étant trop lacunaires ». Cette tension autour du modèle scolaire a également été pointée par N. Bagiola lors du congrès Eur-Alpha (Beauné, 2012a).

Au plan de la diversité des pratiques, on peut d'ailleurs mentionner les résultats issus de ce projet européen qui avait pour ambition de créer un réseau d’échanges entre apprenants, formateurs, chercheurs et pouvoirs publics191. L’appel à contribution lancé en 2009 a permis la sélection d'activités de formation d’adultes en difficulté face aux savoirs de base192, qui prônent l’émancipation des apprenants et mettent en œuvre des pédagogies renvoyant au modèle socio- constructiviste. Le réseau, au bout des trois années de financement, comptait seize partenaires représentant douze pays, majoritairement membres de l’Union Européenne193. Le site du projet, dans une rubrique dédiée, donne accès aux pratiques repérées, qui renvoient toutes à l’éthique ainsi qu’aux principes exposés plus haut. La finalité du projet n'était cependant pas liée à une quelconque représentativité des pratiques de formation.

Vandermeulen (2012) montrait, par exemple, qu'elles ont tendance à reproduire des modèles « traditionnels », centrés sur les savoirs linguistiques ou basés sur des objectifs communicatifs, ce

189. On pourrait aussi concevoir des axes déterminant des continuum entre deux pôles. 190. Ce qu'on retrouve par exemple dans la méthode de l'atelier ECLER (Ferrand, 1993).

191. Voir : Eur-Alpha. (2014). Eur-Alpha - Réseau européen pour l’alphabétisation des adultes [site présentant un projet européen]. Page consultée le 25/07/14, de : http://www.eur-alpha.eu/?lang=fr

192. Ici, l'ambiguïté terminologique analysée en section 3.2.1. joue fortement : la plupart des activités sélectionnées étaient en effet orientées vers les problématiques d'illettrisme rencontrées par des apprenants natifs des langues des pays représentés ; cela n'exclue cependant pas la prise en charge d'apprenants n'ayant pas pour langue première celles de ces différents pays.

193. Aux dix pays membres de l’Union européenne s’ajoutent la Suisse et la Turquie ainsi que l’Institut de l’Unesco pour l’apprentissage tout au long de la vie.

qui diffère des approches actionnelles encouragées depuis une décennie en Europe194. Morisse (2003, p. 22) signale la part des responsables d'organismes quant aux méthodologies mises en œuvre par les formateurs :

[…] certains responsables préfèrent recruter des personnes peu ou pas formées, […] en voulant « s’accrocher aux méthodes » qu’on leur a enseignées, [les formateurs] peuvent s’éloigner des préoccupations et des besoins des usagers, dira une responsable.

Il convient également de rappeler la spécificité des activités associatives au sein desquelles agissent des bénévoles dont les parcours « n’ont […] souvent aucun rapport avec l’enseignement du français langue étrangère et l’alphabétisation » (Bruley-Meszaros, 2008, p. 8). Néanmoins, à travers l'analyse de leurs discours, cette chercheure identifie des « objectifs [qui] se situent plutôt dans le communicatif et le fonctionnel ».

Suite à la création du label qualité FLI, Rivière (2012, p. 11) fait référence à l'« atomisation méthodologique [qui] révèle peut-être le caractère encore éparpillé d’une didactique du français langue d’insertion »195. Elle décrit, quant à elle, des pratiques marquées par les sciences de l'éducation, évoquant leurs dimensions « fortement transpositives et […] étayantes ». Les premières renvoient à des pratiques constituées « d’une part importante d’ingénierie de formation nécessitant l’analyse de besoins, la sélection de contenus, la planification et la mise en place effective de la formation[ ; ce qui] suscite […] un travail important de sélection, de traduction et de transposition des savoirs à enseigner » (ibid.). Les secondes sont notamment définies par le fait de « guider les apprenants dans le processus d’incorporation de nouvelles normes (à l’écrit ou à l’oral) par la gestion de la dynamique de la parole collective, voire de la parole auto-centrée » (ibid.).

Rivière mentionne aussi la « difficile didactisation par les formateurs » des documents écrits (ibid., p. 4). Sur ce point, Adami (2009b) ouvre son argumentation de manière assez catégorique :

Les acteurs de la formation d’adultes ont depuis longtemps intégré [la réalité des besoins des apprenants] et l’utilisation de documents authentiques196 fait partie des habitus pédagogiques puisque les apprenants y sont confrontés en permanence en dehors de la salle de cours.

Mais, un peu plus loin, cet auteur admet que « les pratiques et les habitudes pédagogiques en formation d’adultes en insertion sont contrastées » (ibid., p. 164). Il s'avère, a posteriori, que

194. Cf. : Unité des Politiques linguistiques (Ed.). (2001). Cadre européen commun de références pour les langues : apprendre, enseigner, évaluer. Unité des Politiques linguistiques, Strasbourg. Consulté de :

www.coe.int/t/dg4/linguistic/source/framework_FR.pdf

195. Dans le cas de la didactique des langues et des cultures, Puren (1994) élabore une réflexion à propos de « l'éclectisme méthodologique raisonné » qui implique de tenir compte des relations entre les méthodologies d'enseignement afin de les articuler de manière cohérente au sein des programmations didactiques.

196. La notion de document authentique a fait l'objet de nombreux débats internes aux sciences du langage et interdisciplinaires (voir Beauné, Bento & Riquois, à paraître). On retiendra ici qu'il s'agit de supports variés (oraux, écrits, audiovisuels, etc.) qui provient de l’espace extérieur au cadre formel d'apprentissage et qui se présente dans son intégrité originelle.

l'ensemble de l'article analyse de manière critique les transpositions didactiques de documents authentiques197 couramment réalisées en formation :

A l’écrit, par exemple, il existe un exercice incontournable, peut-être même emblématique tellement il est fréquent et que tout formateur d’adulte en insertion a dû faire au moins une fois dans sa vie professionnelle : faire remplir aux apprenants un formulaire où il faut écrire son nom, son prénom, son adresse, parfois sa date de naissance ou son numéro de téléphone. […] Ce qui est frappant, c’est que très souvent, ce type de formulaire que l’on peut trouver n’importe où, en abondance et sous toutes les formes dans la réalité, soit reproduit pour les besoins de la cause pédagogique. Le document proposé pour l’exercice se contente d’écrire « nom », « prénom » et « adresse » avec en face de chacun de ces mots, soigneusement placés les uns en dessous des autres, une ligne de points où il faut écrire la « réponse ». Ce type de formulaire « simplifié » n’existe bien sûr nulle part dans la réalité et les apprenants n’ont aucune chance de le rencontrer ailleurs qu’en formation. (ibid., p. 165)

Bien que cet article présente des propositions adaptées aux besoins spécifiques des migrants, il dissimule mal une tension importante liée aux pratiques des formateurs, qui rejoint la question de leur formation ainsi que celle de la valorisation institutionnelle de leurs compétences.

On voit aussi ici que des liens se manifestent entre les pratiques de formation et les ressources d'apprentissage. Dès les années 1970, ces questions sont relevées dans les recherches : François (1976) montre notamment que les « moniteurs d'alphabétisation » reçus en formation à l'époque exprimaient une forte demande d'aide : « devant l'urgence de leurs fonctions, [ils souhaitent] qu'on leur fournisse des recettes pédagogiques (dont on ne dispose pas, au reste) » (p. 111). L'auteure défendait, sur ce point, l'intérêt de formations à la création ad hoc de matériel par les formateurs pour les groupes d'apprenants, même si « les équipes de recherche se doivent de participer à l'élaboration de méthodes, de manuels, de matériel d'enseignement »198. Plus récemment, Leclercq (2006) pointait les insuffisances qui ont perduré concernant l'élaboration des matériels pédagogiques199.

Il est manifestement délicat de dégager des tendances marquées pour les pratiques de formation des migrants mais une voie d'approfondissement peut consister dans l'étude des problématiques relatives aux ressources disponibles pour ces pratiques. Si « concevoir, rechercher, sélectionner,

197. cf. note 279.

198. On a remarqué qu'il s'agit toujours d'un aspect important des formations spécialisées dans la gestion de situations d'analphabétisme, notamment à l'université Paris Descartes. Le texte cité réfère d'ailleurs à l'engagement scientifique de cette université vis-à-vis de la formation des « moniteurs d'alphabétisation ». Un laboratoire de recherches se concentrant précisément sur ces questions était en effet porteur d'un programme de formation ambitieux, faisant le lien entre pratique et recherches : « l'UER de linguistique générale et appliquée sous l'égide du Centre de Formation Continue de l'Université René-Descartes, [organise] des stages de formation de moniteurs d'alphabétisation depuis 1973. Ces stages demeurent largement expérimentaux, c'est-à-dire qu'ils ne cessent d'évoluer dans leur organisation comme dans leur contenu […]. Ils ne représentent, au reste, qu'un apport très insuffisant par rapport aux besoins en formation » (François, 1976, p. 113).

199. « le terme de méthode est employé. Mais c’est assez rare. On parlera de la valise « Lettris », on parlera de tel support, de tel outil. […] les modes de conception et de diffusion des supports sont radicalement différents en formation initiale et en formation continue. Nous n’avons pas une prescription aussi forte […] qu’en formation initiale » (p. 33).

modifier, recomposer les ressources » (Bruillard & et al., 2014) constitue un point nodal des activités d'enseignement, la production et la diffusion de ressources éducatives validées (Baron & Dané, 2007) renvoie aussi à un enjeu majeur pour la professionnalisation des formateurs : Bento (2014) associe notamment les manuels à « un outil de formation des enseignants et parfois le seul élément de formation continue » . Qu'en est-il pour les publics migrants peu lettrés ? Les ressources existent-elles en nombre ? Sont-elles adaptées aux besoins des publics formés ? Comment se diffusent-elles ? On a déjà proposé quelques éléments d'analyse concernant les ressources informatisées (cf. section 3.3.5. ) mais on élargira ces premières considérations à l'ensemble des ressources éducatives existantes pour la formation des migrants dans la partie suivante.

4.5.2. Interactions entre les pratiques et les ressources éducatives disponibles

4.5.2.1. À propos des manuels

On s'est intéressé à la question des manuels : bien qu'il ne s'agisse que d'une ressource pour l'enseignement parmi d'autres (l'espace, le mobilier de la classe, etc.), ils renvoient à des ressources quasi-naturalisées pour l'enseignement (Baron & Dané, 2007). Dans un chapitre d'ouvrage, Leclercq (2011b) relie les variations des pratiques des formateurs, la production éditoriale pour les publics migrants et le renforcement progressif des élaborations didactiques. Elle pointe entre autres, une réflexion portée vers les méthodologies pour l'apprentissage de la lecture et de l'écriture, en langue étrangère, à l'âge adulte, dans le courant des années 1970 qui identifie :

[…] l'ethnocentrisme des ressources proposées […], le paternalisme, voire certaines formes de racisme transparaissant dans les supports de lecture et d'exercice […] mais aussi le caractère infantilisant et scolarisant des situations d'enseignement/apprentissage de l'écrit […]. L'inadaptation des méthodes de lecture à dominante syllabique et des démarches structuro-globales, la non prise en compte des besoins langagiers des populations, de leurs expériences et de la diversité de leurs rapports à la langue du pays d'accueil […]. (ibid., pp. 23-24)

Plus loin, elle souligne le caractère lacunaire des évolutions du cadrage didactique du fait des spécificités de l'histoire de la production éditoriale pour ces publics :

[…] les nouveaux formateurs […] ont difficilement accès aux matériels élaborés plus confidentiellement dans les associations ou autres organismes. Ce fait [peut s'expliquer] par la désorganisation des fonds documentaires des réseaux et centres de ressources, liée à la disparition de certains d'entre eux. (ibid., p. 32)

Au plan des manuels, le projet MALIN (Mutualisation et Analyse des ressources pour la formation LINguistique des adultes) a été financé pendant quatre ans (2008-2012) par différentes institutions (locales, nationales et européennes) et visait à identifier les ressources éducatives utilisées en France pour la formation linguistique des migrants. Des articles liés à ce projet ont souligné plusieurs faits importants, comme :

• le manque d'intérêt des principaux éditeurs privés pour ce public au fil de l'histoire des pratiques d'alphabétisation (Bergère, 2009),

• l'élaboration essentiellement locale des matériels pédagogiques et leur diffusion limitée à des cercles restreints d'acteurs (Bergère & Deslandes, 2007).

Lorsque le projet a cessé d'être financé, l'équipe responsable du projet avait réussi à identifier 1890 manuels édités entre 1953 et 2009. Cela représente un corpus conséquent et cohérent qui pourrait être étudié en tant que tel mais on signalera que ces ressources n'ont pas toutes été conçues pour répondre spécifiquement aux besoins des adultes migrants (Bergère & Lehoussel, 2009a)200. Un point généralement admis est que les formateurs composent à partir de ressources diverses et la méthodologie pour le projet MALIN se basait, non sur la prescription, mais sur la description : il n'y a donc pas eu de sélection au sein des matériels déclarés comme étant utilisés. On a relevé aussi que les éditeurs privés de l'enseignement-apprentissage du FLE ont été attirés par la vague de réformes institutionnalisant la formation linguistique des migrants en France (Beauné, 2012b ; Bergère & Deslandes, 2007 ; Leclercq, 2011b, p. 32). Au cours de la dernière décennie, ils ont tous édité au moins un manuel pour la formation linguistique des migrants. On peut cependant identifier une tendance à la reproduction du modèle éditorial pour les manuels destinés à des apprenants scolarisés (Beauné, 2012b, 2013a). La prise en compte des compétences sémiographiques nécessaires au déchiffrage et à la compréhension des supports pour des apprenants peu lettrés semble particulièrement insuffisante, quand bien même ces besoins spécifiques ont été identifiés et analysés dès les années 1980 (Fraenkel et al., 1981). Dans une étude à caractère exploratoire portant sur la place des TIC dans un ensemble de manuels récents (Beauné, 2011b), j'ai montré que les technologies s'étaient infiltrées dans le paysage socioculturel présenté par les manuels et que, pour l’un d’entre eux201, la prise en compte de TIC au sein de l’apprentissage de l’écrit s’avère explicite et assez détaillée. Cependant, la publication postérieure d’ouvrages procurant un matériel visuellement pauvre et basé sur une approche syllabique peu contextualisée de l’apprentissage de la lecture-écriture, tend à infirmer l'hypothèse d'une production éditoriale tenant compte des mutations de la lecture et de l'écriture en cours depuis les années 1990 avec la banalisation croissante de TIC.

Ces quelques remarques font signe de l'ancienneté des tensions liées à la production de manuels adaptés aux besoins des migrants, notamment, de ceux peu lettrés. Elles soulignent également des problématiques qui impactent toujours les pratiques des formateurs : l'accès presque impossible aux ressources élaborées notamment par les associations pose la question de l'accès à l'histoire des pratiques de formation, à la mémoire du champ dans un sens assez large.

Sachant que les formateurs « se constituent un système de ressources qu’ils modifient constamment » (Bruillard & et al., 2014), on s'est intéressé aux évolutions en cours pour les 200. En outre, les ressources identifiées sont malheureusement inaccessibles depuis la fermeture des centres associés au projet. 201. Étienne, S. (2004). Trait d’union : méthode de français pour migrants. Clé international. La rubrique consacrée aux utilisations des TIC est néanmoins une des dernières du manuel.

pratiques des formateurs de migrants qui peuvent être liées au recrutement de formateurs diplômés en FLE/FLI, au renouvellement du cadrage didactique (avec le référentiel FLI notamment) ou encore, aux utilisations de TIC. Dans ce qui suit, je présente une brève analyse de l'histoire et de l'actualité des pratiques de formation conçues pour des migrants peu lettrés et mobilisant des TIC.

4.5.2.2. Histoire et actualité des utilisations de TIC pour la formation des migrants

À propos d'utilisations de TIC dans la formation de migrants, on a remarqué que les premières expérimentations peuvent sembler précoces si on les compare au degré de structuration du domaine : Leclercq (1999, p. 158) repère en effet des usages dès la fin des années 1970. L’étude réalisée par Bergère et Deslandes (2007) montre qu’à cette époque, des démarches de recherches s’élaborent également :

Ainsi, en 1977, le numéro 934 de la revue Hommes et Migrations documents publiait les extraits d’un rapport sur les méthodes et l’effort de recherche en matière d’enseignement du français aux travailleurs immigrés qui préconisait d’approfondir les recherches concernant différents aspects de l’enseignement et de l’apprentissage, dont : « L’élaboration d’une méthodologie plus satisfaisante dans les domaines de l’écrit et du calcul, indispensable quel que soit l’objectif de formation ; une étude approfondie des technologies audio-visuelles dont il n’est pas évident qu’elles soient adaptées, dans tous les cas, aux nécessités pédagogiques […] »

Bien que la frilosité de ces dernières lignes contraste avec les arguments avancés antérieurement, notamment par Poilroux et Colombier (1974, p. 323), des ensembles de matériels mobilisant des technologies de l'époque (LUCIL, logiciel ELMO) sont conçus et exploités au cours des années 1980 pour des adultes en difficulté avec les savoirs de base, sans qu'on puisse distinguer les migrants des francophones scolarisés (Leclercq, 2011b, p. 28).

L'ouvrage de Leclercq, daté de 1999, propose une réflexion concernant l’utilisation de TIC en formation de base, réflexion connotée d'interrogations morales puisque le titre de cette partie utilise le modalisateur « devoir » : « peut-on, doit-on utiliser les nouvelles technologies de l’information et de la communication dans une formation en lecture-écriture ? » (Leclercq, 1999, pp. 158–160). Ce titre évoque aussi la dimension potentiellement « contrainte » ou « forcée » par les cahiers des charges, des utilisations de TIC en formation de base. Dans ce chapitre, Leclercq